• Le service du travail obligatoire (1/3):

    un évènement décisif dans l'histoire de la Résistance 

     

     

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    Le service du travail obligatoire (S.T.O.) est l'une des questions les plus méconnues et les plus controversées de la Seconde Guerre mondiale.

     

    Un million de Français, essentiellement des jeunes, sont partis travailler en Allemagne nazie.

     

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    Si environ 250 000 y sont allés avec un contrat de volontaire dûment signé dans une officine d'embauche spécialisée, qu'en est-il de tous les autres parfois jugés sévèrement, y compris aujourd'hui? Etait-il si facile de se défiler?

     

     

    La Résistance avait-elle réellement les moyens d'acceuillir tous les réfractaires?

     

    Refuser de partir était-il sans risque?

     

     

    Quelle a été l'attitude de l'administration française de l'époque, de la police et de la gendarmerie? 

     

    Voici quelques éléments de réponse qui ne mettront évidemment pas fin aux polémiques, mais qui visent simplement à fournir des éclairages utiles pour un débat passionné.


    Aux premiers mois de l'occupation, il y a en France un million de chômeurs, dont huit cent mille en zone occupée (60% en région parisienne).

     

     

    Pourtant, les premiers appels au volontariat pour partir travailler en Allemagne restent sans écho. Seulement 12 000 personnes ont signé un contrat de travail au 31 octobre 1940.

      

    Des bureaux de recrutement allemands sont ouverts en novembre 1940 en zone occupée et en mars 1942 en zone non occupée avec l'objectif avoué de recruter massivement des travailleurs, surtout spécialistes.

      

    Malgré des offres alléchantes, salaires doublés voire triplés, le succès n'est pas au rendez-vous. Le gouvernement de Pétain va jusqu'à promettre l'impunité à certains délinquants à condition qu'ils signent un contrat.

     

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    En vain. Les départs ont lieu au compte-gouttes, bien loin des besoins de l' Allemagne nazie désormais engluée en URSS, et qui mobilise tous les hommes en âge de combattre au fur et à mesure de ses échecs militaires.

    Deux éléments déterminants vont alors intervenir: D'abord en mars 1942, la nomination du Gauleiter nazi Fritz Sauckel en tant que responsable du recrutement de la main-d'oeuvre dans toute l'Europe occupée.

     

     

      

    Hitler lui a donné les pleins pouvoirs et même les militaires doivent lui obéir. Puis, en avril 1942, c'est le retour de Pierre Laval au pouvoir à Vichy, accentuant encore davantage la collaboration de l'Etat français.

     

    Ces deux-là vont réellement faire la paire pour drainer vers les usines nazies plusieurs centaines de milliers de travailleurs.

     



    Dès juin 1942, Sauckel exige 250 000 hommes dont 150 000 spécialistes; 240 000 partiront de juin à décembre.

     

    En janvier 1943, il en réclame encore 250 000 et effectivement ce chiffre sera atteint au délai prévu, le 31 mars. Mais la mécanique commence à s'enrayer dès sa demande suivante:

     

    220 000 travailleurs à fournir avant le 30 juin.

    Seulement 110 000 franchiront effectivement le Rhin.

      

    Lorsqu'en février 1944, Sauckel, surnommé depuis déjà longtemps le "négrier de l'Europe",

     

    exige encore 110 000 hommes, il n'y en a plus que 40 000 au départ, souvent obtenus à coups d'exactions et de rafles, jusqu'à prendre des droits communs dans les prisons.

     

    Mais en quelques mois, de septembre 1942 à juin 1943,

     

    il est tout de même parti environ 600 000 travailleurs, soit une moyenne de 60 000 par mois ou 2 000 par jour.

     

    Chiffres énormes et l'on se demande comment ils ont pu être atteints.

     

      

    Il faudra passer à une autre phase pour que le processus commence à fonctionner:

    <<La relève forcée>>,

    le départ au nom de la loi.

    La loi du 4 septembre 1942 <<relative à l'utilisation et à l'orientation de la main-d'oeuvre>> est prise pour <<faciliter l'exécution de tous les travaux que le gouvernement jugera utile dans l'intérêt supérieur de la nation>>.

     

    Elle concerne tous les hommes de 18 à 50 ans et les femmes célibataires de 21 à 35 ans.

    On parle encore de relève dans la presse et à la radio, mais il s'agit bien de contrainte.

     

    Très rapidement en effet, sous la houlette de préfets régionaux (postes créés en avril 1941), responsables des affaires économiques et de la police ainsi qu'avec l'aide des secrétariats d'Etat au travail et à la production industrielle, des recensements sont effectués usine par usine, avec désignation de travailleurs qui devront partir au nom de la loi.

      

    Ici, on désigne les ouvriers qui effectuent des temps partiels, là les célibataires, ailleurs on s'intéresse aux chômeurs, l'essentiel étant de faire du chiffre.

     

    Les listes des <<victimes>> sont affichées sur les panneaux administratifs des entreprises.

     

    Entre la désignation et le départ il ne se passe guère plus de 3 à 4 jours. La plupart partent, car bien souvent, l'entreprise qui les a désignés avec l'aide des inspecteurs du travail, les a en même temps licenciés.

    Jean-Pierre Vittori
    journaliste, ancien rédacteur en chef du "Patriote résistant", historien, cinéaste


    Notre Musée (Revue de l'Association du Musée de la Résistance Nationale) n° 186 / 03-08

    Fin de la première partie.

     

    SOURCES : http://ufacbagnolet.over-blog.com/categorie-10577068.html

     http://archives.allier.fr/1733-de-la-releve-au-sto.htm

     

     

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  • Le service du travail obligatoire (2/3):

      

    un évènement décisif dans l'histoire de la Résistance 

      

     


    Seconde partie

    Durant toute cette période, l'administration de Vichy joue largement le jeu, y compris en mobilisant contre les premiers réfractaires, la police, la gendarmerie et mêmes les maires des villes et villages, sans compter l'implication des troupes d'occupation.

     

    En quelques semaines, la demande de Fritz Sauckel est donc satisfaite.

      

    il a obtenu son contingent d'esclaves. L'effet de surprise passé, les travailleurs commencent à organiser des répliques et il y aura des grèves importantes dans différentes régions, notamment dans la région lyonnaise dès octobre 1942, à la SNCF, aux aciéries de Vénissieux, aux établissements Berliet, etc. avec interventions des <<forces de l'ordre>> pour casser le mouvement.

    Les effets de la loi du 4 septembre 1942 s'essoufflant, et les demandes de Sauckel redevenant plus pressantes, il faudra recourir à d'autres moyens.

     

    Ce sera la loi du 16 février 1943 qui instaure un travail obligatoire de 2 ans, pour les hommes nés entre le 1er janvier 1920 et le 31 décembre 1922. Dès lors, les effets des deux lois (4 septembre 1942 - 16 février 1943) se conjuguant, pendant les semaines qui suivent, les départs forcés vont se multiplier.

      

    Les révoltes aussi, comme à Romans dans la Drôme en mars 1943 où populations et requis mêlés, empêchent le départ du train, malgré les charges des G.M.R. (gardes mobiles de réserve).

     

    Désormais, surtout à partir de l'été 1943, la machine à fabriquer des esclaves ne fonctionne plus très bien.

      

    Certes, les arrestations s'intensifient, certes, les réfractaires sont privés de papiers, de carte de travail, de cartes d'alimentation, certes, les menaces pleuvent, les rafles se multiplient, mais le gouvernement de Pétain et Laval n'a plus les moyens de sa politique collaborationniste, et de son côté, Sauckel se heurte à Albert Speer, le puissant ministre de l'Armement du IIIe Reich.

      

    Lui ne croît pas à l'efficacité du recrutement contraint.

     

    Il est partisan de l'utilisation sur place de la main-d'oeuvre dans l'une des 10 000 usines d'un secteur protégé, les Speer-Betriebe, qui travailleront directement pour les nazis.

    En Septembre 1943, il signe un accord en ce sens avec Jean Bichelonne, secrétaire d'Etat à la Production industrielle. L'impunité est même promise aux réfractaires.

     

    S'ils régularisent leur situation, ils pourront aussi travailler dans les usines protégées.

     

    En janvier 1944 pourtant, Sauckel reprend la main et va jusqu'à réclamer un million de nouveaux esclaves.

