-
Par Dona Rodrigue le 19 Janvier 2013 à 12:04
Le DEPART
Marguerite Henon :
- "Ma belle-mère nous dit :
"Oh, c'est mauvais : voilà les Belges qui se sauvent par notre village. Ca me rappelle 1914..."Déjà l’exode des Belges en France si important soit-il, ne rend pas compte intégralement du phénomène de panique et d’abandon de cette nation, ni de l’immensité des besoins d’assistance d’un peuple abandonné, en Belgique comme en France.
Nombreux sont en effet les sujets du roi Léopold partis de chez eux, mais qui n’ont pu franchir la frontière française en raison de l’avance allemande trop rapide vers l’ouest. Ceux-là, les plus éprouvés, ont souvent dû attendre en pleine nature la fin des combats pour échapper aux attaques de l’aviation, avant de retrouver leur maison détruite par les raids aériens.
Ils n’ont bénéficié d’aucune aide avant plusieurs semaines. Ils ont dû subsister entre eux, par groupements de villageois perdus, cachés dans les forêts, sans aucun secours d’hygiène, organisant leur survie par des opérations risquées dans les villages abandonnés.
Les familles ont été dispersées, frappées par les avions maraudeurs, éprouvées par la disette, blessées dans leur chair par les raids aériens. Il faut attendre l’occupation totale du pays par la Wehrmacht pour que les soins et les secours soient donnés à la population civile grâce à la reprise progressive des services.
Les villages que l’exode n’a pas encore atteints regardent passer les réfugiés. Sur le pas de leurs portes, les habitants disposent, au début, des seaux d’eau, des bouteilles de lait, des vivres. Les femmes hébergent des passants épuisés qui s’en vont parfois, le lendemain, en dérobant l’argenterie. Exilés, ils se demandent à chaque instant s’ils n’ont pas eu tort de partir.
Mais leur exemple semble contagieux.
Ceux qui ont de l’argent l’ont retiré en hâte des caisses d’épargne pour aller se le faire voler plus tard par des compagnons de route qu’un excès de malheur rend plus aisément malhonnêtes.Ceux qui ont un lit l’ont abandonné pour une botte de paille déjà souillée d’excréments.
Ceux qui ont des provisions en ont chargé des sacs à dos qui scient les épaules, retardent la marche et finiront dans les fossés de l’exode.
A Vouziers, le sous-préfet et le maire ont disparu, il n’y a plus de sapeurs-pomplers pour éteindre les incendies.
Si les notables qui peuplent souvent les conseils municipaux des villes ne prennent pas de décision, ou tardent à donner des ordres d’évacuation, c’est que l’autorité militaire, qui doit les aviser, est elle-même défaillante et ne lit pas clairement la carte de guerre.
Quand les paysans apprennent que, dans les villages proches, les chars allemands attaquent, ils rattrapent les cortèges venus des villes et les villages se vident.
Le mouvement se répercute assez loin des combats, par un processus d’imitation les villageois partent, parce que leurs voisins sont partis.
Impossible à cette immense cohue de se procurer des vivres aux étapes. Boulangers et bouchers sont absents. Vouziers est pour cette raison pillé de fond en comble par les soldats en déroute.
La ville de Rethel est à son tour mise à sac ; ses commerçants l’ont abandonnée. A Reims, où les boutiques sont fermées, les rideaux de fer abaissés, les réfugiés cherchent des vivres par la force.
Le samedi 15 juin, à 4 heures du matin, le maire de Beaugency reçoit un télégramme qui lui ordonne de faire rallier Orléans-Saint-Marceau (même à pied) à toute la population munie de trois jours de vivres. Les enfants de Paris, réfugiés en Loiret, doivent suivre le mouvement.
Tous les maires du département du Loiret sont alertés par des télégrammes identiques. Lorsque M. Paul Cabanis, député-maire de Beaune-la-Rolande, a déchiffré le sien, il lui faut préparer en quelques heures une évacuation que la rapidité de l’avance allemande rend totalement inutile.
A l’aube, sous la protection de trois religieuses (Sœurs Marie, Françoise et Geneviève), on charge les vieillards de l’hospice dans un autocar conduit par M. Simon.
Les enfants de la colonie scolaire de la Seine sont transportés jusqu’à La Ferté-Saint-Aubin par des ambulances militaires.
La phobie de l'espion
Qui dira Jamais d’où venait l’inconnu de la tombe 84. Homme taille moyenne, les pieds, les bras, le corps ligotés, vêtu d’un pantalon de velours, veston noir, une montre.
L’homme ligoté est-il un espion ?
Un vrai ou faux parachutiste ?
Un prisonnier politique abandonné sur le revers d’un fossé ?
Nul ne s’en inquiète tant est grande la frénésie d’espionite .
Vraies ou fausses, d’atroces histoires de cinquième co-lonne circulent parmi soldats et réfugiés.
Dans les Ardennes, les parachutistes allemands ont pour signaI de reconnaissance le cri de la chouette !
