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Par Dona Rodrigue le 27 Septembre 2014 à 11:12
Environ 200 personnes pour commémorer l'Holocauste rom à Lety
13-05-2012 - Anna KubistaEnviron 200 personnes se sont rassemblées ce dimanche pour commémorer les victimes de l'Hololocauste rom, sur le site de Lety, où se trouvait autrefois un camp de concentration.Štefan Tišer, membre du conseil pour les minorités du gouverment, a déclaré que les partis politiques ne devraient pas utiliser des propos xénophobes afin de gagner des voix de soutien. Les participants ont critiqué le gouvernement pour ne pas avoir réussi à faire supprimer l'immense porcherie située sur ce lieu de mémoire.Environ 5 000 Roms tchèques ont été envoyés dans des camps pendant la Deuxième guerre mondiale. 90% d'entre eux y ont péri.Le camp de concentration pour Tsiganes de Montreuil-Bellay
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La barbarie nazie n’épargna pas les Tsiganes. Ils vécurent les mêmes épreuves que les Juifs, en pire. D’abord, parce que dans l’oubli total. Ensuite, dès 1936 ceux d’Allemagne, considérés comme des "non-personnes", furent envoyés dans des camps de concentration en Autriche ou dans leur pays.
Les femmes étaient stérilisées de force, car on considérait qu’elles ne méritaient pas de se reproduire. Puis commença ce qu’on appela alors " la destruction des vies inutiles ". Dans toute l’Europe occupée, on entreprit la traque du "gibier" tsigane, d’abord en 1939, ensuite en 1941 et 1943. L’extermination des 5 à 600 000 nomades eut essentiellement lieu dans les camps polonais.
En réalité, la persécution des Fils du Vent commença avant l’arrivée des nazis au pouvoir, avec les lois de contrôle de la "plaie tsigane" dès 1926. Deux ans plus tard, la surveillance devint spécifique, et permanente.Puis vint, dès 1933, la "stérilisation eugénique", l’interdiction des mariages mixtes en 1934-35, et enfin les premiers enfermements au camp de Dachau, en 1936.
C’est à l’automne 1939 que les déportations deviennent massives ; et c’est sur deux cent cinquante enfants tsiganes que les nazis testèrent le zyklon B, au camp de Buchenwald, en février 1940. Par ailleurs, à Ravensbrück ont été pratiquées des opérations pseudo-scientifiques sur des cobayes humains, entre autres tsiganes.
Cette politique-là, les nazis l’étendirent à l’ensemble de l’Europe occupée.
Ensuite commença l’extermination à grande échelle. Si l’on en croit les nazis, la moitié de la population tsigane d’Europe fut supprimée . Tragédie supplémentaire, le nom des victimes Tsiganes ne fut même pas mentionné durant le Procès de Nuremberg ! L’oubli total.... alors qu’on ne cesse de commémorer le martyr juif. Deux poids, deux mesures - ni plus, ni moins.C’est pourquoi moi, l’amie des Tsiganes, j’ai décidé de prendre ma plume pour rappeler au monde cette énorme injustice. Il est temps de rendre hommage aux victimes tsiganes, qui d’ailleurs furent parmi les résistants les plus acharnés.
En effet, très tôt ce peuple libre et fier comprit le sort qui lui était réservé. Il accepta immédiatement de rejoindre la lutte clandestine, pour mener ce que l’historien hollandais Jan Yoors appellera la "guerre secrète des Tsiganes". Aguerri, malin, il usera de mille stratagèmes pour déjouer la vigilance des nazis, porter des messages ou transporter armes et explosifs. De nombreux fugitifs furent sauvés grâce aux Tsiganes. On leur doit aussi de nombreuses actions terroristes de résistance à l’ennemi hitlérien.
En 1945, les nazis aux abois se livrèrent encore à de multiples massacres sur les derniers Tsiganes internés dans les camps allemands. Et plusieurs pays européens gardèrent internés pendant plusieurs mois leurs populations ! Quant aux résistants qui avaient survécu, ils ne bénéficièrent même pas, à la fin de la guerre, des promesses d’intégration sociale qui leur avaient été faites. Et ils ne trouvèrent personne pour les défendre, ni même évoquer la mémoire des disparus. Bien sûr, aucun d’entre eux ne réclama réparation pour tous les préjudices subis.Le peuple tsigane ne revendique jamais ; il subit en silence - et en musique, car chez eux l’instinct de survie et le goût pour les arts ont toujours raison des événements les plus dramatiques. Je l’ai expérimenté personnellement, en partageant leur existence misérable dans un bidonville situé sur une décharge publique madrilène. L’horreur absolue, et une joie inscrite dans les gènes pour transcender les moments les plus difficiles. Admirable peuple ! Ce séjour marqua de manière indélébile mon esprit, et scella ma carrière de journaliste.
Quelle a été la politique à l’égard des Tsiganes en France ?
Traditionnellement, les sédentaires se méfient des nomades. Dès 1912, les populations errantes se voient attribuer un carnet anthropométrique, visé dans chaque commune, à l’arrivée comme au départ. A cette époque, déjà, les Tsiganes, tout comme les juifs, sont victimes de persécutions et de discriminations.
Le gouvernement de Vichy durcit cette politique.Et, dès l’automne 1940, des Tsiganes sont internés dans des camps de concentration, à Argelès-sur-Mer et au Barcarès, dans les Pyrénées Orientales, camps créés à l’origine afin d’accueillir les réfugiés espagnols et les Juifs. Même logique d’exclusion, pour des populations pourtant différentes. Et ce sont près de trois mille Tsiganes qui auraient été internés dans l’ensemble de la France entre 1940 et 1946.
