Dans les Balkans, au cours des guerres qui ont ensanglanté les pays de l'ex-Yougoslavie, les diverses armées ont systématiquement violé les femmes des régions conquises.
Le viol était utilisé comme une arme pour imposer la suprématie d'une ethnie.
De même en Birmanie, d'après notamment Le Nouvel Observateur (octobre 2004), les généraux laissaient leurs soldats violer les femmes des zones où vivent les minorités ethniques pour imposer leur politique de « birmanisation ».
En 2009, un rapport de Human Rights Watch mettait à jour les milliers de viols perpétrés par les soldats de l'armée régulière de la République démocratique du Congo.
Même les GI's américains, en 1944-45, ont commis des viols, 2500 en Grande-Bretagne, 3500 en France, 11.000 en Allemagne, sans comparaison cependant avec les viols commis par les troupes soviétiques dans les territoires qu'elles venaient de libérer du nazisme.
Quant aux violences infligées aux femmes en France au moment de la Libération , les femmes tondues, les faits sont désormais bien connus.
Parmi plusieurs études, celle de Fabrice Virgili, issue d'une thèse, nous permet de faire le point.
De nombreuses femmes furent arrêtées à la Libération , par d'authentiques résistants ou plus souvent par des résistants de la dernière heure.
Accusées d'avoir entretenu des relations sexuelles avec des Allemands, beaucoup seront tondues.
Combien ?
Sans doute autour de 20.000. Peu de départements y ont échappé, il y eut des « tontes » dans 80 préfectures.
La plupart du temps, l'événement était quasi officiel, en présence des nouvelles autorités.
La punition avait lieu publiquement, la femme était tondue au milieu des siens. Le châtiment fut spectacle, la mise en scène était souvent la même.
La femme était dénudée, promenée dans les rues, son corps souvent marqué d'une croix gammée tracée au goudron.
Parfois elle reçoit une fessée, mais est très rarement violée.
On pratique plutôt un enlaidissement de son corps, en lui coupant les cheveux. Déjà la tonte, au Moyen Age, était le châtiment de l'adultère.
En tondant la femme, on fait disparaître « l'arme du crime », les cheveux, un des principaux moyens de séduction.
Beaucoup de femmes tondues quittent la ville, certaines se suicident, d'autres se cachent.
Ainsi, en septembre 1983, les gendarmes découvrent « la recluse de Saint-Flour », une femme qui se cachait depuis… 39 ans !
La tonte a plusieurs significations.
Cette violence exercée ensemble contre la complice de l'ennemi est une affirmation collective qui permet de retrouver son unité.
Mais c'est aussi l'exigence d'une pureté retrouvée, avec cette idée que l'ennemi souille.
Le métissage du vainqueur et du vaincu (il y aurait eu 200.000 naissances de ces relations entre soldats allemands et femmes françaises) est perçu comme le germe de la disparition de la nation (cet argument a été avancé par les partisans de l'avortement quand les femmes du Nord de la France ont été violées par les soldats allemands en 1914).
Finalement la foule rejoue un combat dont elle a été absente, sans faire couler de sang… mais au prix de combien de souffrances.
La victoire ne serait pas complète si, en même temps que le territoire, il n'y avait pas reprise en main du corps de la femme, reprise en main de sa sexualité.
N.B. Dans son livre Les femmes, actrices de l'histoire. France, 1789-1945 (Paris, Sedes, Collection Campus, 1999), Yannick Ripa fait un commentaire de la photographie de Robert Capa, « La tondue de Chartres », pp. 169-172.