• «Le général Leclerc était en avance sur son temps»

     

     

    On célèbre cette semaine le soixante-neuvième anniversaire de la libération de Paris. La capitale, occupée durant quatre années, fut débarrassée de l’envahisseur allemand durant la semaine du 19 au 25 août 1944.

      

    Cette date est également l’occasion de mettre un coup de projecteur sur un grand monsieur de l’armée française, le général Leclerc, symbole de cette libération. La directrice du Musée du général Leclerc de Hautecloque et de la libération de Paris-Musée Jean Moulin, Christine Levisse-Touzé, revient sur le rôle qu’il a tenu dans cette lutte.

     

     

     

     

    JOL Press : La libération de paris, une victoire du général Leclerc ?

    Christine Levisse-Touzé : C’est une victoire militaire et politique, mais pas que du général bien sûr. D’abord, c’est le rétablissement d’une souveraineté nationale. La reconnaissance à Paris du chef du gouvernement provisoire, le général de Gaulle. Pour le général Leclerc, sous le commandement américain pour la mission, c’est une réussite puisque de Gaulle l’avait mis au fait de cette libération de Paris depuis décembre 1943.

    Et puis il y a aussi les forces intérieures, la résistance, sous la houlette du colonel Rol-Tanguy. La libération de Paris c’est tout cela. Une insurrection plus organisée et contrôlée qu’on a pu le dire, et une libération réussie, le général Leclerc remplissant sa mission, à l’impact politique et militaire. A 17h, à la gare Montparnasse, il peut remettre au général de Gaulle la capitale après que le général von Choltitz se soit rendu. De Gaulle, intact, peut prendre le pouvoir du gouvernement provisoire.

     

     

    JOL Press : Pourquoi avoir choisi le général Leclerc pour mener cette reconquête de la capitale ?

    Christine Levisse-Touzé : C’est un Français libre de la première heure. Il devient Leclerc en juillet 1940, après être monté à la rencontre de De Gaulle à Londres. Il avait déjà mené avec succès des opérations d’importance, notamment en ralliant le Cameroun, le Tchad ou encore le Congo à la France libre. Il y a aussi la campagne militaire dans le Fezzan, puis celle en Tunisie. Et puis la mise en place de la division Leclerc, réunissant des hommes et des femmes d’horizons multiples. Il y avait vingt-deux nationalités différentes dans la 2e division blindée qu’il commandait, dont 3603 soldats d’Afrique du Nord.

     

     

     

    Donc une diversité extraordinaire, dont il a su faire un outil de première importance, sa division trouvant une unité au combat en Normandie. Dès décembre 1943, de Gaulle avait donné cette mission au général Leclerc, car il savait que c’était un fin technicien, avec un sens de l’audace hors-norme, l’homme des missions dangereuses. C’était quelqu’un de sûr et de Gaulle savait que Leclerc avait ses qualités lui permettant d’improviser au cas où. Ce que les faits montrent, puisque les Américains s’étaient engagés en décembre 1943 à ce que ce soit une division française qui libère la capitale.

    Or, en août 1944, les choses sont différentes, les Américains veulent contourner la capitale car cela poserait des problèmes de ravitaillement (trois mille tonnes de vivres par jour en plus pour la population parisienne) et ils craignent de perdre du temps, l’objectif politique leur important peu. Leclerc force alors un peu le cours des choses, car après la bataille de Normandie, il demande à faire des reconnaissances des troupes allemandes aux portes de Paris, en dépit des ordres militaires américains. Le 20 août, le général de Gaulle intervient auprès d’Eisenhower pour que la division Leclerc fonce sur Paris. Dans le même temps, les forces françaises de l’intérieur étaient à court de munitions et une intervention des Alliés devait se faire rapidement.

     

    JOL Press : Comment se passe la capitulation des Allemands ?

    Christine Levisse-Touzé : Les combats dans paris ne sont pas des parties de plaisir. Cette bataille se joue surtout dans la grande banlieue, avec des attaques sur plusieurs axes. Il y a eu des accrochages forts à l’Ouest de paris. La division arrive aux aurores sur la capitale, le général installe son poste de commandement à Montparnasse, dans la gare, parce que les communications y sont possibles, il n’y a pas d’Allemands et de ce point-là il peut diriger les opérations. Les différents groupements tactiques doivent prendre Paris en tenaille, depuis le Sud, l’Ouest, avec un point de jonction en face de la Concorde pour la reddition des troupes allemandes.

    Les points de combats et d’accrochages durs dans Paris sont là où les Allemands se sont retranchés : le Majestic, avenue Kléber, l’Hôtel de la Marine, le Meurice, la Caserne de la république, le Sénat, l’Ecole Militaire, etc. Tous ces points ont vu de durs affrontements. Il ne faut pas sous-estimer l’aide de la 4e division d’infanterie américaine, qui aide aux opérations de nettoyage de Paris. Nous disposons de documents qui montrent des chars de cette 4e division Boulevard Ménilmontant, des soldats devant la mairie du XXe arrondissement à Gambetta.

     

     

    JOL Press : Dès lors, Leclerc ne s’arrête pas là et s’en va poursuivre le combat…

    Christine Levisse-Touzé : Il ne faut pas se tromper d’objectif : le général Leclerc est sous les ordres de de Gaulle, il avait une mission politique, la libération de la capitale, ce qui n’est pas rien, la libération de Paris c’est l’enjeu du pouvoir, la reconnaissance de facto du gouvernement provisoire d’Alger que préside de Gaulle. Il obéit, il réussit, mais la libération de Paris ne signifie pas la fin de la guerre. Et ça il ne faut pas l’oublier, il faut poursuivre le combat.

    Le 30 août, au Nord de paris, Leclerc doit repousser la contre-attaque allemande, et je vous rappelle que le soir du défilé du 26 août 1944, il y a un bombardement sévère des Allemand à l’Est de Paris. La guerre continue. Il doit compléter ses effectifs, car il y a tout de même eu 156 morts dans ses rangs, puis poursuit sa mission de libération, en Lorraine, en Alsace. Je vous rappelle que la prise de Strasbourg est également un temps-fort et doit honorer le serment de Koufra. Et puis après les combats se continuent, notamment en janvier 1945 dans la poche de Colmar, avant la ruée finale vers l’Allemagne.

     

    JOL Press : Quels étaient les rapports entre de Gaulle et Leclerc ?

    Christine Levisse-Touzé : Des rapports de subordonnés, Leclerc, aux supérieurs, de Gaulle. En même temps le général Leclerc a un fort tempérament, il y a pu avoir des accrochages,

    mais Leclerc est un fidèle de De Gaulle !!

     

    et il ne déroge jamais de sa mission et de son sens patriotique, et donc du général de Gaulle, car c’est la personnalité qui incarne le combat pour la libération.

     

    JOL Press : L’histoire accorde-t-elle assez d’importance au général Leclerc ?

    Christine Levisse-Touzé : Non pas les livres d’histoire à l’heure actuelle. Pas plus qu’un Moulin également. Les livres d’histoire sont squelettiques, je crois qu’ils ne sont pas là pour former les citoyens et je trouve ça regrettable.

     

     

    JOL Press : Quel aurait été le rôle du général Leclerc s’il n’était pas mort aussi rapidement ?

    Christine Levisse-Touzé : Je suis historienne, directeur de recherche à Paris IV, je ne fais pas de simulation historique, seulement mon métier. Je suis fondamentalement historienne, je n’aime pas l’histoire-fiction. Il meurt d’un accident d’avion en 1947. Leclerc avait montré toute sa dimension militaire et politique durant la Seconde Guerre Mondiale. Il avait pris conscience aussi d’un phénomène nouveau et qui n’allait plus quitter la scène internationale : le fait colonial. Cette guerre fut un tournant et il savait que rien ne serait comme avant. Il était conscient de l’évolution de son temps et de l’évolution des territoires de l’empire, des bouleversements engendrés par cette Seconde Guerre Mondiale.

    Le seul souhait qu’il n’a pas plus accomplir, c’est cette demande au général de Gaulle d’être nommé résident général au Maroc, mais de Gaulle a préféré le nommer dans le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient. Donc quand il est inspecteur des forces armées en Afrique du Nord un an plus tard, c’est sans doute là un de ses vœux qui se réalise, mais en même temps, à la lecture de ses écrits, on voit aussi quelqu’un de profondément meurtri des divisions d’après-guerre, de cette évolution et peut-être d’être en avance sur son temps.

     

    JOL Press : Pour conclure, parlez-nous de l’action de votre musée.

    Christine Levisse-Touzé : Notre musée s’appelle Musée du général Leclerc de Hautecloque et de la libération de Paris-Musée Jean Moulin de la ville de Pairs. On a une donation du fond historique de la fondation maréchal Leclerc et un legs d’une amie de Jean Moulin, renforcé depuis par un legs de la famille de Jean Moulin. Il est situé au-dessus de la gare Montparnasse, face au Jardin Atlantique.

    Nous avons des collections très riches et un centre de documentation et de recherche ouvert du lundi au vendredi, tandis que le musée est ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 10h à 18h. Il y a actuellement une très belle exposition sur « Redécouvrir Jean Moulin », jusqu’à la fin de l’année. Et pour 2014, une grande exposition à l’Hôtel de Ville sur la libération de Paris est prévue, pour donner tout le charme nécessaire au 70e anniversaire.

    >> Propos recueillis par Nicolas Conter pour JOL Press

     

     

    SOURCES

    http://www.jolpress.com/christine-levisse-touze-

    general-leclerc-liberation-paris-1944-article-821354.html

      

      

      

      

     

     

     

     

     

     

     

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