C’est en 1942 qu’est créé le seul camp d’internement réservé aux Nomades, celui de Saliers.
Le camp est situé en zone libre, sur la commune d’Arles, dans les Bouches-du-Rhône. ll s’est d’abord inscrit dans une logique de sédentarisation, puis d’enfermement. Pour commencer, trois cents nomades doivent s’entasser dans des petites cabanes inachevées, sans électricité. Les conditions d’hébergement et de ravitaillement sont lamentables.Le sort des enfants est particulièrement difficile ; ils ne sont évidemment pas scolarisés. Sans vêtements de rechange, les hébergés finissent par porter des loques. Ils sont squelettiques, mais ils résistent. Aguerris et indomptables. Finalement, le sous-Préfet d’Arles demande la fermeture du camp dès juillet 44.
Ceux qui ont survécu à l’enfer, ont gardé vivante la mémoire du camp. Mais le site n’a conservé aucune trace du lieu.
Dans les camps de concentration allemands, les Tsiganes ont été littéralement massacrés. On cite par exemple le chiffre de 20.000 pour la seule nuit du 31 juillet 1944, à Auschwitz. Le 1er août, un officier SS d’Auschwitz put écrire, après l’envoi des Tsiganes à la chambre à gaz : "Mission terminée, traitement spécial exécuté ".
Traitement spécial ! Pire encore que celui que subirent les Juifs, les handicapés, les malades mentaux, les homosexuels, les communistes, les résistants !
Et au total, pour la seule Allemagne, cinq à six cent mille Gitans, Roms, Kalderas, Manouches, auraient péri. A Dachau, les Tsiganes étaient tués le jour même de leur arrivée, ou le lendemain. Simplement parce qu’ils étaient nés Tsiganes.
Comme les Juifs, les Tsiganes ont été victimes de l’idéologie nazie, politique de la race afin de régénérer le sang allemand, et politique de l’espace pour la création d’une Grande Allemagne débarrassée des éléments impurs, étrangers, inférieurs.L’élimination des Tsiganes aura d’autant mieux été acceptée, que la mise à l’index était ancienne.
Aucune voix ne s’élève pour défendre la cause des Tsiganes discriminés, stérilisés, persécutés, spoliés, exterminés .Nulle mémoire, nulle indemnité, nulle commémoration.
Rien. Le vide absolu. Ostracisme complet.
Définitif ?SOURCES lien :
http://r-sistons.over-blog.com/categorie-10463116.html
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Par Dona Rodrigue le 27 Septembre 2014 à 09:56
Parce qu’ils étaient considérés comme des « asociaux », entre 250 000 et 500 000 Tsiganes, sur les 700 000 qui vivaient en Europe, ont été exterminés par les nazis et leurs alliés – à l’exception de la Bulgarie – au cours de la seconde guerre mondiale.
En France, selon l’historien Denis Peschanski, d’octobre 1940 à juin 1946, environ 3 000 Tsiganes furent regroupés dans une trentaine de camps, placement facilité par la loi de 1912 ordonnant leur fichage comme « nomades » [1].
Plus de 60 ans après les événements, cette histoire douloureuse reste encore trop peu connue. N’oublions pas que les mesures d’exclusion prises à l’encontre de la communauté tsigane visaient avant tout l’éradication, en France, du nomadisme. Un mode de vie, aujourd’hui encore, difficilement compris et accepté.
Ces Tsiganes que la France interna
par Jacques Sigot [2]
auteur du livre « Un camp pour les Tsiganes et les autres : Montreuil-Bellay, 1940-1945 »Le président de la République française,
Vu la loi du 16 juillet 1912 [...]
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :Article 1 – La circulation des nomades est interdite sur la totalité du territoire métropolitain pour la durée de la guerre.
Article 2 – Les nomades, c’est-à-dire toutes personnes réputées telles dans les conditions prévues à l’article 3 de la loi du 16 juillet 1912, sont astreints à se présenter tous les quinze jours qui suivront la publication du présent décret, à la brigade de gendarmerie ou au commissariat de police le plus voisin du lieu où ils se trouvent. Il leur sera enjoint de se rendre dans une localité où ils seront tenus à résider sous la surveillance de la police. Cette localité sera fixée pour chaque département par arrêté du préfet.
[...]
Tels sont les termes du décret signé le 6 avril 1940 par Albert Lebrun, président de la République française. Ce décret publié au Journal Officiel des 8 et 9 avril 1940, page 2 600, devait justifier l’internement en France des nomades dans des camps pendant la Seconde Guerre mondiale et leur maintien pendant de nombreux mois après la fin de celle-ci. La dernière phrase de l’article 2 explique par ailleurs la multiplication de ces camps sur tout le territoire national.
Mais qui étaient ces nomades que l’on décidait officiellement de neutraliser ? Pour les définir, reportons-nous à l’article 3 de la loi du 16 juillet 1912, comme le recommande le décret d’avril 1940. L’ouvrage de Félix Challier, La nouvelle loi sur la circulation des nomades, Loi du 16 juillet 1912, édité en 1913, est très précis sur la question :
Article 3 – Sont réputés nomades f...], quelle que soit leur nationalité, tous individus circulant en France.sans domicile ni résidence fixe, et ne rentrant dans aucune des catégories ci-dessus spécifiées, même s’ils ont des ressources ou prétendent exercer [ces deux derniers mots sont soulignés dans le texte] une profession. Ces nomades doivent être munis d’un carnet anthropométrique.
