•  

     

     

    Avec peine, elle descendit de la voiture en s’accrochant à la portière noire et luisante.

     

    Le soldat qui l’avait conduite de la gare jusqu’ici lui tendit la main pour l’aider, puis une fois debout, il lui attrapa sa valise.

     

    C’était fou comme chaque mouvement lui faisait sentir qu’elle était une baleine inapte au moindre mouvement de la vie quotidienne.

     

    » Merci, Oberschütze.

     

    - De rien, madame. Veuillez me suivre. »

     

    Avec de grands yeux eberlués, elle regardait alentour. Ils avaient passé un premier avant poste un peu plus tôt, à l’entrée du parc. Ils étaient maintenant arrivés dans la cour gravillonnée

     

    du manoir.

     

    Deux grandes tentures noires avec les insignes de la SS étaient suspendues sur la facade, encadrant une grande porte de bois teinté. Il y avait au moins 4 étages, dont les rangées de fenêtres bien exposées devaient inonder l’intérieur de cette superbe lumière de

     

     

    début d’après midi.

     

     

    Une terrasse était aménagée devant, avec quelques bancs sur lesquels 3 femmes étaient assises, discutant calmement en pouponnant des bébés dont les magnifiques berceaux blancs immaculés ressemblaient à de petits nuages. Le manoir dominait le parc arboré, donnant une vue incroyable sur les forêts alentours.

     

    Ca ressemblait à un rêve.

     

    En haut des marches, une femme plutôt replète les attendait en souriant. Anke essaya de ne pas paraître trop essoufflée en grimpant.

     

    « Willkommen, Anke Hauptmann. Je suis Anna, l’intendante du Lebensborn.

     

    J’espère que le voyage n’a pas été trop éprouvant depuis Munich…

     

    Souhaitez vous un rafrachissement?

     

    Je vous amènerai ensuite au Dr Otto Offenbach.

     

    - Je veux bien un peu d’eau oui, et me changer après mon voyage si c’est possible.

     

    - Bien sûr. Veuillez me suivre. Merci soldat. » fit-elle en prenant la valise.

     

    Anke suivit la femme dans le manoir, ne cessant d’observer les magnifiques lambris, les appliques travaillées, et le parfum de bois chaud qui régnait dans les couloirs.

     

    Elle prit un verre d’eau au réfectoire, puis se changea et brossa ses cheveux blonds pour qu’ils brillent de nouveau.

     

     

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    Elle se pinça les joues pour qu’elles rosissent, puis se sentit prête pour l’examen médical.

     

    Elle souffla un grand coup.

      

    Tout allait se décider maintenant.

     

    Anna l’emmena dans l’aile médicale et l’introduit dans le bureau du médecin. Il était assis à son bureau, à contre-jour, et était en train de lire un dossier.

     

    A son entrée, il releva la tête, et sourit.

     

    « Aaah… Madame Hauptmann ! Nous vous attendions!

     

    - Enchantée, docteur, fit-elle avec un petit salut gêné.

     

    - Venez donc vous asseoir ici. »

     

    Elle traversa lentement la pièce, impressionnante, avec ses vitrines regorgeant de crânes , ses gravures de corps nus aux murs et ses immenses bibliothèques pleines de livre et de dossiers.

     

    Dans un coin, un paravent était installé avec une table d’examen.

     

     

    Adolf Wissel : La famille paysanne Kalenberger.  

    Le médecin sortit une liasse de papier, sans doute son dossier, alors qu’elle s’asseyait.

     

    « Bien Mme Hauptmann.

     

    Avant de commencer, j’aimerai résumer votre situation, afin de corriger éventuellement les erreurs d’interprétation qui auraient pu avoir lieu dans les échanges courriers que nous avons entretenu.

     

    - Bien.

     

    - Vous êtes Anke Hauptmann, née le 7 octobre 1914 à Munich, vous avez 26 ans. Vous êtes issue d’une famille allemande dont nous avons retrouvé un lien de parenté de noblesse au niveau de votre arrière grand mère.

