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    RESISTANCE

     

     

     

     

     

    Témoignage de René Streiff, maître d'internat au lycée Malherbe de Caen

     

     

     

     

    La façade du Lycée Malherbe, à droite l'église Saint Etienne

     

     

     

     

     

    Du 5 mai au 8 juin 1940, j'ai participé comme chef scout à l'organisation du centre d'accueil de la gare du Mans.

     

     

     

    Nommé instituteur à Deauville-sur-Mer le 13/11/1940, j'organise un service de renseignements dans la région de Trouville­Deauville-Honfleur. Ces renseignements sont fournis au Dr Marcel Leboucher , 83 bis rue de Geôle, en liaison avec Paul Zaessinger , opticien rue Saint-Jean; André Michel (depuis fusillé); Guy Desmonts, 7 rue de l'Union à Caen; et Franck Duncombe, 3 rue Haute à Caen (Note de MLQ: étudiant en médecine); les renseignements étaient fournis à un certain M. Guy, demeurant à la Maladrerie.

     

     

     

     

    Source Google Maps. A gauche le 7, rue de l'Union. A droite la rue Haute

     

     

     

    En octobre, suis nommé à Caen, travail plus suivi avec le Dr Leboucher qui, malheureusement, sera arrêté en janvier 1943(Note de MLQ: non, le 4 novembre 1942). Avec un collègue Daniel Anne, constituons avec quelques grands élèves (Deperrois - Pascal - Bouriez - Herout ­Lafontaine - Lechevallier) un petit groupe de résistance, sabotons la propagande de Vichy dans l'enseignement et entrons en guerre ouverte contre les Jeunes du Maréchal.(Note de MLQ: mouvement lancé à Paris en juin 1941 par un professeur du lycée Voltaire, Jacques Bousquet, il est dissout le 23 juin 1943)

     

    J'exalte l'esprit patriotique chez mes petits scouts, qui hissent le drapeau à croix de Lorraine au camp d'Amblie.

     

     

     

     

    Le château d'Amblie  à 22 km au Nord de Caen vers CREULLY. En couleur

     

     

     

    Continuons à faire des tours aux Boches - faux renseignements dans la rue, vol d'armes à Chandivert, de pancartes, etc.

     

     

     

     

    Brasserie Chandivert, Bd des Alliés

     

     

     

    Distribution de tracts et journaux gaullistes, propagande contre le départ en Allemagne et le STO exhortant les grands à se planquer et à se procurer des cachettes - Service de fausses cartes et faux papiers (voir D. Anne).

     

     

     

    Lors de l'arrestation du Dr Leboucher et de sa femme, j'ai fait disparaître de chez lui tout ce qui aurait pu être compromettant. La Gestapo ne trouve rien et emporte simplement sa machine à écrire. (Note de MLQ: il doit s'agir de l'ancienne adresse 83 bis rue de Geôle puisque le Dr Leboucher a été arrêté au 1 rue de l'Eglise Saint-Julien)

     

     

     

    Lors des vacances, je reprends contact avec Daniel Desmeulles à Alençon. Mon frère, réfractaire au STO sur mes conseils et ceux de Desmeulles, se planque chez M. René Formier à Saint-Loyer-des-Champs, où il rentre en contact avec le groupe de résistance de Mortrée. Des camarades en font autant - on vient perquisitionner chez mon père qui éconduit l'envoyé et déclare qu'il ne sait pas où se trouve mon frère. Renseigne Desmeulles sur l'activité des agents de Vichy et de la Gestapo.