Les catégories concernées étaient les ambulants (ceux qui vont de village en village en exerçant une profession déterminée, ayant, par conséquent, des moyens d’existence connus ; ils ont souvent un domicile fixe), et les forains (commerçants et industriels qui n’ont ni domicile, ni résidence fixes, dont la profession consiste à mener une existence commerciale errante [...] à travers toute la France, se transportant dans les villes et les villages les jours de foires, de marchés, de fêtes locales, pour offrir à une clientèle de passage leurs marchandises ou leurs « attractions »).
Un texte présenté au Sénat le 30 mars 1911, également publié par Félix Challier, qualifiait les nomades de roulottiers, n’ayant ni domicile, ni patrie, la plupart vagabonds à caractère ethnique, romanichels, bohémiens, tsiganes.
Voici donc ces Tsiganes victimes du décret du 6 avril 1940. Vraisemblablement originaires de l’Inde qu’ils auraient quittée vers le IXe siècle, ils se sont divisés en plusieurs groupes et ont nomadisé, parfois sédentarisés de force ou condamnés à l’esclavage. Cette dispersion, qui favorisa certaines localisations, divisa ce même peuple en plusieurs groupes : les Roms, en Europe orientale et en Scandinavie ; les Manouches, en France et en Allemagne, les Sintis, au Piémont ; les Gitans, en Espagne, au Portugal, dans le sud de la France et en Afrique du Nord. Les Gypsies forment un groupe à part en Angleterre.
Les Tsiganes sont évoqués en France pour la première fois dans les archives à la date du 23 août 1419, rencontrés aux portes de Mâcon. Dans son Journal, couvrant les années 1405 à 1449, le Bourgeois de Paris dit les avoir vus le 17 août 1427 plaine Saint-Denis : Les hommes estoient tres noirs, les cheveulx crespez, les plus laides femmes que on peust veoir et les plus noires ; [...] Brief, ce estoient les plus povres creatures que on vit oncques venir en France de aage de homme.
Aujourd’hui appelés volontiers Tsiganes, Voyageurs, Fils du Vent, ils étaient autrefois les Romanichels, Baladins et Bohémiens...
Tels étaient ces « nomades » que la France avait décidé d’interner. Les sédentaires ne les avaient jamais aimés, et la loi du 16 juillet 1912 leur avait déjà imposé le carnet anthropométrique, carnet normalement destiné aux criminels et qui ne sera supprimé... qu’en 1969 !
Les camps en France
Dès novembre 1939, des avis publiés dans les journaux limitaient les libertés des nomades et des forains. Le 18 novembre 1940, un décret précisait des mesures qui devaient être prises à l’égard des individus dits dangereux pour la défense nationale (Journal Officiel du 30 novembre 1939, page 13516). Leur internement ou assignation à résidence pouvait être décidé par les préfets. Pour justifier une telle mesure, quand il s’agissait des nomades, était invoquée la facilité qu’ils pouvaient avoir d’espionner au bénéfice de l’ennemi. Argument spécieux puisque les forains, comme les ambulants, également sans cesse sur les routes, étaient libérés dès qu’ils avaient été distingués des « nomades ». Le caractère racial de la mesure ne fit plus aucun doute après que le préfet du Finistère eut précisé, dans une lettre conservée aux Archives départementales du Maine-et-Loire, de ne retenir que les individus sans domicile fixe, nomades et forains, ayant le type romani [C’est moi qui souligne.].
Il y eut des internements antérieurement au décret du 6 avril 1940. Ainsi, une soixantaine de Tsiganes lorrains, évacués de l’Est le 8 septembre 1939, avaient été rassemblés dans le camp des Alliés, au sud d’Angoulême (Charente). Les Archives départementales du Maine-et-Loire signalent celui de Louis L., né le 3 novembre 1895, interné depuis le 28 janvier 1940. Motif de l’internement : habitait dans une maison en planches à Vannes. Autorité ayant prononcé l’internement : Gendarmerie française.
Les assignations à résidence se multiplièrent dès le mois de mai. Ainsi, Louis Winterstein, né le 7 mars 1899, fut arrêté avec sa compagne et ses dix enfants le 14 mai à Galgon (Gironde), et interné dans le camp de Mérignac où un onzième enfant naquit. La famille connut ensuite les camps de Poitiers et de Montreuil-Bellay.
Dès son installation, le gouvernement de Vichy se contenta le plus souvent de reconduire les lois de la IIIe République, comme le confirme cet extrait d’un document des Archives départementales de la Sarthe : Direction Générale de la Sûreté-Nationale, Vichy, le 29 décembre : Chaque centre de séjour surveillé, créé en application du décret-loi du 18 novembre 1939, est placé sous l’autorité d’un chef de camp. Le décret du 6 avril 1940 était systématiquement rappelé pour justifier les internements. L’Occupant publia bien des ordonnances, mais dans le but d’expulser les nomades de certaines zones dites stratégiques, comme le long des côtes, ou de leur interdire de circuler ; il n’y était pas question d’internement dans des camps, seulement d’amende ou d’emprisonnement en cas de refus d’obtempérer. L’ordonnance (VOBIF) n° 19 du 7 décembre 1940 prévoit : L’exercice des professions ambulantes est interdit dans les départements suivants [suit une liste de 23 départements]. Les professions visées par la présente ordonnance comprennent l’activité des marchands ambulants, commerçants et industriels forains, nomades.