      

    Vous êtes de confession catholique, comme le reste de votre famille. Vous n’avez pas de maladie, pas d’allergies, vous pratiquiez activement les activité sportives avant d’avoir votre état. Vous avez participé à la Bund Deutscher Mäde sur votre propre demande afin d’apprendre à servir le Fûhrer. C’est bien cela?

     

    - Tout à fait, Herr Doktor.

     

    - Pouvez vous me dire dans quelle mesure vous souhaitez participer au programme Lebensborn? »

     

    Elle avala difficilement sa salive.

     

    De tout l’examen, c’était cette partie qu’elle redoutait le plus, notamment de se mettre à pleurer idiotement.

     

     

     

     

     

    » J’ai été mariée l’année dernière à Heinrich Haagen, Rottenführer de la Waffen SS.

     

    Je suis tombée enceinte rapidement, mais mon mari… il… il a eu un accident de voiture pendant son service… il est décédé.

      

    J’aurai élevé mon enfant avec lui pour qu’il serve le Führer quoi qu’il se passe, mais la pension de veuvage ne me permet plus de lui enseigner le meilleur.

     

    On nous avait parlé des Lebensborn au Bund Deutscher Mäde et… j’ai pensé que c’était le seul moyen de permettre à mon enfant de s’en sortir. »

     

     

     

     

     

    Ce faisant, elle ne cessait de caresser son ventre maintenant bien rond du 9eme mois.

     

    Son enfant donnait des coups, et elle y voyait le signe que ce qu’elle faisait était le bon choix. Le médecin n’avait cessé de hocher la tête, souriant maintenant largement.

     

    » Vous semblez être une personne exemplaire, meine Liebe. A mon tour de vous expliquer à quoi vous vous engagez en rentrant ici. Les Lebensborn sont des maternités du service public,

     

    dont les soins sont proposés aux femmes les plus pures et les plus respectables afin d’enfanter dans un cadre sécuritaire.

      

    En effet, nous proposons par la suite aux enfants une éducation dans l’amour du Führer et nous les élevons pour qu’ils soient plus tard l’élite de notre peuple.

     

     

    Afficher l'image d'origine  

    Nous prenons en charge vos soins, nous vous logeons, nous vous permettrons de finir votre grossesse dans un cadre serein et idyllique. Votre enfant et vous même toucherez une allocation pour le don que vous faites au Führer.

      

      

    L’argent pour votre enfant sera placé sur un compte en banque, dont il aura le bénéfice à sa majorité.

     

    En revanche, vous comprenez qu’un enfant ne peut être élevé jusqu’à sa majorité que dans une famille SS, afin de bénéficier chaque jour des préceptes nazis.

     

    Après la naissance, vous effectuerez vous même le don de votre enfant à la famille de votre choix parmis celles que nous vous proposerons.

    Vous serez ensuite libre de partir, ou de rester parmi nous. »

     

    Anke caressa de plus belle son ventre.

     

    Elle savait qu’elle devrait se séparer de son enfant.

     

    C’était la plus grosse épreuve qu’elle subirait de sa vie, mais elle ne vivait et ne respirait que pour le Führer, et elle se devait de faire ce don.

    C’était aussi ce qu’aurait souhaité Heinrich.

     

     

     

    » Soit. Tout cela me convient au plus haut point.

     

    - Bien, fit le médecin en souriant. Je ne vous cache pas que vous bénéficierez d’un traitement de faveur si vous participez à notre programme.

     

    Vous n’êtes pas sans savoir que vous êtes née le même jour que Himmler, le fondateur de tout cela »

    fit-il en embrassant la pièce d’un large mouvement de bras.

     

    Bien sûr qu’elle le savait. C’était une de ses plus grandes fiertés.

     

    » Passons à l’examen. »

     

    Par la suite, un long temps fut consacré tout d’abord

    à son examen racial.