     

     

     

    Au moment de l'affaire des fausses cartes d'identité à Alençon! (septembre 43)(Il s'agit probablement de « l'officine de faux papiers de Notre-Dame d'Alençon» fondée par l'abbé Marcel Poulain et développée par l'imprimeur Bernard Grisard. Ils seront arrêtés en janvier 1944), renseignements d'ordre militaire sur le parc d'artillerie de Saint-Paterne et les locaux allemands occupés dans la ville. En septembre, nous constituons, avec Anne Daniel, un groupe destiné à descendre dans la rue en vue d'un débarquement éventuel. Anne en liaison avec le PC de la résistance au sujet du dépôt d'armes (probablement par M. de Boüard ). Au cours de mes voyages à Alençon, je transmets des renseignements à Desmeulles. Je me dispose à faire la liaison entre Desmeulles et Kaskoreff quand celui-ci est obligé de prendre le large. Au lycée, nous constituons un groupe d'amis des Maquis (cotisations de 50 F par mois qui sont remises par l'intermédiaire de Lafontaine au maquis d'Authie (Note de MLQ: ?)).

     

     

     

    Anne me présente Archambault, chef de la Résistance à Paris, nom de guerre « Serge ». Nous lui fournissons une liste des types de la Gestapo de Caen et des renseignements sur les défenses de la côte entre Trouville et Deauville, défense intérieure entre cette côte et Caen, plans de Caen avec emplacements des défenses militaires de la ville. Pendant notre absence, à mardi gras, une perquisition de la Gestapo chez Anne et chez moi.

     

     

     

    Lors des rafles massives de mars-avril pour les départs en Allemagne, nous avons organisé au lycée, avec le concours de la police (qui prévenait le concierge M. Lefèvre chaque fois que la Gestapo convoquait les agents au lycée pour garder les raflés), un service qui renseignait les grands élèves sur les heures de rafles et les endroits dangereux. Très souvent, je suis sorti en ville, passant à travers les rafles, prévenir des camarades d'avoir à se garer. Un soir, deux de mes élèves, Herout et Bretagne, furent raflés au Normandie(Note de MLQ: un cinéma rue Saint Pierre) ; nous les avons fait échapper. Un dimanche soir, nous avons forcé la porte du dortoir des requis donnant sur l'escalier d'honneur du lycée et favorisé l'évasion de sept d'entre d'eux.

     

     

     

    En mai 1944, je suis sollicité par Mme Vieil-Castel (Note de MLQ: adjointe au Délégué départemental de la CRF M. de Clermont-Tonnerre),  pour constituer au lycée des équipes d'urgence de la Croix-Rouge française, après accord avec Anne et Archambault, je constitue un groupe de cinquante hommes.

     

     

     

    Prends sur mon travail, deux heures tous les jours, pour instruire ces équipes (secourisme, brancardage, port du masque, etc.).

     

     

     

    6 juin 1944 - Anne ne recevant aucune instruction au point de vue résistance, nous décidons de consacrer toute notre activité aux équipes d'urgence du lycée, dont je prends le commandement. Travail de force: aménagement de. tous les abris du lycée encombrés par des matériaux divers, transport de la paille dans les salles des fêtes pour accueillir les commotionnés. Dans la matinée, accueil des premiers réfugiés de la côte et ravitaillement.

     

     

     

    Dans l'après-midi, malgré le bombardement intense nous allons chercher morts et blessés, que nous ramenons au lycée et au Bon-Sauveur. Sauvons au moins dix personnes enfouies place de la République. Durant toute la nuit, travail pour aménager des abris nouveaux au lycée (abris n° 3-4-5-6) ; le lendemain, nous déblayons, avec une équipe de jeunes scouts, la rue Haute et transportons morts et blessés. Au cours des jours suivants, nous faisons les pompiers, rue Docteur Pierre, Bd des Alliés, et au théâtre, l'incendie est maîtrisé.

     

     

     

    Au cours d'une mission, un de mes jeunes scouts de 14 ans, Pierre Favier, est mortellement blessé par un obus 

     

     

     

     

     

    "Photo Streiff" Le cercueil de Pierre Favier

     

     

     

    Un équipier de la faculté, Bernard Auvray, tombe dans le brasier en essayant d'enrayer un incendie rue du Pont-Saint-Jacques . Avec Gilles Rivière, chef des équipes d'urgence de Caen, nous montons dans la maison en feu essayer de le sauver, en vain. Suis très fatigué (tension 9) : on me propose d'évacuer ou tout au moins de partir pour Vimer près de Vimoutiers. Je refuse, voulant rester auprès de mes garçons jusqu'au bout.

