• UNE RESISTANTE AUTHENTIQUE : MADEMOISELLE EDMONE ROBERT

     

      

      

    En 1937, Madame Lair étant malade, une remplaçante vint pour quelques mois :

      

    Mademoiselle Edmone Robert. Par la suite elle devait enseigner à Crèvecoeur, à Touques et enfin à Saint Aubin sur Algot pendant plus de trois ans.

      

    A Saint Aubin, elle participa à la préparation et à l’exécution d’efficaces coups de mains, attaques de petits postes, sabotages de voies ferrées et à Caen, destructions des stocks allemands de la place d’Armes, explosion du bureau de placement du boulevard des Alliés, « cache » à Crèvecoeur fort utile pour les résistants pourchassés…

      

    .......mais un déraillement manqué d’un train de permissionnaires allemands, à Lécaude, permit à la gestapo de démembrer le réseau.

      

    Mademoiselle Robert n’eut pas le temps de cacher efficacement des documents…

      

    Par des fonctionnaires maladroits ou peureux, ces documents parvinrent à la sous Préfecture de Lisieux, et un soir de décembre 1943, la gestapo vint arrêter Mademoiselle Robert.

     

      

    Torturée, condamnée à mort, elle fut graciée, mais déportée en Allemagne. Elle eut la joie de connaître la libération et la victoire, mais épuisée par les privations et les mauvais traitements, elle mourut dans l’ambulance américaine qui la ramenait en France.

      

    Son corps repose au cimetière de Falaise.

      

                                                                      A Airan, elle n’a fait que passer.

     

    C’est là pourtant qu’un hommage tardif lui a été rendu 22 ans après sa mort. Une plaque de marbre a été apposée sur le mur de l’ancienne mairie et a été dévoilée par deux enfants d’Airan, Jean-Marie Seffray et Josette Biard, dont les pères sont morts des suites de la captivité en Allemagne

     
     
     
     
     
     
      
     

    GUERRE 1939 – 1945 

     

      

    LE DERAILLEMENTS D’AIRAN

     

      

    NUIT DU 15 ou 16 AVRIL ET 1er MAI 1942 

     

     

     

      

     

    A chaque fois, il s’agissait d’un train de permissionnaires allemands, venant de la direction de Paris, et passant vers quatre heures du matin. Ces trains comprenaient des otages français dans le convoi, en avant deux compartiments d’un wagon, de même en arrière du convoi.

     

      

     

    Déjà une autre fois, un jeune homme de Touques avait voulu faire acte de sabotage en gare de Moult. Ayant entendu du bruit, il voulu se sauver, se prit dans les fils téléphoniques et fut abattu par les sentinelles allemandes.

     

      

     

    Dans la nuit du mercredi au jeudi 15 ou 16 Avril 1942, vers trois heures du matin, l’adjudant-chef allemand Spiegel, journaliste de Leipzig, de la gare de Moult remarqua le passage d’un avion anglais. Une heure après, vers quatre heures du matin, se produisit un déraillement épouvantable à cent mètres du pont, en face du cimetière au kilomètre 222, un rail ayant été déboulonné.

     

      

     

    Cinq wagons avaient été mis en l’air, deux ou trois debout, trois n’avaient plus que leur plate forme. Les wagons métalliques n’avaient plus de boggies et étaient arrivés dans le « petit pré au tilleul ».

     

      

     

    Les wagons en bois étaient pulvérisés. La locomotive s’était couchée le long de la voie. Le sifflet de la locomotive, bloqué, continuait à siffler jusqu’au lever du jour, tant qu’il y eut de la vapeur et de la pression.

     

      

     

    Monsieur Henri Lemière, réveillé, préféra rentrer chez lui. Madame Brée se rendit compte rapidement que ce n’était pas un biberon qui faisait ce bruit…

     

      

     

    Sur place, le spectacle était épouvantable : cadavres déchiquetés, blessés qu’on achevait d’un coup de revolver. Dans les wagons en bois, c’était un véritable carnage.

     

      

     

    Les chiffres des morts ? Personne ne l’a jamais su exactement. Des soldats ont parlé ensuite de trente six morts. Les camions emmenaient les cadavres. Les ambulances emmenaient les blessés vers Evreux.

     

      

     

    Défense aux habitants d’approcher du lieu du déraillement, sauf Monsieur Henri Chapron, qui avait été nommé Maire par la Préfecture, après Monsieur Le Tourneur d’Ison.

     

      

     

    Monsieur Henri Chapron était accompagné de Monsieur Lair, instituteur et secrétaire de mairie. Les deux notables se sont dirigés vers le lieu du déraillement par la route de Valmeray, ont commencé à monter le talus après le pont de chemin de fer. Mais le passage était barré par deux sentinelles, deux grands Allemands.