En 1941, un Tourangeau, ne comprenant pas pourquoi il était interné, s’est adressé à la Feldkommandantur de sa ville. Celle-ci a aussitôt adressé le courrier à la préfecture de l’Indre-et-Loire. Une note a été griffonnée sur la lettre : Étant donné que l’intéressé est Français et qu’il a été arrêté par les autorités françaises, cette affaire ne concerne pas les autorités allemandes.
De son côté, début 1942, la préfecture d’Angers n’entendant plus payer la charge trop lourde que représentait pour elle le camp de Montreuil-Bellay, demanda à la même Feldkommandantur de Tours d’en assumer financièrement le fonctionnement. Elle reçut cette réponse le 5 mars 1942 : La surveillance de nomades est une mesure policière qui incombe à l’administration française en tant que mesure de police prise par l’État français, et ceci, également quand l’internement a lieu par ordre des services allemands.
Lorsque le territoire français fut libéré, à partir de l’été 1944, les camps enfermant des Tsiganes ne furent pas pour autant supprimés. Celui de Poitiers ne fut liquidé que fin décembre 1945 et celui d’Angoulême sévissait encore en mars 1946 ! Le décret du 6 avril 1940 avait toujours cours, bien que la guerre fût terminée depuis dix mois.
- Adultes et enfants dans le camp de Montreuil-Bellay (1944). Photo Jacques Sigot.
Le camp de Montreuil-Bellay
Considéré comme le plus grand camp d’internement de Tsiganes implanté sur le territoire national pendant la Seconde Guerre mondiale, celui de Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire, eut une histoire très compliquée.
Il faut commencer par résoudre un problème de vocabulaire, expliquer pourquoi, dans les papiers officiels et autres, ce camp est presque toujours qualifié de « camp de concentration de nomades ». Il était de « concentration » dans le sens premier du terme. Existaient parallèlement à cette catégorie des camps de transit (comme Drancy, dans la région parisienne), de représailles (en forteresse), de travail (Gusen, en Autriche) et d’extermination (le château d’Hartheim, lui aussi en Autriche).
Auschwitz (Pologne) était un camp mixte, puisque si des internés travaillaient dans des Kommandos, certains étaient exterminés dès leur arrivée, après sélection. Pour celui de Montreuil-Bellay, on parle aujourd’hui de « camp d’internement ».
Le camp de Montreuil fut à l’origine une poudrerie construite au cours du premier semestre 1940 pour le ministère de l’Armement. Avaient été embrigadés des soldats républicains espagnols vaincus. Le 19 juin 1940, les entreprises et les Espagnols abandonnèrent le chantier presque achevé, menacés par l’avancée des Allemands qui entrèrent dans Montreuil-Bellay deux jours plus tard. Le site devint jusqu’en mars 1941 un stalag pour les militaires français et alliés défaits, et les civils britanniques vivant en France qu’Hitler voulait neutraliser ou punir pendant la Bataille d’Angleterre. Puis les soldats français furent envoyés en Allemagne comme prisonniers, et les Britanniques regroupés à Saint-Denis, près de Paris. À partir du 8 novembre 1941, Montreuil-Bellay reçut plusieurs contingents de Tsiganes qui avaient précédemment séjourné dans une multitude de petits camps que les préfectures avaient ouverts sur le territoire français, camps que l’on supprimait parce que d’un coût trop élevé, et qui étaient remplacés par le grand camp régional de Montreuil. Furent également internés plus de soixante clochards arrêtés dans les rues de Nantes au printemps 1942.
Le camp ayant été bombardé par les alliés en juin et juillet 1944, les Tsiganes furent transférés dans un second lotissement de l’ancienne poudrerie, à quelque trois kilomètres du premier.
Début septembre 1944, Montreuil-Bellay ayant été libéré le premier, les barbelés éventrés accueillirent 145 soldats du Reich, arrêtés dans la région, dont 107 Géorgiens, ou « Russes blancs », enrôlés par les nazis pour combattre contre leurs compatriotes communistes, et 30 Italiens ; puis ce fut le tour de collaborateurs locaux pour qui le vent avait tourné, vite expédiés à Châteaubriant (Loire-Atlantique, alors Loire-Inférieure). Les Tsiganes regagnèrent leurs baraquements en partie en ruine début octobre, et ne quittèrent Montreuil que le 16 janvier 1945, pour être transférés dans les camps de Jargeau et d’Angoulême, parce que la préfecture avait besoin du site. Le 20 janvier, arrivaient en effet 796 civils allemands, dont 620 femmes, la plupart très âgées, et 71 enfants, qui vivaient ou travaillaient dans l’Alsace annexée, reconquise par les hommes de Leclerc, et que l’on avait un temps rassemblés dans le camp du Struthof (Bas-Rhin). Des femmes hollandaises mariées à des nazis les rejoignirent au cours de l’été. Le grand nombre de morts pendant l’hiver ayant alarmé les autorités et les conditions sanitaires devenant épouvantables, les survivants furent transférés dans le camp de Pithiviers (Loiret) fin novembre.
Au printemps 1946, un escadron d’un régiment de Chasseurs d’Afrique occupa une dernière fois le site débarrassé de ses barbelés et de ses miradors. Les installations furent enfin vendues aux enchères par les Domaines le 22 octobre 1946.
Restent aujourd’hui le long de la grand route Angers-Poitiers, les marches qui conduisaient aux baraquements et la cave-prison dont un soupirail a conservé ses barreaux.
- Le camp de Montreuil-Bellay vu du mirador côté Loudun (1944). Photo Jacques Sigot.
Le camp était entouré de deux rangées de fil de fer barbelé électrifié, avec chevaux de frise, bordées de guérites espacées. Deux miradors dominaient l’enceinte aux extrémités.
Il connut sa plus forte population en août 1942, avec 1 086 internés, en raison de l’arrivée de 717 nomades et clochards du camp de Mulsanne (Sarthe). Ils étaient encore 498 au 12 janvier 1945. En dehors de quelques menus travaux de nettoyage, de corvées de bois ou d’aide à la cuisine pour des femmes, ils restaient quasiment toujours oisifs. La scolarité des enfants étant obligatoire en France, même pendant les guerres et même pour les nomades, des écoles fonctionnaient dans un bâtiment aménagé, et l’Inspection académique du Maine-et-Loire avait détaché quatre maîtres. Un prêtre de Montreuil officiait dans une chapelle également installée dans un bâtiment du camp.
Jusqu’en janvier 1943, les Tsiganes furent surveillés uniquement par des gendarmes. Puis furent engagés par la préfecture de jeunes gardes civils originaires de la région qui échappaient ainsi au départ pour l’Allemagne dans le cadre de Relève forcée (loi du 4 septembre 1942) et du Service du Travail Obligatoire (le STO, loi du 16 février 1943). Les archives et les témoignages rappellent très peu de sévices corporels, les internés souffrant surtout de conditions d’hygiène épouvantables dans des locaux non chauffés l’hiver, de l’extrême insuffisance et pauvreté de la nourriture, et surtout de la privation de la liberté de se déplacer que rien ne justifiait à leurs yeux.
Des libérations eurent lieu pendant les premiers mois, lorsqu’était justifié l’achat d’une maison ou d’un simple habitat troglodyte, nombreux dans le Saumurois. Le prêtre mariait alors le couple qui avait jusqu’alors vécu en concubinage pour que le père et la mère pussent sortir ensemble. Les libérations furent supprimées après le remplacement du directeur et du sous-directeur arrêtés par la Gestapo en septembre 1943... pour fait de Résistance !
Les évasions furent rares, et les fugitifs, privés de papiers, étaient presque toujours dénoncés par la population puis reconduits dans le camp.
Les décès furent particulièrement nombreux fin 1942 et début 1943. Ils frappèrent surtout les clochards de Nantes, plus vulnérables que les tsiganes habitués aux privations et aux conditions de vie précaires : 60 morts pendant l’automne et l’hiver dont une cinquantaine de clochardS, 25 au cours des 29 autres mois de l’internement, dont plusieurs au cours de bombardements alliés. Par tranches d’âge 15 de moins de 5 ans, dont plusieurs bébés dans la dernière période du camp, mis au monde par des mères sous-alimentées ; 2 de 5 à 15 ans ; de 15 à 45 ans, et 46 de plus de 45 ans. Si les deux médecins de la ville se relayaient pour donner des consultations aux malades, les hôpitaux voisins refusèrent souvent de recevoir ces patients jugés indésirables.
Quand les survivants quittèrent enfin les camps, ils ne possédaient plus rien, leur matériel abandonné dans des champs lors des arrestations ayant le plus souvent disparu. Beaucoup se sont sédentarisés pour cette raison, mais aussi par peur d’être de nouveau interceptés et internés s’ils continuaient de nomadiser.
Une stèle rappelant ces tristes événements fut inaugurée le 16 janvier 1988 sur le site du camp, à proximité de la prison ; la première en France pour un ancien camp de nomades. Les autorités sollicitées pour participer à son financement ont alors toutes refusé. Chaque année, le dernier samedi d’avril, s’y déroule la cérémonie nationale des victimes tsiganes de la Seconde Guerre mondiale.
La déportation en Allemagne et dans les pays conquis
L’Allemagne nazie n’a pas cherché dès les premières années à exterminer ses nomades. Elle a d’abord décidé leur sédentarisation forcée, jusqu’à ce que Himmler publiât, le 8 décembre 1938, un décret destiné à lutter contre « l’infestation tsigane ». Ce même Himmler, le 27 avril 1940, donna l’ordre de déporter 2 500 Tsiganes allemands en Pologne, par familles entières. Enfin, le 29 janvier 1943, un décret stipula que tous les Tsiganes devaient être envoyés à Auschwitz. Les historiens pensent que les nazis ont décidé pour eux la solution finale le 16 décembre 1942.
Le 13 octobre 1943, le ministre de la Justice avertit le Reichsleiter qu’il se proposait d’organiser des poursuites pénales contre les Polonais, Russes, Juifs et Tsiganes afin d’en débarrasser le corps national allemand, et afin de nettoyer les régions de l’Est annexées par le Reich pour les faire coloniser par le peuple allemand.
Pour l’État policier qu’était alors l’Allemagne, les nomades étaient classés parmi les asociaux qu’il fallait supprimer ; le paradoxe est qu’au point de vue racial, ils se trouvaient être définis de pure race indo-germanique. Certains arrivèrent à Auschwitz arborant sur leur poitrine des décorations gagnées pendant la campagne de Pologne. On pense qu’ils furent près de 20 000 à séjourner dans la partie tsigane du camp de Birkenau. La plupart furent gazés au cours de l’été 1944 sur l’ordre d’Himmler.
En France
Les nombreuses recherches effectuées dans les archives et auprès de survivants confirment qu’il n’y a pas eu de déportation de nomades français dans les camps de la mort nazis. Les Allemands, considérant que les autorités françaises s’étaient chargées d’eux, se désintéressèrent du sujet. Ce qui n’eût certainement pas été le cas si la guerre avait continué. Il faut évoquer pourtant deux situations représentatives.