     

    Cette fois, c'est l'échec total, l'espoir a définitivement changé de camp.

      

    Il est désormais beaucoup plus facile de se soustraire et de rejoindre les rangs de la Résistance, qui s'est considérablement renforcée depuis l'été 1943, alors qu'administration et <<forces de l'ordre>> prennent moins à coeur la chasse aux réfractaires.

    On l'a vu, les victimes de la relève forcée et les requis du S.T.O. ont souvent réagi à leur envoi en Allemagne. Il y a eu des grèves, des manifestations, des refus individuels. Depuis la fin de la guerre, 180 451 réfractaires ont été homologués par l'administration, ce qui donne également un aperçu du nombre des travailleurs qui se sont soustraits volontairement à l'ordre de réquisition.

    Certains qui ont obtenu des permissions ne sont pas repartis, attendant chez eux la fin du conflit, rejoignant parfois un maquis, ou obtenant de faux papiers.

      

    Car la Résistance n'est jamais restée inerte face à la question de la <<déportation des ouvriers>> comme il est dit alors. De la distribution de tracts à l'organisation de manifestations, de l'article dans les journaux à l'appel radiophonique de Londres ou de Moscou, elle informe inlassablement avec en leitmotiv <<ne partez pas pour l'Allemagne>>. De Témoignage Chrétien à L'Humanité, de Combat à Libération ou La Vie Ouvrière, c'est un long combat d'information qui fait peu à peu son chemin.

    Mais il faudra attendre juillet 1943 pour que se mette en place un organisme essentiellement chargé d'organiser sur tout le territoire la lutte contre la déportation du travail: Le comité d'action directe (C.A.D.) placé sous la responsabilité d'Yves Farge.

      

    L'organisme assure la mise en circulation d'un demi-million de fausses cartes d'alimentation, de fausses cartes du travail et d'identité. D'autre part, le comité centralise les tickets d'alimentation obtenus à la suite de raids F.T.P.

    Le quotidien des travailleurs français en Allemagne ? Différent selon les lieux et les époques. Différent également en fonction de l'usine ou l'atelier dans lequel ils travaillent. Il est évident que celui qui oeuvre dans une petite structure à la campagne, est moins exposé que celui qui travaille dans une grande usine placée sous la surveillance de la Gestapo, et visée par les bombardements de l'aviation alliée.

      

    Il est certain aussi que l'alimentation restera correcte à la campagne, tandis que les derniers mois de guerre seront insoutenables pour les travailleurs des grandes structures industrielles nazies, en butte aux privations, à la surveillance de la police, aux punitions répétées à la moindre incartade, au moindre acte de refus.

    Ainsi, plusieurs milliers de travailleurs français seront condamnés à des peines de camp de rééducation par le travail, punition chargée de remettre rapidement tout contestataire dans le droit chemin, ce qui fait écrire à Ernst Kaltenbrunner, chef de la police de sécurité du Reich (R.S.H.A.) que les conditions de travail et de vie y <<sont en général plus dures que dans les camps de concentration>> et que <<cela est nécessaire pour atteindre le but fixé et possible, car la détention par mesure de sécurité ne dure que quelques semaines, au maximum quelques mois>>.

    Selon une étude récente d'Arnaud Boulligny, plusieurs milliers de travailleurs ont aussi été internés dans des camps de concentration, ce qui montre bien que la vie des requis en Allemagne n'a pas été exempte de dangers et de drames, sachant également qu'environ 40 000 y sont morts, le plus souvent sous les bombardements de la dernière année de guerre. Après leur retour, 60 000 d'entre eux ont été soignés pour des affections pulmonaires. Il est utile de préciser que le travail pour l'Allemagne nazie ne se résume pas aux seuls volontaires et victimes des lois du 4 septembre 1942 et du 16 février 1943.

      

    En France, près de 750 000 personnes ont été requises dans les usines protégées et l'Organisation Todt qui construisit notamment les fortifications du "Mur de l'Atlantique". Il y eut aussi 250 000 prisonniers de guerre transformés en travailleurs. Au total, 3 600 000 Françaises et Français ont, volontaires ou contraints, travaillé pour l'Allemagne nazie.