     

      

     

    Monsieur Chapron dit qu’il était le « bourgmestre » et il put passer avec Monsieur Lair.

     

    Madame Carreau, qui avait la garde du passage à niveau n° 55 près du cimetière n’avait rien entendu : elle était habituée à entendre le passage des trains, et c’est le bruit inhabituel des pas sur le ballast qui la reveilla.

     

      

     

    Elle s’habilla, et sortit voir : les gendarmes de Mézidon étaient là, assez peu révérentieux. « qu’est-ce qu’il y a ? – Vous ne voyez pas qu’il y a un déraillement ? »

     

    Enquête : par bonheur, l’interprète allemand comprit très bien les explications de Madame Carreau…

     

    Le bourg d’Airan fut encerclé et une fouille systématique des maisons fut entreprise,. Et dura deux jours.

     

      

     

    Monsieur Chapron avait failli être tué par un Allemand avec un marteau ou une grosse clef. Ce soldat déchaîné en fut empêché par un autre qui avait reconnu le « bourgmestre ».

     

      

     

    L’adjudant-chef Spiegel dit à Monsieur Pierre Le Roy, adjoint, « Grand malheur pour les Allemands, mais grand malheur aussi pour les Français ».

     

      

     

    De cet Allemand, les habitants des environs de la gare de Moult n’ont pas eu à se plaindre, au contraire. Car plusieurs lui doivent d’avoir eu des centaines de kilos de charbon, sans tickets…

     

      

     

    Dans le cas des déraillements, sa réaction fut en faveur des habitants d’Airan : « ce ne sont pas les habitants d’Airan qui ont fait ce sabotage, je m’en porte garant. Je suis prêt à aller jusqu’au Führer si c’est nécessaire ». Il dut y avoir un délai d’attente de dix jours, puis l’adjudant revint de Berlin et il n’y eut pas de représailles contre les habitants d’Airan. (Contrairement à ce qui s’est passé à Ouradour par exemple).

     

      

     

    Il assura avoir remarqué le passage d’un avion anglais. Et de fait on retrouva les traces de pneus d’une camionnette qui avait pu aller à un rendez-vous avec l’aviateur anglais.

     

      

     

    On dit que les Allemands lui firent la réflexion : « êEes-vous Allemand ou Français ? »…Plus tard, limogé à la suite de maladresse de « clients », dégradé, envoyé sur le front russe, il en revint vivant, mais dit-on avec une jambe de bois.

     

      

     

    Dans le déraillement, pas de morts parmi les Français, mécaniciens ou otages d’accompagnement.

     

      

     

    La fouille des maisons n’avait rien donné. Des tracts anglais ramassés et gardés par curiosité avaient pu être brûlés à temps chez Monsieur Le Roy et Monsieur Lair. Une baïonnette-scie et une clef à déboulonner les rails avaient été enfouis à temps dans le jardin chez Monsieur Henri Lemière.

     

      

     

    La prise d’otage n’avait finalement pas eu lieu. Un officier allemand avait insisté près de Monsieur Le Roy : « Y a-t-il des communistes ? » Et Monsieur le Roy avait répondu : « Non, il n’y a pas de communistes. »

     

      

     

    Monsieur Michel Le Roy, libéré d’Allemagne, à la suite de la fameuse relève, n’avait pas ses papiers sur lui. Le commandant de gendarmerie français tint tête à l’officier allemand et lui rappela : « Non, ce n’est pas obligatoire ».

     

      

     

    Un autre, Monsieur Robert Girard, interné en Suisse et revenu à Airan, fut ennuyé un moment lui aussi.

     

      

     

    D’autres, Monsieur l’abbé Rault, curé d’Airan et Monsieur Henri lemière, en parlaient ensemble le lendemain et n’étaient pas rassurés.

     

      

     

    Dans les jours suivants, les hommes s’offrirent pour garder la voie pour éviter d’autres sabotages qui pouvaient être dramatiques pour la population. Par la suite, cette garde des voies devint obligatoire et assurée par tous les hommes des communes voisines.

     

      

     

    Le jeudi matin, des feld-gendarmes se présentèrent chez Monsieur Chapron pour essayer de savoir si le Docteur Derrien d’Argences avait parlé de ce déraillement : « Le Docteur Derrien ne nous aime pas. Nous savons qu’il est venu chez vous mardi ». « C’est vrai que le Docteur est venu, mais c’était pour vacciner les enfants, voici les certificats ». « C’est bon ».

     

      

     

    Dans l’après-midi Monsieur le Préfet du Calvados vint à Airan et demanda à Monsieur Chapron de l’accompagner sur le lieu du sinistre. Monsieur Chapron lui répondit qu’il en avait assez vu comme cela.