Le 15 janvier 1944, un convoi Z (Z pour Zigeuner, Tsigane en allemand) quittait Malines, en Belgique, déportant 351 Tsiganes à Auschwitz. Seuls douze d’entre eux survécurent. Ils avaient été raflés pour la plupart à Arras, Roubaix et Hénin-Liétard entre octobre et décembre 1943, dans le ressort du commandement militaire de Bruxelles dont faisaient alors partie les départements français du Nord et du Pas-de-Calais. Sur les 351 déportés, 145 s’étaient déclarés Français et 121 Belges.
L’extermination eut lieu à Birkenau dans la nuit du 2 au 3 août 1944. Le destin d’un dénommé Talloche fut particulièrement tragique. Interné à Montreuil-Bellay, il réussit à se faire libérer après avoir acheté, par l’intermédiaire d’un notaire, une petite maison à quelques kilomètres de la ville. Incapable de vivre entre quatre murs, il reprit la route pour retourner dans son pays d’origine, la Belgique. Il fut arrêté dans le Nord et disparut en Pologne avec ses compagnons d’infortune.
Se pose également la question de Tsiganes originaires du camp de Poitiers (Vienne) : 70 partirent pour l’Allemagne le 13 janvier 1943, et 38 le 21 juin. Les dates sont importantes parce que, rappelons-le, venaient d’être institués, pour la première, la « Relève forcée », par la loi du 4 septembre 1942, et pour la seconde, le « S.T.O. », par celle du 16 février 1943. Ces hommes ne furent pas déportés outre-Rhin par les nazis pour y être exterminés : ils avaient été désignés par la municipalité poitevine qui préférait envoyer ces parias disponibles plutôt que ses « bons » citoyens pour composer, ou compléter, les contingents de travailleurs que réclamait en vain l’Occupant pour ses usines. Étaient concernés les hommes de 18 à 50 ans. J’ai rencontré l’un d’eux, refusé à son passage dans le camp de transit de Compiègne parce que trop jeune ou trop faible. Quand ils déportaient pour l’extermination, les nazis n’avaient pas autant d’attentions, et à cette date, femmes et enfants auraient fait partie des tragiques convois. Toujours est-il que certains se retrouvèrent dans des camps d’où ils ne revinrent pas ; les autres retrouvèrent leur famille après mai 1945.
L’internement des Tsiganes français dans des camps pendant la Seconde Guerre mondiale est peu connu, occulté ou oublié. Aucun historien ne l’avait étudié jusqu’à ce que je découvre tardivement, au début des années 80, l’existence de l’un de ces camps dans la ville où j’enseignais, Montreuil-Bellay. Et pourtant, ils sont restés derrière des barbelés jus-qu’en 1946, victimes d’une mesure arbitraire, comme le précise laconiquement l’intitulé de la stèle commémorative de cette forfaiture. Cette mesure ne dérangeait pas outre mesure la conscience des Français. Il semble que cet internement était programmé depuis longtemps, et que l’on avait profité de la guerre pour agir. Celle-ci terminée, on a parfois fait comme si elle continuait.
Si certains ont pu bénéficier d’une carte d’ancien interné « politique », reconnaissance officielle de leurs souffrances, tous ont voulu pendant de longues années cacher cette honte d’avoir été enfermés, et n’en ont parlé à personne, pas même à leurs enfants.
Demeure l’immense tristesse que cela ait été.
Jacques SigotP.-S.
Il a existé d’autres camps, en France : par exemple dans la région de Pithiviers et à Rivesaltes.
Notes
[1] Voir :http://www.cheminsdememoire.gouv.fr....
Selon Marie-Christine Hubert, les chiffres cités par Denis Peschanski sont erronés : il s’agit bien de 6000 à 6500 personnes internées comme nomades et non 3000 – voir cette page. [Note ajoutée le 9 mars 2010].
[2] Ce texte a été publié dans le numéro 108 / juin 2001, de la revue Les Chemins de la Mémoire, éditée par la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
L’ouvrage de Jacques Sigot, « Un camp pour les Tsiganes et les autres : Montreuil-Bellay, 1940-1945 », a été édité chez Wallâda (5, rue Defabritis 13110 Port-de-Bouc) - Prix : 22, 56 euros.
La société Candela Productions a réalisé un documentaire de 26’ : Les oubliés de Montreuil-Bellay de Abdelali Boutibi - 1999.
http://www.candela-productions.fr/F...
Candela Productions, 3 rue d’Estrées, 35000 Rennes - Tél : 02 99 78 26 67 Fax : 02 99 78 26 80.SOURCES
http://ldh-toulon.net/l-internement-des-Tsiganes-en,1717.html
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Par Dona Rodrigue le 27 Septembre 2014 à 09:16
Adultes et enfants dans le camp de Montreuil-Bellay (1944). Photo Jacques Sigot.
Le nomadisme des Tsiganes a toujours été combattu par les autorités françaises qui l’ont identifié comme le principal obstacle à leur intégration dans la société française. La loi du 16 juillet 1912 sur l’exercice des professions ambulantes et la circulation des nomades a permis d’identifier et de surveiller les Tsiganes non sédentaires en les dotant d’une pièce d’identité spéciale, le carnet anthropométrique.