     

     

     

    Les officiers du lycée veulent évacuer le centre d'accueil. Prévoyant ce que serait un exode, nous torpillons la tentative de départ (en refusant de travailler). Le départ n'a pas lieu.

     

     

     

    J'entre en contact avec le commandant Gille par l'intermédiaire de Gohin (futur agent de liaison de Parléani )  qui me présente à lui. Celui-ci me demande de constituer un groupe de résistance parmi les éléments sûrs de mes équipiers d'urgence. Daniel Anne ayant été obligé d'évacuer sa mère et son frère blessés, je prends le commandement du groupe et mets ce groupe en rapport avec le commandant Gille. J'ai dans ma chambre un poste TSF et nous diffusons aux patriotes des abris les communiqués. Nous repérons les types de la Gestapo qui circulent dans le centre et les signalons à Gohin.

     

     

     

    7 juillet: bombardement intense; malgré son épuisement, mon groupe travaille toute la nuit; je sauve une femme du premier étage de la faculté en flammes.

     

     

     

    Le lendemain, travail de brancardage; suis complètement épuisé, ma tension tombe à 8. Enfin, délivrance le 9 à 15 heures; mon groupe guide dans la ville les chars et automitrailleuses alliés. Aidés des Canadiens, nous capturons trois SS rue du Carel. Avec le lieutenant Georges , nous allons rue d'Hastings faire prisonnier un groupe de SS (Note de MLQ: à la future résidences des officiers des Civil Affairs). Le soir nous arrêtons Sultan et Houssenotte (Note de MLQ: ? certainement des collaborateurs) et nous assurons sur les ordres de M. Almeras la garde du lycée pour empêcher les suspects d'en sortir. Patrouilles toute la nuit. Le lendemain, nous participons à la cérémonie de la libération de la ville. Mon groupe, allant poser un drapeau à croix de Lorraine sur Saint-Gilles, essuie le feu des SS.

     

     

     

     

    A gauche l'entrée de l'hospice Saint Louis, à droite l'église de la Trinité ce que les Caennais appellent Saint Gilles.

     

     

     

    L'après-midi, le lieutenant Georges organise une expédition contre ces SS. Je n'y participe pas, étant trop fatigué, et je donne le commandement de mon groupe à Henryon, et pars me reposer à Douvres.

     

     

     

    Retour à Caen le 15 juillet. Le commandant Gille m'affecte à l'état-major du 1er Bureau. Le soir, patrouille avec groupe Michaut, nous nous emparons du matériel suivant: 15 caisses de bandes de mitrailleuses, une caisse de grenades françaises, 8 chargeurs de FM trouvés rues du Gaillon et Moulin-au-Roy, 3 caisses de grenades allemandes, 8 tubes de mitrailleuses. Avons failli sauter sur des mines que nous signalons aux Canadiens.

     

     

     

    Le lendemain, guide une section anglaise de chars vers les lignes dans le secteur de Colombelles. Puis reprends ma place au 1er Bureau avec le capitaine Dumis . Le 23 juillet, nommé sergent FFI. le 27, mission à la Kommandantur (Malherbe) avec le sergent Le Lohe - nous découvrons des documents importants qui sont remis au 2e Bureau de l'état-major des FFI. Lettre de félicitations du commandant Gille. Depuis, renseignements fournis sur les défenses militaires de Falaise, les mines de Potigny, Soumont, May, Saint-Rémy, des défenses allemandes de la forêt d'Écouves, les rampes de lancement de V1 dans la Seine Inférieure, aux capitaines Hugues et Kay, de la sécurité militaire.

     

     

     

    Le 7 août, je suis incorporé dans la compagnie Scamaroni à la caserne de Lorge et versé, sur avis du lieutenant Rosse, au BCRA.

     

    Caen 15/9/44

     

    Source: pages 146 à 152 de ce livre .

      

    http://sgmcaen.free.fr/resistance/streiff.htm

     

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