     

    Elle eut une radio de la face, dont le médecin passa de longues minutes à mesurer les différents segments afin de calculer l’indice de pureté de son sang. Il mesura son tour de crane et la caractérisa dolichocéphale, ce qui était parfait.

     

     

      

     

     

    Il lui coupa une mèche de cheveux, qu’il compara avec d’autres teintes, analysa sa carnation.

     

    Il la mesura, regarda ses yeux et lui fit passer un test de vision.

     

    Elle se tenait droite, n’avait pas de scoliose.

     

     

      

    Elle approchait de la perfection, et le médecin se frottait les mains à l’idée d’avoir un exemplaire parfait de la race Aryenne dans ses rangs.

     

    Le père était mort, peu importait de toute manière, il était de la SS et possédait donc des caractéristiques morales parfaites.

     

    Il avait lui aussi une généalogie allemande pure.

     

    Quand bien même l’enfant actuel aurait des défauts physiques, il suffirait de le faire mourir vite, et de motiver la femme à rester parmi eux pour l’associer à des exemplaires masculins aryens parfaits également.

     

     

     

    Il allait envoyer un rapport à l’öberführer Gregor Ebner sitôt l’examen terminé, car cette Anke possédait un indice de pureté rarement atteint.

     

    Une fois l’examen racial terminé vint l’examen gynécologique, rapidement fait, car cela intéressait beaucoup moins le doktor.

     

    L’enfant bougeait, il avait écouté son rythme cardiaque avec un stéthoscope de Pinard, la hauteur utérine était bonne, la prise de poids aussi.

     

    La tension parfaite.

      

    Le Toucher Vaginal trouvait un bassin d’une bonne taille, l’enfant passera sans problème.

     

    Bref, tout allait bien.

     

    Il compléta le dossier avec les différents indices raciaux et les données de la grossesse.

     

    » Bien, nous vous accueillons avec plaisir dans notre établissement. Vous aurez l’occasion de croiser d’autres femmes ; certaines ne sont pas enceintes mais acceptent de procréer avec de parfaits soldats de la waffen SS.

     

      

    D’autres sont comme vous, enceintes, de différents stades.

     

    D’autres encore ont accouché.

    Si certaines choses vous posent question, n’hésitez pas à vous diriger vers Anna.

     

    Elle va vous mener aux sages femmes, pour vous les présenter.

     

    Puis elle vous montrera vos quartiers.

    Bienvenue chez nous. »

     

    Anke soupira de soulagement.

     

    Elle avait tellement eu peur de ne pas être prise !

      

    L’horizon s’éclairait, elle avait un avenir.

     

    Elle était fière d’elle, fière de son sang.

     

     

    Une quinzaine de jours plus tard, Anke accoucha parfaitement d’un petit garçon, qu’elle ne pu prénommer car il portera un autre nom et une autre identité lorsqu’il sera donné.

     

    Tout cela sera consigné dans un dossier secret.

     

    Mais elle était heureuse, car elle avait le droit d’avoir son enfant avec elle pendant 2 mois, pendant lequel elle pouvait le pouponner la journée et lui donner le biberon; la nuit les enfants dormaient avec les sages-femmes dans la nurserie.

     

      

    Ce soir, elle essayait de réconforter sa voisine de lit, Angela, en lui lisant le dernier exemplaire de NS-Frauen-Warte.

     

    L’enfant d’Angela était décédé dans son sommeil l’avant-veille.

     

    En son for intérieur, Anke trouvait que le hasard avait bien fait les choses, car l’enfant avait un méchant pied bot.

      

    Certaines mauvaises filles disaient que c’étaient les sages-femmes qui tuaient les enfants qui n’étaient pas beaux et malades, mais Anke ne les croyait pas, car elles étaient toutes très gentilles et attentionnées avec les bébés.

      

    Tout ça parce que le bébé de Jütta était mort à la naissance,

    avec son bec de lièvre affreux.