Toutes les mesures anti-tsiganes qui ont été prises en France tant par les autorités françaises que par les autorités allemandes définissaient les Tsiganes comme les porteurs du carnet anthropométrique. Les Tsiganes sédentarisés et par conséquent non identifiés comme tels n’ont pas été inquiétés.
En France, entre 1940 et 1946, de nombreuses familles tsiganes – 6000 à 6500 hommes, femmes, vieillards, enfants – furent internées dans des camps gérés par l’administration française. Les livres d’histoire sont souvent silencieux sur ce versant sombre de l’histoire de notre pays, que Tony Gatlif rappelle dans son dernier film, Liberté.
Afin de faire connaître et reconnaître une histoire oubliée et de rendre hommage aux victimes et à leurs familles, un collectif d’associations a décidé de programmer en 2010 un événement intitulé Une mémoire française : Les Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1946 [1].
Nous remercions Marie-Christine Hubert, co-auteure, avec Emmanuel Filhol, de Les Tsiganes en France : un sort à part 1939-1946 [2], de l’aide qu’elle a apportée à la mise au point de cette page.
Différents par leur mode de vie et par leur culture, les tsiganes ont de tous temps été discriminés, sinon persécutés, en Europe.
En Allemagne, la politique anti-tsigane a été intégrée à la politique raciale des nazis avec le second volet des décrets de Nuremberg qui visait les Juifs. Pour être considéré comme tsigane, il suffisait d’avoir un grand-parent dit « tsigane ». Des familles mixtes ont ainsi été visées par les stérilisations forcées, la détention en camps de concentration et, à partir de 1942, par l’ordre de Himmler de déportation vers Auschwitz-Birkenau, où fut créé un Zigeunerlager, lieu des expérimentations médicales criminelles menées par Mengele. Les derniers survivants furent gazés dans la nuit du 2 au 3 août 1944. Quelque 95% des 80 000 tsiganes vivant sur les territoires du Grand Reich ont été ainsi anéantis [3].
En France, une loi a imposé en 1912 une règlementation spécifique d’exception, instituant notamment un carnet anthropométrique d’identité, qui permettra une surveillance quotidienne de ceux que l’on appellera désormais les “nomades”. Ils ont été les premiers à subir un fichage administratif. Les pouvoirs de l’administration préfectorale furent encore renforcés par la loi du 3 août 1926, suivie du décret du 5 novembre 1926.
Le 6 avril 1940, un décret-loi interdit la circulation des nomades sur l’ensemble du territoire métropolitain et leur imposa « une résidence forcée sous la surveillance de la police et de la gendarmerie ». Mais sans attendre la mise en application de cette mesure sur tout le territoire, l’occupant allemand ordonnait le 4 octobre 1940 l’internement systématique des tsiganes. En fait, nombre d’entre eux y échappèrent... et tous les internés n’étaient pas des tsiganes. Il semble que les Allemands aient décidé de remettre à plus tard leur projet de déportation qui, dans une première étape, ne concernait pas la France, mais la victoire des Alliés ne leur en laissa pas le temps.
Les dernières familles internées n’ont pu quitter les camps qu’en mai 1946, après l’abrogation du décret d’avril 1940. Les familles libérées restèrent néanmoins soumises au “régime des nomades” qui n’a été abrogé qu’en 1969, remplacé par le régime du “carnet de circulation”, imposé aux Français désormais enregistrés comme “gens du voyage” et créant d’autres formes de discrimination légale, dont l’absence de carte d’identité et des restrictions au droit de vote [4].
Les Tsiganes en France, de 1939 à 1946
par Marie-Christine Hubert [5].
Dès les mois de septembre et octobre 1939, la circulation des nomades [6] est interdite dans plusieurs départements. En Indre-et-Loire, les nomades sont même expulsés. Le 6 avril 1940, un décret-loi interdit la circulation des nomades sur l’ensemble du territoire métropolitain pendant toute la durée de la guerre. Comme pendant la première guerre mondiale, ils sont soupçonnés d’espionnage.
Le ministère de l’Intérieur charge les préfets de les assigner à résidence en dehors des agglomérations mais à proximité d’une brigade de gendarmerie. L’invasion allemande ne permet pas l’application du décret dans tous les départements.
Les Tsiganes d’Alsace-Lorraine sont les premières victimes de l’Occupant qui les expulsent, dès juillet 1940, vers la zone libre où ils sont progressivement internés dans les camps d’Argelès-sur-Mer, Barcarès et Rivesaltes avant d’être transférés en novembre 1942 dans le camp de Saliers (Bouches-du-Rhône) spécialement créé par le gouvernement de Vichy pour l’internement des Tsiganes. En zone occupée, une ordonnance allemande du 4 octobre 1940 exige leur internement dans des camps administrés et surveillés par les autorités françaises. Dans chaque département, les préfets demandent à la gendarmerie de recenser puis de regrouper les nomades et de les surveiller.
La plupart des familles qui sont alors internées ont été assignées à résidence en avril 1940. Dans un premier temps, les Tsiganes sont regroupés dans des lieux très hétéroclites : un château désaffecté, une carrière ou un ancien cinéma. L’ordonnance allemande du 22 novembre 1940 interdisant l’exercice des professions ambulantes dans 21 départements de l’Ouest de la France permet l’arrestation de nouveaux nomades et forains que les Allemands assimilent aux Tsiganes contrairement aux autorités françaises.
Les Tsiganes circulant en Charente et Charente-Inférieure sont internés dans le camp des Alliers à Angoulême. Le 27 novembre, 201 nomades refoulés de la Seine-Inférieure se trouvent détenus à Linas-Montlhéry dans la Seine-et-Oise. Devant l’afflux des internés, les petits camps installés dans l’urgence et la précarité en octobre sont remplacés par des camps plus structurés. A la fin du mois de décembre 1940, environ 1700 nomades et forains étaient internés dans 10 camps. Dans l’Est de la France, les Tsiganes subissent l’internement à partir du mois d’avril 1941.
A l’automne 1941, environ 3 200 personnes étaient internées dans 15 camps. Les plus importants se situent à Jargeau (Loiret), Poitiers (Vienne), Moisdon-la-Rivière (Loire-Atlantique) et Coudrecieux (Sarthe). En novembre 1941, les Allemands décident de réorganiser l’ensemble des camps d’internement pour nomades - appellation officielle -, afin de réduire les frais de fonctionnement et pallier le manque de personnel de surveillance. Les internés sont transférés dans des camps à vocation régionale. De nombreux forains obtiennent à cette occasion leur libération. Des familles sont libérées tout en étant assignées à résidence tandis que d’autres connaissent à nouveau la détention dans de nouveaux camps. Des Tsiganes ont ainsi connu 4 ou 5 camps d’internement. L’internement comme la libération dépendaient du bon vouloir des autorités françaises et allemandes. Il n’y avait pas de politique globale mais des décisions discrétionnaires.
Le plus grand camp d’internement pour nomades, le camp de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) entre en service le 8 novembre 1941. Ses internés proviennent de quatre camps. L’effectif le plus élevé est atteint le 18 août 1942 avec 1 018 internés.
- Le camp de Montreil-Bellay en 1944 (source : Gavroche n° 150)
Les derniers Tsiganes ne furent libérés du camp des Alliers qu’à la fin du mois de mai 1946 lorsque le décret de cessation des hostilités abrogea le décret d’assignation à résidence auquel les autorités issues de la Libération se sont référées pour cautionner l’internement des nomades.
Environ 6 500 hommes, femmes et enfants ont été internés entre 1940 et 1946 dans 30 camps d’internement français en raison de leur appartenance réelle ou supposée au peuple tsigane. Les familles ont vécu ces 6 années dans la plus grande précarité matérielle et morale. Leur sort ne suscita que de l’indifférence tant de la part de la population française que des œuvres caritatives pourtant très présentes dans les camps d’internement. On ne reconnut aux Tsiganes que le droit d’être internés en famille, les hommes étant rarement séparés de leurs femmes et leurs enfants.
Cette sédentarisation forcée servit aux autorités françaises qui tentèrent de socialiser les Tsiganes. Les adultes furent obligés de travailler pour des entreprises françaises mais aussi allemandes dans le cadre de l’organisation Todt ou le Service du Travail Obligatoire. On scolarisa les enfants, souvent dans l’enceinte même du camp. L’accent fut également mis sur leur éducation religieuse. Dans les cas les plus extrêmes, les enfants furent séparés de leurs parents et placés à l’Assistance Publique ou dans des institutions religieuses pour les extraire définitivement d’un milieu jugé pernicieux.
Lorsqu’ils étaient libérés, les Tsiganes se trouvaient en but au mieux à l’indifférence au pire à l’hostilité des populations. Ils regagnaient seuls et à pied le lieu où ils avaient été arrêtés en espérant retrouver leur roulotte et le peu de biens qu’ils possédaient. La plupart n’ont rien récupéré et durent recommencer leur vie à zéro. Nombre d’entre eux n’ont eu d’autre choix que de se sédentariser.
Bien que les Tsiganes de France aient échappé à l’Auschwitz Erlass du 16 décembre 1942 qui ordonnait la déportation à Auschwitz des Tsiganes du Grand Reich, un certain nombre connut les camps de concentration et d’extermination nazis. Des hommes furent déportés en Allemagne comme en 1943 depuis le camp de Poitiers après avoir été livrés aux Allemands par les autorités françaises qui pensaient ainsi remplir les quotas de travailleurs qu’exigeaient les autorités d’occupation dans le cadre du Service du Travail Obligatoire. Des familles furent raflées par les Allemands comme celles qui vivaient dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Après la guerre, rares furent les Tsiganes qui ont obtenu une carte d’interné ou de déporté politique, les démarches administratives étant insurmontables pour des gens illettrés et plus méfiants que jamais envers l’Administration française. Ils n’ont ainsi reçu aucune indemnisation pour les années passées dans les camps français, ni même de compensation morale puisque cette réalité n’a laissé aucune trace dans la mémoire collective. Ce n’est que depuis quelques années que des historiens et des militants associatifs ont exhumé ces événements tragiques, et que des plaques commémoratives rappellent que des camps d’internement pour nomades ont existé en France.
Pour faire connaître et reconnaître une histoire oubliée ...
Une mémoire française : Les Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1946
Un collectif d’associations a décidé de programmer en 2010 un événement intitulé « Une mémoire française : Les Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1946 » visant à faire connaître et à faire reconnaître une histoire oubliée et à rendre hommage aux victimes et à leurs familles.
Il s’agit finalement de contribuer à un nécessaire et légitime devoir de mémoire. La participation des Gens du voyage est posée comme principe de ce projet. Un comité scientifique a été constitué, composé de Henriette Asséo, Emmanuel Filhol, Marie Christine Hubert, Alain Reyniers, Jacques Sigot). Le projet est parrainé par le cinéaste Tony Gatlif, et il est porté par un comité d’organisations .
sources
http://ldh-toulon.net/l-internement-des-tsiganes-en.html
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