     

      

     

    Après le déraillement, le couvre-feu fut institué à cinq heures (heure allemande), c'est-à-dire trois heures heure française… et à cause de cela, il fallut avancer l’heure de la distribution du lait…

     

      

     

    Quinze jours plus tard, le 1er Mai, au même endroit, à la même heure, (quatre heures du matin), avec un train semblable de permissionnaires allemands, nouveau sabotage, nouveau déraillement et nouveaux morts allemands et pas de Français parmi les morts…

     

      

     

    Cette fois, la locomotive se mit en travers des deux voies. Le tender se dressa debout. Derrière le tender, il y avait un wagon d’otages d’accompagnement : pas un mort non plus.

     

      

     

    Un mécanicien, trempé par l’eau de la machine renversée alla demander des vêtements secs à Madame Carreau, au passage à niveau. Veuve, elle n’avait pas d’habits d’homme et envoya le mécanicien téléphoner à six cent mètres à la gare de Moult. De la gare de Moult, on lui apporta des habits secs.

     

      

     

    Comme la première fois, Madame Carreau n’avait pas été réveillée par le bruit du déraillement, mais par l’appel du mécanicien, mais il lui fut impossible de sortir. Deux sentinelles, baïonnette au canon gardaient ses portes.

     

      

     

    L’arrivée du « petit interprète » allemand permit de s’expliquer et de renvoyer les sentinelles.

     

      

     

    Les Allemands vinrent au bourg demander du secours. Ils tirèrent des coups de revolver pour réveiller les gens… ils vinrent chez Monsieur Le Roy : « Secours Madame, secours, tout de suite ».

     

      

     

    Les gens avaiet peur des représailles. Pour éviter la colère compréhensible des Allemands, on essaya de secourir les blessés. L’employée de Madame Drouin voulait qu’on fasse sonner le tocsin pour rassembler les gens, mais on refusa…

     

      

     

    Les Allemands réveillent Monsieur Lair à grands coups dans la porte.

     

      

     

    Cette 2ème fois, les Allemands demandèrent de l’aide. Mais au besoin, ils se servirent eux-mêmes de seaux à lait, de lampes-tempêtes. Madame Lair va de maisons en maisons demander de l’alcool, du linge, de l’éther (Madame Fouques). Plus tard, les Allemands demandèrent la liste de ce qui fut fourni et remboursèrent ce qui avait été apporté pour soigner les blessés.

     

      

     

    Le Docteur Derrien (qui devait être [déporté plus tard]) était déjà sur place. On dégagea les victimes et on les étendit le long du remblai, en triant les morts, les blessés à soigner et à sauver et ceux qu’on ne pouvait pas sauver… il y avait moins de morts que la première fois.

     

      

     

    Monsieur Le Roy remarqua que les Allemands demandèrent aux Français leurs papiers et voulurent renvoyer les femmes : « Ils demandent les papiers ; vous les femmes, filez d’ici ». Et le Docteur Derrien dit à Madame Le Roy : « Etes-vous foutue le camp ! ».

     

      

     

    On a parlé de 56 morts, mais on ne sait pas au juste.

     

      

     

    Par la suite, un gendarme de Moult devait se faire du mauvais sang : « Dire que je n’ai pas fait la ronde que je devais faire à cette heure là ! ».

     

      

     

    Il y eut quelques temps après, une 3ème tentative de sabotage dans le secteur d’Airan, mais sans résultat. Il est certain que les Allemands voulaient prendre des otages à Airan, Cesny et Moult. La bonne volonté des habitants d’Airan pour apporter une aide humanitaire aux blessés du 2ème déraillement eut pour résultat d’éviter toute arrestation d’otages à Airan.

     

      

     

    Au cours des allées et venues dans les rues d’Airan pendant les fouilles, Madame Lair remarqua sur la porte extérieure du puits sur la place, dessinés à la craie, une faucille et un marteau. Un officier a dû les voir lui aussi,et demanda : « Y a-t-il des communistes ici ? »

     

      

     

    Et Madame Lair s’évertua à lui affirmer : « Non, il n’y a que des ouvriers agricoles. Ils ont autre chose à faire que de faire de la politique ». Mais elle effaça les inscriptions dès qu’elle le put.

     

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    Note de la rédaction : l’ouvrage de l’abbé Leprestre n’en dit pas plus sur les auteurs de ces attentats. Nous recommandons à ceux qui veulent en savoir plus sur ce sujet, de consulter l’excellent ouvrage de Monsieur Jean Quellien, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Caen, spécialiste de la période de l’occupation et de la libération en Normandie. Le livre s’intitule « Résistance et sabotages en Normandie » aux éditions Charles Corlet.]

     
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