      

    Mais Anke savait que beaucoup de bébés avaient des malformations, et que souvent ils en mourraient. Jütta disait qu’elle avait vu la sage-femme l’étouffer avec du coton mais honnêtement, c’est sans doute parce qu’elle avait du mal à faire son deuil…

     

    Les enfants avaient des examens médicaux très réguliers, où le doktor mesurait le développement du crâne et de la stature.

     

    Anke était très fière que son fils soit si fort, il tenait déjà presque sa tête !

     

    Elle avait déjà eu un premier entretien avec le doktor pour réfléchir à la famille qui adopterait son fils.

      

    Elle avait déjà une préférence pour l’une d’entre elle.

     

    L’équipe n’arrêtait pas de dire que Anke était la plus remarquable de toutes les femmes, et

     

     

    cela suscitait même quelques jalousies.

      

    Le Doktor lui avait même confirmé que si elle voulait rester pour continuer à participer au programme et donner ses enfants au Führer, elle pourrait avoir une médaille, la croix des mères allemandes, remise par Himmler lui même.

     

     

      

    Déjà qu’elle avait reçu un cadeau de ce dernier pour la naissance de son enfant… une plaquette du plus bon chocolat qu’elle avait jamais goûté !

      

    Ainsi qu’un exemplaire de « Mères, parlez-lui d’Adolf Hitler » de Johanna H., qui expliquait comme inculquer les valeurs morales nazies dès le plus jeune âge.

      

    Elle se sentait privilégiée.

     

    Le surlendemain, toujours la nuit, ce fut la fille d’Elga qui décéda.

      

    Elle s’était étouffée dans son lait et la sage-femme n’avait rien pu faire.

      

    Enfin, il se disait que Elga avait dû mentir et avoir son enfant avec un juif, parce que sa petite avait un nez crochu.

      

     

     

    Dieu décidait donc un peu en faveur des Aryens, c’en était la preuve tangible. Anke avait du mal à comprendre pourquoi Elga était si triste, qu’elle pleure un peu, bon, cela passait, mais qu’elle s’enferme ainsi dans les toilettes pendant toute la journée… elle le savait que sa fille avait des mauvais scores raciaux non?

     

     

     

    La semaine suivante, une vingtaine d’enfants arriva au Lebensborn. Ils étaient tous blonds, aux yeux bleus, tout crottés du voyage.

      

    Certains étaient plus beaux que d’autres, et aucun ne savait parler allemand. Il semblerait qu’ils soient suédois. Ils avaient été trouvés dans les campagnes, abandonnés par leurs parents, expliquaient un des soldats SS qui les avait amenés.

      

    Les soldats du front avaient décidé de se rationner pour leur donner à manger et avaient décidé de les rapatrier chez nous, en allemagne, pour qu’ils soient soignés et nourris.

      

    Anke en avait eu les larmes aux yeux d’émotion devant tant de bonté de la part des soldats, qui ne devaient pourtant rien à ces méchants qui refusaient obstinément de rejoindre le Reich – chose qu’elle ne comprenait décidément pas.

     

    Beaucoup des enfants pleuraient, et les femmes aidèrent les sages-femmes complètement dépassées par le nombre à les laver, les habiller et les réconforter en attendant leur passage avec le doktor.

      

    Ils furent ensuite triés en deux groupes :

     

    certains furent amenés dans un dortoir dépendant de la nurserie, les autres furent emmenés dans un camion – les voitures étaient trop petite pour tous les emmener! – et Anna leur expliqua qu’ils rejoignaient un autre orphelinat car ici on ne pouvait accueillir que les enfants les plus purs.

     

     

    Anke ne savait pas à l’époque que c’était bien vers les camps que ces enfants étaient emmenés pour être gazés, et c’est les yeux embués d’amour pour sa patrie qu’elle secoua la main en réponse aux cris émanant du camion.

     

    NB: N’oublions pas que la france participa également au programme, établissant une Lebensborn de ce type à Lamorlaye, en Picardie…

     

    Sources:

     

     

     

    http://ellislynen.free.fr/?p=214#sthash.g7fbPPJf.dpbs 

     

     

     

     
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