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    La Nueve en bref…

    Qui étaient ces combattants à l’idéal de liberté chevillé au corps, ces antimilitaristes qui ont choisi « la lutte pour la liberté » en rejoignant l’armée de Leclerc ?


    Nous reprenons ici quelques points importants de l’histoire de la Nueve, qui sera célébrée cet été, pour les 70 ans de la libération de Paris.

    D’où viennent ces combattants à l’idéal de liberté chevillé au corps ?

     

      

    Février 1936 : le peuple d’Espagne porte « el Frente popular » (Front populaire) au pouvoir. Juillet 1936 : une guerre civile et révolutionnaire éclate ; elle va durer 32 mois et se soldera, faute d’armement et d’aide internationale, par la défaite du camp républicain face à l’armée putschiste de Franco, soutenue par Hitler, Mussolini et Salazar.

      

    En février 1939, un demi-million d’Espagnols, sous les intempéries et les bombardements, franchit la frontière française. Des quelques 200 000 Espagnols de la « Retirada » demeurés en France à l’issue de la victoire franquiste, nombreux sont ceux qui reprendront les armes contre le nazisme, après de terribles séjours dans les camps de concentration du sud de la France ou d’Afrique du Nord.

     


    Admiratifs des soldats de la France libre de la première heure dirigés par De Gaulle et commandés sur le terrain par le général Leclerc, beaucoup d’Espagnols vont tenter de rejoindre les rangs de cette armée « illégale » constituée en Afrique avec les forces coloniales du Tchad, du Cameroun…

     
    Ce n’est qu’en 1943 que cette troupe hétéroclite prendra

    le nom de 2e division blindée (2e DB).


    Des anarchistes antimilitaristes dans la 2e DB

     

    La Nueve (neuvième compagnie) était une composante de la 2è DB, commandée par le général Leclerc, composée de 160 soldats dont 146 républicains espagnols majoritairement anarchistes.


    À l’instar de tous les républicains espagnols vaincus, ils concevaient le combat pour la France libre comme la continuité de celui commencé en Espagne par la guerre civile, en juillet 1936, et espéraient – comme on le leur avait promis – qu’il se poursuivrait, avec l’aide des alliés, contre la dictature de Franco. Ces anarchistes voulaient agir ;

      

    ils refusaient d’être spectateurs, sachant combien le nazisme –partenaire du franquisme – est l’ennemi de la liberté, valeur fondamentale pour tout libertaire.

      

    C’est pourquoi beaucoup d’entre eux ont rejoint les maquis ou endossé l’uniforme. Antimilitaristes, ils considéraient que l’enjeu valait ce compromis avec leurs principes.


    Leclerc « el patrón »

     

      

    Militant de l’Action française, royaliste très catholique, Leclerc avait d’emblée choisi le camp de Franco lors de la guerre d’Espagne, mais il apprit à mieux connaître et apprécier les combattants du camp républicain au cours de la Seconde Guerre mondiale.

      

    Leclerc rejoint le général de Gaulle en Juillet 1940. À la tête de la 2e division française libre, qui deviendra la célèbre 2e division blindée (2e DB), il entame la campagne d’Afrique en promettant de combattre jusqu’à ce que les couleurs du drapeau français « flottent sur la cathédrale de Strasbourg »


    « El patrón », comme l’appelaient les hommes de la Nueve, gagna la confiance et l’estime de tous les Espagnols par sa notion originale et efficace du commandement :

      

    ne pas rester passif, prendre toujours l’initiative, réagir immédiatement devant un obstacle imprévu –sans attendre la note ou l’ordre–, s’adapter aux circonstances les plus inattendues, atteindre l’objectif dans le cadre de la mission donnée, ne pas obéir à des ordres stupides... préserver autant que possible la vie de ses hommes et les respecter.


    Pour les soldats de la Nueve, « Leclerc n’était pas un général français. C’était un véritable général républicain espagnol, comme ceux qui nous commandaient pendant la guerre contre les franquistes ». (Luis Royo Ibañez, soldat de la Nueve.)

     

    En 1945, la guerre en Europe terminée, il partira en Indochine pour y défendre le protectorat français.


    Raymond Dronne « el capitán »

     

      

    Il fut l’un des premiers hommes à se mettre à la disposition de Leclerc et intégra le régiment de marche du Tchad. En lui remettant le commandement, Leclerc lui expliqua qu’il s’agissait d’une compagnie de volontaires espagnols qui étaient indisciplinés mais qui avaient une expérience inestimable et une grandeur d’âme hors du commun :

      

    « Ce sont de beaux soldats, vous vous en arrangerez... »


    Leclerc avait compris que ces hommes accepteraient d’être commandés seulement par un officier rallié dès les premières heures à la France libre ; surtout s’ils savaient que c’était un soldat qui avait été gravement blessé au combat.

      

    Les Espagnols le mirent à l’épreuve, mais ne tardèrent pas à l’accepter.



    « On n’acceptait pas les ordres. Mais, pourtant, Leclerc, le capitaine Dronne ensuite et, surtout, le colonel Putz ont gagné notre sympathie. C’étaient des gens qui nous comprenaient et qui assuraient qu’ils nous aideraient à lutter contre Franco. »

    (Manuel Lozano, soldat de la Nueve.)


    Des half-tracks aux noms de batailles de la guerre civile

     

      

    Chaque véhicule avait le nom des plus célèbres batailles de la guerre civile ou de symboles importants. Quant au capitaine Dronne, sa jeep portait :

      

    Mort Aux Cons.



    « Et ces tanks ? Mes yeux voient-ils clair ? Ce sont eux ? Oui, ce sont eux.

      

    Ce sont les Espagnols. Je vois le drapeau tricolore. Ce sont eux qui, après avoir traversé l’Afrique, arrivent sur les Champs-Élysées. Les tanks portent des noms évocateurs : Guadalajara, Teruel, et ce sont les premiers qui défilent sur la grande avenue. On dirait un rêve... On dirait un rêve. » (Victoria Kent, ancienne haute-fonctionnaire espagnole.)


    Les 24, 25 et 26 Août 1944

     

      

    24 Août 1944. Le premier officier de la fameuse 2e DB à pénétrer dans l’Hôtel de Ville de Paris, déjà occupé par le Comité national de la résistance, était un Espagnol, Amado Granell, lieutenant de la Nueve.

      

    Et les premiers véhicules à entrer sur la place de l’Hôtel de Ville n’étaient pas – contrairement à ce que retiendra l’histoire officielle – les chars Romilly, Champaubert et Montmirail, mais des half-tracks, des véhicules blindés plus légers et munis de mitrailleuses, pilotés par des Espagnols de la Nueve et nommés Guadalajara, Teruel ou encore Guernica.



    « À la porte d’Italie, quand nous sommes arrivés et qu’une femme a crié : ’’Vive les Américains !’’, un de mes camarades a répondu :

     

    ’’No, señora Madame, yo soy un Français. »

    (Manuel Lozano, soldat de la Nueve.)



    25 Août.

    Le lendemain, le journal Libération publia en première page la seule photographie connue de cet instant. Elle montre le premier soldat « français » arrivé à Paris, posant avec Marcel Flouret, préfet de la Seine, près d’une fenêtre, à l’intérieur de la mairie.

      

    Ce soldat « français » était le lieutenant Amado Granell, Républicain espagnol. Il apparaissait à la une du journal, sous le titre « Ils sont arrivés ! ».



    26 Août. Après avoir procédé au « nettoyage » de Paris, la Nueve du capitaine Dronne alignait, ce jour-là, ses chars devant l’Arc-de-Triomphe. Elle formait la garde d’honneur du Soldat inconnu pour l’arrivée du général de Gaulle.

      

    Une immense banderole aux couleurs de la République espagnole barrait les Champs-Élysées. Entre-temps, plus de quatre mille réfugiés espagnols participaient au soulèvement de la Capitale



    « On nous avait mis là parce que je crois qu’ils avaient plus confiance en nous, comme troupe de choc, qu’en d’autres... Il fallait voir comme les gens criaient et applaudissaient ! » (Germán Arrúe, soldat de la Nueve.)


    Paris, Strasbourg, le nid d’aigle de Hitler

     

      

    Après Paris, les hommes de la Nueve se remettent en route, en direction de l’Est. Avec Leclerc, ils libèrent les Vosges, l’Alsace, participent aux durs combats de la poche de Colmar, puis poursuivent leur offensive jusqu’au nid d’aigle de Hitler, à Berchtesgaden.


    2014, un seul survivant de la Nueve

     

    Sur les 146 Espagnols de la Nueve, seulement 16 sont arrivés à Berchtesgaden. 70 ans après, il n’en reste qu’un : Rafael Gómez.


    Les héros oubliés de la victoire

     

      


    L’histoire n’a retenu que ce qui pouvait servir à la construction d’une geste nationale et nationaliste : des étrangers n’y avaient pas leur place.

    Cette « francisation » de la Libération fut « une opération politique consciente et volontaire de la part des autorités gaullistes et, dans le même temps,

    des dirigeants du Parti communiste français ».

      


    L’épopée gaulliste et l’épopée communiste de la Libération ne pouvaient être que nationales. « La participation armée des Espagnols a été récupérée par les gaullistes.
    » (Jorge Semprún, préface La Nueve, 24 août 1944, ces Espagnols qui ont libéré Paris, Evelyn Mesquida, le Cherche Midi, 2011.)



    Dans la Nueve, mais aussi dans la Résistance

     

      

    Des Républicains espagnols ont été sur tous les fronts. Très tôt engagés dans les rangs des Forces françaises libres ou des maquis, leurs faits d’armes sont légendaires. Hommes ou femmes, leur participation au sein de « l’armée de l’ombre » sera, elle aussi, unanimement reconnue. Des maquis se constituent, composés intégralement ou à forte majorité d’Espagnols, un peu partout en France occupée et non occupée :

     

    • La 3e brigade de guérilleros espagnols libère Foix.
    • Au plateau des Glières, ils seront en résistance dès la fin de 1942, et ils représentent plus de la moitié des maquisards montés au plateau en janvier 1944.
    • Le commandant Raymond, qui n’est autre que Ramón Vila Capdevila, avec son bataillon « Libertad » libère Limoges.
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    • Des réseaux clandestins sont organisés dès novembre 1939. Francisco Ponzán se met à la disposition des services secrets britanniques. Ce sera le début d’un des réseaux des plus efficaces de passeurs, lié au réseau anglais Pat-O’Leary.

    • Les premiers à être déportés dans les camps de la mort, à Mauthausen, dès le 6 août 1940, sont des Espagnols. Dans l’ignominie de la déportation, ils songent à s’organiser, afin de collecter les preuves, pour témoigner de leurs conditions de détention et résister à leur mort programmée.
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    • Ce sont eux qui accueilleront, en 1942, les premiers résistants français, déportés au camp de Mauthausen.

     

     

    SOURCES

    http://www.24-aout-1944.org/?La-Nueve-en-bref

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • La formation de la 2e DB (février 1943-juillet 1944)

     

    Général Leclerc, vous et vos glorieuses troupes êtes la fierté de la France

    — Général de Gaulle

     

     

    La "Force L" en Tunisie (février-juin 1943)

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    Après avoir abandonné le commandement des troupes de l'Afrique française libre au général Marchand, Leclerc rencontre à Ghadamès le général Delay, commandant le front Est-saharien du Sud algérien : c'est la première liaison des FFL et de l'armée d'Afrique (2 février 1943). Dix jours plus tard, la "Colonne Leclerc" devient "Force L" (comme Leclerc) dans le cadre de la 8e armée britannique. Le 20 février , jour où Rommel s'empare de Kasserine, Leclerc parvient à Ksar Rhilane ; sa mission est de couvrir le flanc gauche de la 8e armée britannique, qui contrôle Tatahouine et Medenine.

      

    Quatre jours plus tard, le BIMP (1re DFL) prend position dans le secteur. Dans les premiers jours de mars, Rommel lance l'opération Capri, destinée à reprendre Medenine et à atteindre le golfe de Gabès ; il est repoussé par les Alliés et subit des pertes importantes. La Force L - rejointe par le "Colonne volante" *- est violemment prise à partie à Ksar Rhilane, mais elle résiste vaillamment - avec l'appui de la Royal Air Force.

     

    Rommel, partisan d'évacuer la Tunisie, est remplacé par le général von Arnim, mais celui-ci ne parvient pas à renverser le cours des événements. Le 20 mars, Montgomery passe à l'offensive sur la ligne Mareth ; il se heurte à une vive opposition ennemie, qui l'oblige à un manœuvre de débordement, appuyée par plusieurs groupements de la Force L. Huit jours plus tard, la prise de Gabès par Leclerc obligera les Allemands à décrocher et permettra aux Américains du général Patton de reprendre Gafsa.1_1_3_3_b_image_1

      

    Le 2 avril, Leclerc rencontre Giraud à Gabès : il tente vainement de le persuader que seul de Gaulle peut réaliser l'union de tous les Français. La Force L entre à Kairouan le 12 avril. Jusqu'au bout, les forces de l'Axe opposeront aux Alliés une résistance acharnée, mais l'issue des combats de peut faire de doute. Tunis et Bizerte sont libérées le 7 mai ; le 20, Leclerc participe au défilé de la victoire à la tête d'un détachement de tirailleurs. Il est nommé général de division le 25 mai ; le 30, la Force L devient officiellement 2e DFL. Giraud, qui possède encore le commandement militaire en Afrique du Nord, décide de renvoyer en Libye cette unité beaucoup trop "gaulliste" à ses yeux (10 juin 1943).

     

     

    Formation de la 2e DB au Maroc (juillet 1943-avril 1944)

    Leclerc va profiter de ce séjour forcé au camp de Sabratha pour réorganiser sa division et surtout l'étoffer avec de nouvelles unités, prélevées sur l'armée d'Afrique ou constituées par de jeunes évadés de France, arrivés par l'Espagne. Malgré tous ses efforts, ses effectifs demeurent modestes (moins de 4.000 hommes, alors qu'une division classique en compte quatre fois plus !), mais cette insuffisance numérique est compensée par le prestige dont jouissent "l'armée Leclerc" et son chef depuis l'affaire de Koufra.

      

      

    Le 13 août, entre deux missions à Alger et au Maroc, Leclerc confie à ses subordonnés : "Pendant trois ans, dans notre coin, nous avons représenté la France au combat et tenu son épée. Aujourd'hui, l'armée française reprend la lutte, notre mission est terminée. Nous avons été le trait d'union. Il ne nous reste plus qu'à rentrer dans cette armée puisqu'elle est décidée à combattre. (...) Il convient toutefois de conserver intact l'esprit de la France Combattante ** car il a fait ses preuves et représente l'esprit de la France."

     

     

    1_1_3_3_c_image_2Le 24 août 1943, la 2e DFL devient officiellement la 2e division blindée (2e DB), sur le modèle des brigades américaines, avec des Combat Command (groupements tactiques), formations interarmes adaptées aux conditions du combat. Leclerc souhaite faire de sa division un symbole de l'unité nationale, sous l'autorité du général de Gaulle, chef suprême et unique de la France Combattante.

      

    En septembre, la 2e DB est regroupée au camp de Temara (Maroc), où elle va parfaire son entraînement et compléter ses effectifs jusqu'en avril 1944.

      

    A partir du 10 avril, elle commence à quitter le Maroc pour l'Angleterre, où elle est affectée à la 3e armée américaine de Patton.

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    * La "Colonne volante", commandée par le commandant Jean Rémy, était composé d'un régiment de spahis et d'une compagnie de chars de combat.

      

    Elle comprenait 314 hommes et était dotée de - notamment - 24 automitrailleuses et 14 chars.

      

    Les spahis avaient participé aux campagnes d'Erythrée, de Syrie, de Libye et à la bataille d'El Alamein.

      


    ** La France Combattante avait officiellement succédé à la France Libre le 13 juillet 1942. Dans l'esprit de De Gaulle, il convenait désormais d'associer dans une même entité - et sous une même autorité, incarnée par le Comité national français dont il était le chef - la France Libre et "la France captive", qui luttait contre l'occupant allemand et ses alliés français sur le territoire national, dans le cadre des mouvements de Résistance et des premiers maquis. Dans le même temps, les Forces françaises libres devenaient Forces françaises combattantes.

      

    Cependant, l'appellation France Libre continuera d'être employée jusqu'à la fin de la guerre et les Français libres ne renonceront jamais à leur identité.

     

     

    < La "Colonne du Tchad" s'empare de Koufra et du Fezzan

    (décembre 1940-janvier 1943)

    > Suite : La bataille de Normandie (août 1944)

     

    sources précieuses :

      

    http://www.france-libre.net/2e-db/historique/formation-2edb.php

     

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