Près de Landrecies, des civils ont tué deux officiers français qui contrôlaient les réfugiés. Ce n’est rien, à Abbeville, une section a été livrée à l’ennemi par un sous-officier de la Légion.
A Rouen, il a fallu abattre un Allemand déguisé en officier belge ainsi que son chauffeur et une femme, qui voulaient absolument obtenir le passage.
Bonnes sœurs, curés, Belges, sont particulièrement suspects. Un parachutiste prussien déguisé en religieuse, tel est le cauchemar qui hante les nuits des anciens combattants rassemblés par commune en une incertaine et brouillonne garde civique.
Le sénateur Jacques Bardoux raconte, le 24 mai, qu’un avion allemand ayant atterri sur le bord d’une route, il en est descendu deux hommes et une femme qui ont épuisé leurs chargeurs sur la foule des réfugiés.
De tels récits ne peuvent qu’amplifier la panique, faire perdre le contrôle d’eux-mêmes aux soldats et aux gardes mobiles. On fusille et on assomme à tort et à travers.
Un sous-officier du 4e régiment de cuirassiers donne-t-il un coup de phare, il est immédiatement soupçonné d’espionnage.
Un officier de marine qui cherche à rejoindre nos lignes près de Dunkerque est jugé sommairement, puis fusillé par les Anglais.
De braves gens, énervés ou hébétés par la défaite et qui ne peuvent pas faire de bonnes réponses, sont tués, sans autre forme de procès, par d’autres braves gens que talonne la peur.
LES ANIMAUX ABANDONNES
En France comme ailleurs, en 1940, les animaux sont devenus sédentaires ...
Ils sont fort nombreux dans un pays resté largement rural mais ne participent pas tous à l’exode. Une vache, un porc, un dindon et même une oie domestique ne peuvent suivre. Ils ont oublié l’usage de leurs ailes et de leurs pattes.
Les ânes et les chevaux sont à l’armée. Seuls les chèvres infatigables et les chiens étiques peuvent marcher au train des hommes.
Quelques bœufs sont attelés à la charrette.
Les vaches non traites depuis des jours et des jours hurlent dans les bocages, les porcs attendent les couteaux sacrificiels des soldats pillards.
Les abeilles cherchent la ruche écrasée par le canon dans les zones de combats et s’épuisent en cercles insensés.
SE BATTRE !
Des soldats se font tuer derrière de ridicules barricades en armoires Lévitan et charrettes de fermes, tout juste bonnes à ralentir le flot des réfugiés.
Ailleurs, c’est la population qui supplie les officiers de cesser le feu. A des artiIleurs qui tentent de mettre une pièce en batterie, la foule sur laquelle les Allemands tiraillent en même temps que sur les soldats, la foule crie :
Allez-vous-en ! Allez-vous-en ! Vous êtes des lâches.
Au Blanc, les anciens combattants éteignent les mèches et empêchent le pont de sauter.
A Poitiers, la population menace d’abattre les barricades dressées par des hommes du 274. RJ. et le maire marche vers les Allemands, un drapeau à la main.
LES PILLARDSLes partants laissent leurs maisons offertes au pillage et les pilleurs sont légion : les militaires en déroute, les réfugiés de passage, les habitants restés dans les villes, Amiens, Roye, Abbeville, qui volent pour que les Allemands ne trouvent plus rien. On a vu des paysans atteler les charrettes, non pour fuir, mais pour piller les villes : revanche sauvage des campagnes, saturnales du désordre.
Pas de police ni de gendarmerie pour les arrêter. Les magasins d’alimentation sont d’abord leur cible, les stocks livrés aux gens de passage affamés, aux résidents qui n’ont plus de commerçants et qui doivent cependant se nourrir. En l’absence d’ordre, la sauvagerie se déchaîne dans les villes de la Somme et de l’Aisne abandonnées par les autorités.A Abbeville, l’antiquaire, devenu tout ensemble maire et sous-préfet de sa propre autorité et de par la confiance des sauveteurs, engage des civils pour dégager les rues, enterrer les morts dans des fosses communes, s’occuper des blessés réunis en plein air dans un jardin, nourrir les vieillards de l’hospice. Il ose même réquisitionner des ouvriers payés en vivres pour attaquer les pillards à coups de bâton.
Dans certains villages de la Somme, on a repéré des dépouilleurs de cadavres.Les châteaux ne sont pas seulement mis a sac, ils sont vandalisés.Puisque l’autorité est absente, l’heure de la revanche a sonné, mais aussi celle du «chacun pour soi ».
Une région entière est livrée à l’encan, offerte en proie, abandonnée à des hommes qui ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes pour survivre. Parmi ceux-là, nombreux sont aussi ceux qui donnent des exemples de générosité, de dévouement aux blessés, aux enfants perdus, aux femmes en difficulté. Le meilleur et le pire.SOURCES :
témoignages de l'exode Ardennes.
superbe blog - Mo (t) saiques...
http://motsaiques.blogspot.fr/2010/05/p-282-mai-1940-exodes-dardennais.html
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique