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Par Dona Rodrigue le 9 Mars 2012 à 14:47
Le combattant du petit bonheur
Le jeune Alphonse, 19 ans à peine, habite dans le 13ème arrondissement ; il quitte l'imprimerie où il travaille pour s'enrôler dans un maquis du Centre puis remonte à Paris à la veille de l'Insurrection et rejoint un groupe de F.F.I de l'O.C.M (Organisation civile et militaire).
Le 19 août, avec ses camarades, il tient une barricade à l'angle de la rue Saint-Séverin et du boulevard Saint-Michel; leur mission : intercepter tout véhicule allemand se dirigeant vers la Préfecture de police. Le surlendemain, 21 août, ils se déplacent à l'angle de la rue Danton, au coin de la place Saint-André des Arts, et sont équipés de bouteilles d'essence pour attaquer les chars qui descendent des Jardins du Luxembourg ; dans l'après midi ils récupèrent au cours d'une escarmouche un fusil-mitrailleur 24-29 ce qui leur vaut d'aller s'installer en batterie au cinquième étage de l'immeuble de l'angle de la rue Surger et de la rue Danton.
De retour d'une brève promenade dans le quartier, vers 14h 30, Alphonse débouche rue Saint-André des Arts en même temps qu'un side-car allemand qui a réussi à forcer les barrages. Une rafale part de l'immeuble d'en face. Le conducteur est touché et la machine vient s'écraser contre la façade d'une boutique de naturaliste (aujourd'hui une agence bancaire).
Le passager du side-car parvient à s'extraire de son siège et se précipite mitraillette à la main dans le couloir de l'immeuble à côté du magasin. Le gardien de la paix Joseph Lahuec est en travers de sa route et veut s'interposer. Il est abattu d'une rafale ...
Alphonse se jette à la poursuite de l'Allemand et grimpe quatre à quatre les escaliers derrière lui ... au cinquième étage une deuxième rafale de mitraillette le stoppe net. Un F.F.I venu en renfort ne s'arrête pas à temps ... il est touché. S'engagent des tractations par l'intermédiaire d'un interprète, mais le soldat allemand ne veut pas se rendre aux "terroristes" et menace de tirer sur quiconque s'approchera .
La Préfecture de police envoie la Brigade des gaz pour tenter de le déloger. Profitant d'un moment de calme Alphonse tire deux fois dans la direction du sixième étage et dévale à toute allure les escaliers ... le soldat réagit immédiatement ... tire ... mais le rate.
En bas de l'immeuble il est fraîchement accueilli par son chef de groupe qui parle d'abandon de poste, de désobéissance.
A la nuit tombée les policiers investissent les escaliers, lancent les fumigènes et montent à l'assaut ... ils ne trouveront qu'un cadavre. Le soldat allemand n'avait que dix sept ans et ne voulait pas se rendre, il s'était tiré une balle dans la tête.
Joseph Lahuec, 40 ans, sous-brigadier à la 7ème compagnie de circulation de la Préfecture de police, est marié et père de trois enfants. Après une mission de récupération d'armes au Fort de Verrières le Buisson dans la matinée, il se tenait avec son groupe place Saint-André des Arts pour interdire le pont Saint-Michel. Il a été mortellement atteint à la tête.
Sur le registre des communications téléphoniques de la salle de permanence de la Préfecture de police, on peut lire qu'à 13h15 quelqu'un a appelé pour signaler que des F.F.I ont cerné un Allemand qui s'est retranché au 6ème étage d'un immeuble de la place Saint Michel et qu'ils demandent renforts et grenades. A 14h25, on signale le décès de Joseph Lahuec et son transport au poste de secours de l'Ecole de médecine.
Alphonse Boudard (1925-2000) a raconté ses aventures dans "Le combattant du petit bonheur"; il les poursuivra dans le régiment de F.F.I du colonel Fabien et nous les livrera dans "Le corbillard de Jules".
SOURCES : http://www.liberation-de-paris.gilles-primout.fr/eboudard.htm
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Par Dona Rodrigue le 7 Mars 2012 à 12:38
Tout a commencé dans la rue, le meilleur et le pire. Le pire plus souvent. Sans la rue, les petit potes traîne-lattes, certain que je me serais pas fourvoyé guerrier de l’ombre.
J’aurais eu personne à épater.
On est dans la guerre, la vraie avec des armes à feu, pour continuer nos jeux de rue…
nos bagarres de quartier.
Pas plus d’idéal là-dedans que d’orangers à Courbevoie.
Mais les Fritz ne sont pas encore arrivés, je m’aperçois… j’ai déjà trop divagué de droite à gauche… je traînasse à loisir, puissiez-vous partager mes flâneries avec quelque agrément. Et il me faut encore vous brosser un peu les décors… et surtout les personnages alentours.
Au-dessous de chez nous, c’était donc le café d’Anatole… son bouge plutôt… les murs qui n’avaient pas été repeints depuis le septennat de Monsieur Fallières… la calbombe unique sans abat-jour qui pendait au plafond, pleine de chiures de mouches.
Une peinture murale sur le côté…
On distinguait tout de même sous la crasse le sujet… un jeune garçon qui pissait dans une rivière. L’inscription au-dessus en lettres blanches :
« Ne buvez jamais d’eau ».
Superfétatoire le conseil… ils risquaient pas, les clients, de se pointer au rade pour s’humecter à l’eau d’Évian.
Tous les jours, Anatole, il se dévouait comme une vraie petite sœur des pauvres pour faire boire un gâteux alcoolique qui n’arrivait plus à tenir son verre tant il tremblotait. « Faut bien se rendre service entre Français »…
Madame Henriette commentait.
C’était elle qui lui sortait le porte monnaie de la fouille à Pépère bloblote. Elle montrait bien à tout le monde… qu’elle prenait juste le compte. Les malveillants pouvaient rien trouver à redire.
(…)
Ça nous remontait dans le temps de nos terrains vagues. A présent notre XIIIème… on n’y retrouve le passé que par lambeaux épars… des morceaux au milieu des buildings… des Euro-Marchés nouvelle race de magasins agressifs ! Notre enfance, c’était encore la civilisation des concierges.Alphonse Boudard, Les combattants du petit bonheur. Prix Renaudot 1977. Éditions La Table Ronde.
Les Combattants du petit bonheur est un roman d'Alphonse Boudard publié en 1977 aux Éditions de la Table ronde et ayant reçu le prix Renaudot la même année ( livre de poche et autres éditeurs)
Résumé :
Alphonse Boudard raconte sa jeunesse dans le 13e arrondissement de Paris, aux alentours de la place d'Italie, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Après avoir tenté de quitter Paris en vélo en juin 1940, il doit faire demi-tour au niveau d'Orléans et rejoindre la capitale. L'hiver 1940 est rude : le froid, les privations alimentaires ont raison des plus faibles.
Parmi les mauvais garçons qu'il fréquente, certains rejoignent le camp du maréchal Pétain. Les rivalités entre bandes font qu'il s'engage du côté des futurs vainqueurs.
Employé dans une imprimerie située à Glacière, il est recruté par un réseau de la résistance et part rejoindre un maquis en Sologne au printemps 1944. Il y découvre une organisation boy-scout inefficace. Après le massacre de la section qu'il devait rejoindre, il décide de rentrer sur Paris. Il participe alors à la Libération de Paris en étant présent près de la place Saint-Michel.
Analyse :
Ce livre se distingue par un style populaire, utilisant beaucoup d'argot, et par le souci de faire un récit sans emphase de la vie dans le Paris populaire pendant la Seconde Guerre mondiale.
Engagé dans le bon camp un peu par hasard, Boudard retrace l'itinéraire d'un gamin plus préoccupé par le « cul des filles » que par l'occupant et toujours méfiant vis-à-vis des partis de quelque bord qu'ils prétendent être.
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