• JOSEPHINE BAKER ! a dit NON à l'occupant !

     

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    Je suis Joséphine Baker, née Freda Josephine McDonald,

    fille d'Eddie Carson, métis espagnol inconnu de moi, et de Carrie McDonald, Noire américaine.

    On m'appelait « Tumpie ». Je viens d'être expulsée de mon château des Milandes, à Castelnaud-la-Chapelle, en Dordogne, ce 15 mars 1969. Je m'étais barricadée dans la cuisine depuis plusieurs jours avec mon chat. Les ouvriers du nouveau propriétaire m'ont poussée à l'extérieur.

     

    . Hé, Tumpie, tu as la Légion d'honneur mais elle ne pèse pas lourd.

     

    Je suis assise sur le perron, pieds nus, un bonnet de bain sur la tête.

     

    J'ai l'air d'une vieille esclave.

     

    Je pense à « Shuffle Along », la comédie musicale qui m'a fait connaître aux États-Unis.

    Il est si loin, mon quartier misérable de Saint Louis, Missouri.

     

    À 10 ans je faisais le ménage chez des Blancs racistes.

     

    J'ai encore dans les veines les émeutes

    raciales du 3 juillet 1917.

    J'entends les hurlements des Noirs

    que les Blancs voulaient tuer.

    Je les vois courir.

     

    « Elle gonfle ses joues à la mode des guenons

    qui cachent des noisettes »

     

    Une femme enceinte à qui on avait ouvert le ventre… C'était sur la terre. Depuis, je n'ai jamais cessé de courir.

     

    La danse m'a sortie du chaos.

    Un jour, j'ai réalisé que j'habitais dans un pays où

    j'avais peur de ma peau.

     

    D'ailleurs, j'étais trop noire pour les Blancs et trop claire pour les Noirs.

    « La Revue nègre », en France, m'a inventée. Pendant sept semaines, au Théâtre des Champs-Élysées, les critiques se sont déchaînés. Celui du « Figaro », membre de l'Académie française, y a vu « un lamentable exhibitionnisme transatlantique qui semble nous faire remonter au singe en beaucoup moins de temps que nous en avons mis à en descendre ». Et il ajoutait :

    « Elle gonfle ses joues à la mode  

    cachent des noisettes. »

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    La guerre aussi a changé ma vie.

     

    Quand le capitaine Abtey, chef du contre-espionnage militaire, est venu me solliciter, en 1939, je lui ai dit :

     

    « La France a fait de moi ce que je suis. Les Parisiens

    m'ont offert leur coeœur. Je suis prête à leur donner ma vie. »

     

    Il s'agissait d'utiliser ma notoriété pour récupérer des informations. Depuis 1936, je louais le château des Milandes, une merveille, à 16 kilomètres de Sarlat.

     

    Je m'y étais réfugiée quand les services de Goebbels à Paris me jugeaient décadente et proche des juifs.

     

    Nous avions caché aux Milandes du matériel radio et des armes. J'avais adhéré à la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme depuis la Nuit de cristal, en novembre 1938.

     

    Je n'ai jamais rien refusé à la Licra.

     

    J'en ai transporté, des messages secrets, sur mes partitions musicales ou à l'intérieur de mes robes.

    Personne n'a osé

    fouiller au corps Joséphine Baker.

     

    Pour alimenter les ressources des Forces françaises libres,

    j'ai même vendu aux enchères la croix de Lorraine en or

    que m'avait remise lui-même le général de Gaulle.

    La Terre peut s'arrêter de tourner.

     

    Assise sur ce perron où l'on a souillé mon âme, je sais que je porterai jusqu'à ma tombe l'ovation que m'a réservée Paris, le 15 août 1944, lorsque je suis revenue sous-lieutenant des filles de l'air.

     

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    Nous avions caché aux Milandes du matériel radio et des armes.

     

    J'avais adhéré à la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme depuis la Nuit de cristal, en novembre 1938.

     

    Je n'ai jamais rien refusé à la Licra.

     

    J'en ai transporté, des messages secrets, sur mes partitions musicales ou à l'intérieur de mes robes.

     

    Personne n'a osé fouiller au corps Joséphine Baker.

     

     

    Pour alimenter les ressources des Forces françaises libres, j'ai même vendu aux enchères la croix de Lorraine en or que m'avait remise lui-même le général de Gaulle.

     

    J'ai longtemps hésité à reposer le pied chez moi, en Amérique. À Broadway, en 1936, j'ai retrouvé tout ce que l'on pouvait infliger à un citoyen noir. Pour entrer dans un hôtel, je devais prendre la porte de service. Pendant que les Noirs de Harlem me reprochaient de jouer dans un théâtre de Blancs…

     

    J'étais très seule quand j'ai commencé à imaginer un monde sans couleur de peau. Le « Time », à cette époque, expliquait que je n'étais qu'une jeune négresse aux dents de lapin. J'ai gagné un premier combat en 1951 au Copa City de Miami, en conditionnant mon spectacle à la présence de Noirs dans le public. Cette clause de mixité m'a enlevé beaucoup de contrats. Quelle importance… Lorsque mon visa a été refusé en 1963, Bob Kennedy est intervenu en ma faveur. Ainsi ai-je pu accompagner Martin Luther King à la marche de Washington en uniforme de l'armée française.

     

    « Personne n'a empêché les vautours de détruire l'œuvre de ma vie »

     

    'ai acquis le château des Milandes en 1947 pour la somme de deux millions cinq cent mille francs, payés cash. Et avec lui la quasi-totalité du village de Castelnaud.

     

    Avec Jo Bouillon, mon mari, nous avons entrepris de créer un complexe touristique. Il y avait même une ferme modèle, une fabrique de foie gras, une station d'essence. Et un bureau de poste. Nous y avions installé des dizaines de familles. Il a fallu dix ans pour sortir tout cela de terre, goudronner, amener l'eau et l'électricité. J'ai fourni des éviers à ceux qui n'avaient pas les moyens.

     

    Dans les années 1950, les Milandes recevaient 300 000 visiteurs par an. C'était « le village du monde, capitale de la fraternité », ma conviction absolue. J'y ai fondé la tribu arc-en-ciel avec mes 12 enfants adoptés. Akio et Janot au Japon, Jari en Finlande, Luis en Colombie, Jean-Claude, Moïse et Noël en France, Brahim et Marianne en Algérie, Mara au Venezuela, Kofi en Côte d'Ivoire, Stelina au Maroc.

     

    Chacun a été élevé dans sa religion, avec son propre précepteur. Nous vivions dans un endroit perdu.

     

    Le tourisme n'existait pas. Ma première conférence antiraciste, le dimanche 13 janvier 1957, a fait sensation au pays. J'étais impliquée partout localement et je ne pense pas que l'on m'ait regardée seulement comme une négresse qui avait du fric. Peut-être l'ont-ils oublié, mais j'étais aux ventes de charité à Bergerac, dans toutes les kermesses que j'organisais au profit des écoles. Je donnais aux hôpitaux. J'achetais des tables, des chaises, des livres. J'ai même réussi en 1957 à placer le banquet annuel de l'Amicale du Périgord à Bordeaux, avec Chaban, sous le signe du « village du monde ».

     

    Dans les années 1950, les Milandes recevaient 300 000 visiteurs par an. C'était « le village du monde, capitale de la fraternité », ma conviction absolue. J'y ai fondé la tribu arc-en-ciel avec mes 12 enfants adoptés. Akio et Janot au Japon, Jari en Finlande, Luis en Colombie, Jean-Claude, Moïse et Noël en France, Brahim et Marianne en Algérie, Mara au Venezuela, Kofi en Côte d'Ivoire, Stelina au Maroc.

     

    Chacun a été élevé dans sa religion, avec son propre précepteur.

     

    Nous vivions dans un endroit perdu. Le tourisme n'existait pas. Ma première conférence antiraciste, le dimanche 13 janvier 1957, a fait sensation au pays.

     

    J'étais impliquée partout localement et je ne pense pas que l'on m'ait regardée seulement comme une négresse qui avait du fric.

     

    Peut-être l'ont-ils oublié, mais j'étais aux ventes de charité à Bergerac, dans toutes les kermesses que j'organisais au profit des écoles.

     

    Je donnais aux hôpitaux. J'achetais des tables, des chaises, des livres. J'ai même réussi en 1957 à placer le banquet annuel de l'Amicale du Périgord à Bordeaux, avec Chaban, sous le signe du « village du monde ».

    Jo m'a souvent reproché de mal compter.

     

    En 1954, nous avions 118 employés, dont 18 jardiniers.

     

    On me dit que j'ai payé plusieurs fois les mêmes factures.

     

    J'ai engagé trop de travaux. Je suis écrasée par les dettes.

     

    J'ai couru les cachets pour rembourser deux cents millions de centimes.

     

    Le Général avait suggéré qu'il était possible de m'aider. J'ai répondu que ce n'était pas à la France de payer mes bêtises.

     

    'ai perdu. Mon château a été vendu aux enchères un dixième de sa valeur. Ils m'ont tout arraché, mon parc, mes meubles. Personne n'a empêché les vautours de détruire l'œuvre de ma vie.

     

    Les gens du Périgord m'ont tourné le dos, mais je ne leur en veux pas. Ici, ils ont découvert avec moi une idée folle. Un village du monde, capitale de la fraternité, créé par une femme noire

    à Castelnaud-la-Chapelle, 500 habitants !

     

     

    Je ne reviendrai jamais aux Milandes, ni en Dordogne. Mais je demeure fidèle à ceux qui m'ont émue. Je suis devenue française et citoyenne du monde, ici, au cœur du Périgord noir.

     

    Jo m'a souvent reproché de mal compter.

     

    En 1954, nous avions 118 employés, dont 18 jardiniers. On me dit que j'ai payé plusieurs fois les mêmes factures. J'ai engagé trop de travaux. Je suis écrasée par les dettes. J'ai couru les cachets pour rembourser deux cents millions de centimes. Le Général avait suggéré qu'il était possible de m'aider. J'ai répondu que ce n'était pas à la France de payer mes bêtises.

    J'ai perdu. Mon château a été vendu aux enchères un dixième de sa valeur. Ils m'ont tout arraché, mon parc, mes meubles. Personne n'a empêché les vautours de détruire l'œuvre de ma vie. Les gens du Périgord m'ont tourné le dos, mais je ne leur en veux pas. Ici, ils ont découvert avec moi une idée folle. Un village du monde, capitale de la fraternité, créé par une femme noire à Castelnaud-la-Chapelle, 500 habitants !

    Je ne reviendrai jamais aux Milandes, ni en Dordogne. Mais je demeure fidèle à ceux qui m'ont émue. Je suis devenue française et citoyenne du monde, ici, au cœur du Périgord noir.

    Hé, Tumpie, tu as beaucoup combattu pour ne rien garder, mais cela valait le coup. Ton village témoignera un jour de la négresse inguérissable, qui n'écoutait qu'un seul battement

     

     

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