    Jean-Pierre Vittori

    journaliste, ancien rédacteur en chef du "Patriote résistant" historien, cinéaste
    Notre Musée (revue de l'Association du Musée de la Résistance) n° 186 / 03-08

    Fin de la seconde partie. A suivre: l'opposition des ouvriers aux réquisitions allemandes

     

     

    SOURCES : http://ufacbagnolet.over-blog.com/categorie-10577068.html

     

     

     

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    Le service du travail obligatoire (3/3):  

     



     

    Troisième partie.

    L'opposition des ouvriers de l'usine Gnome et Rhône aux réquisitions allemandes selon les archives de la Police.

    Dès l'été 1942, l'occupant exige des réquisitions massives d'ouvriers français pour aller travailler en Allemagne.

      

    Les oppositions se manifestent tout de suite et l'occupant est loin d'obtenir le nombre de travailleurs demandés. Les éléments d'archives ci-dessous concernant l'entreprise Gnome et Rhône donnent un aperçu des oppositions du personnel.

    Archives BA 1788 / chemise B-46-f

    Note,26 octobre 1942:

    << En vue de récupérer les ouvriers défaillants désignés pour aller travailler en Allemagne, les services de police allemande ont effectué samedi dernier de 12 h à 13 h 15 un pointage du personnel aux établissements Gnome et Rhône, boulevard Kellerman. Cette opération n'ayant pas donné les résultats escomptés, la direction de ces établissements a invité, par télégramme adressé à leur domicile, les trente-cinq ouvriers réfractaires à se présenter aujourd'hui à 10 heures au bureau d'embauche de l'usine. Six d'entre eux seulement ont répondu à cette invitation et ont signé leur contrat de travail en Allemagne...

      

    D'autre part, en accord avec la direction, les autorités allemandes envisagent de remplacer, le cas échéant, les ouvriers restés réfractaires par d'autres ouvriers qui, primitivement reconnus inaptes, seront déclarés bons à la suite d'une contre-visite médicale. >>

    Note, 17 décembre 1942:


    << Ce matin, dix membres de la police allemande accompagnés de militaires en arme se sont présentés à la direction des usines Gnome et Rhône à Gennevilliers en vue de procéder à la réquisition d'une partie du personnel, en remplacement des cinquante et un ouvriers défaillants de cette usine qui avaient été désignés pour aller travailler en Allemagne.

      

    Les cinquante et un ouvriers ayant quitté depuis lors les établissements Gnome et Rhône, les autorités d'occupation ont réquisitionné d'office ce matin quarante-six autres ouvriers sans considération d'âge ou de situation de famille.

      

    Les quarante-six ouvriers ont été emmenés en camion à la caserne Mortier.


    Leur départ est prévu pour ce soir à la gare de l'Est. En vue de parer à des défaillances possibles, dix-sept autres ouvriers ont été pris en otages et ne seront relaxés que si la totalité des ouvriers réquisitionnés se présente au départ. Les opérations ont causé une animation assez vive parmi le personnel de l'usine...>>

    Ces notes de la police montrent bien l'opposition des ouvriers à ce qu'on appelait alors la déportation du travail; et ce n'était qu'un début puisque les faits remontent à 1942.

     

    Les premières réquisitions de masse vont être suivies, dès le début 1943, par d'autres plus importantes encore mais qui provoqueront de nombreuses réactions de refus (réfractaires et maquisards).

    Documents remis par Serge Boucheny,


    président de l'Association parisienne des Amis du Musée de la Résistance nationale

    a totalité des ouvriers réquisitionnés se présente au départ. Les opérations ont causé une animation assez vive parmi le personnel de l'usine...>>

    Ces notes de la police montrent bien l'opposition des ouvriers à ce qu'on appelait alors la déportation du travail; et ce n'était qu'un début puisque les faits remontent à 1942.

     

    Les premières réquisitions de masse vont être suivies, dès le début 1943, par d'autres plus importantes encore mais qui provoqueront de nombreuses réactions de refus (réfractaires et maquisards).

    Documents remis par Serge Boucheny,


    président de l'Association parisienne des A
    mis du Musée de la Résistance nationale

     

     

     

    SOURCES : http://ufacbagnolet.over-blog.

    com/categorie-10577068.html

     

     

     

     

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