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    Paris sous l’Occupation

    Rue de Rivoli.

    Rue de Rivoli. Photographie André Zucca. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    L’arrivée des Allemands

     

    Aux aurores du 14 juin 1940, deux camions chargés de soldats allemands et quelques motocyclettes entrent par la Porte de la Villette dans Paris, déclaré “ville ouverte”.

     

    À 5 h 35, des troupes vert-de-gris sont aperçues descendant l’avenue de Flandre en direction des gares du Nord et de l’Est. Une heure plus tard, les Allemands sont aux Invalides.

     

    À 7 h 30, place de la Concorde, le général von Stunitz descend de voiture et s’engouffre dans l’Hôtel de Crillon. C’est le nouveau commandant militaire de la région parisienne.

    Dans la matinée, un drapeau géant à croix gammée flotte sous l’Arc-de-Triomphe (il sera retiré dans la soirée, après protestation des conseillers municipaux), le premier défilé des troupes occupantes a lieu sur les Champs-Élysées. La capitale est saisie de stupeur. 

     

    “L’agonie de Paris se passa dans le calme… Il n’y eut aucune tentative de réaction de la population civile. Il n’y eut rien du tout. Il y eut apathie. La population parisienne, au moins ce qu’il en restait, fit montre d’une indifférence totale” , témoigne le Colonel Groussard

     

     Indifférence pas si totale puisque le Colonel ajoute : 

     

    “À Belleville, comme à Pigalle, à Ménilmontant comme aux Champs-Élysées, les officiers et hommes de troupe allemands étaient sans cesse accostés et partout par des badauds appartenant à toutes les classes de la société, qui riaient avec l’ennemi et lui offraient leurs services à propos de n’importe quoi”.

    Relève de la garde.

    Relève de la garde. Photographie André Zucca, 1941. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    Si certains applaudissent et rient, d’autres, pris d’un sentiment d’horreur, ne cachent pas leurs larmes. “Le 14 juin, ils étaient bien là. Je me reverrai, jusqu’à mon dernier jour, seule sur le trottoir du boulevard Haussmann, à 8 heures du matin, me rendant à mon bureau. Ils défilaient impeccables, regardant droit devant eux, ignorant tout ; à midi, ils défilaient, le soir, ils défilaient, le lendemain, le surlendemain, ils défilaient ! Avec horreur, nous les regardions.” témoigne Violette Wassem .

     

    Une autre, anonyme, “Je me suis effondrée sur un banc en pleurant. Une commère, l’air fermé, impassible, m’a dit : Ne pleurez pas tant, ma petite dame. Ça leur ferait trop plaisir” .

    Un ouvrier métallurgiste raconte l’enthousiasme débordant d’une spectatrice :

    J’étais à Paris le 14 juin. Ce que j’en pense ? Pourrai jamais oublier. J’ai pris mon vélo, histoire de faire un tour. J’ai fait tout le 8e, le 6e, le centre, le 9e et le 10e, et un peu de banlieue. Alors, voilà : dans les quartiers riches, rien, pas un chat ; toutes les fenêtres bouclées, le 16e surtout. Dans les quartiers populaires, du monde…

     

    À midi, on fraternisait avec les Fridolins.

     

    Y en avait même qui allait un peu fort. Rue Lafayette, pendant le défilé, une grosse bonne femme pouvait pas tenir en place.

    Elle arrêtait pas :

     

    « Oh ! Qu’y sont beaux ! Et ces chevaux ! Ah ! ils avaient pas mangé depuis dix ans, voyez-moi ça ces beaux hommes ! Et ces canons !

    Et ces motos ! Ah ! ils avaient pas d’essence ? Et pas de matériel ?

    On s’est foutu de nous !

    À la fin, je voyais qu’elle allait applaudir. J’ai été obligé de lui dire :

     

    Dites donc, la petite mère, Tenez-vous un peu ! Y a des gars qui sont morts…

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    Pour beaucoup, pour le “petit peuple” de Paris, c’est l’expression de la rancœur à l’égard d’un gouvernement en débandade qui les a laissés à l’abandon, et du dépit d’avoir été trompés.

     

    Trompés par la propagande française qui, pendant des mois, avait fait passer le message que l’armée allemande manquait de tout, d’essence comme de nourriture, de vêtements comme de munitions, et qu’il n’y avait donc rien à craindre d’hommes nourris au “pâté de harengs sans harengs” et à “l’omelette sans œufs”.

    Ébahi, le Parisien découvre ce 14 juin l’ampleur du mensonge.

     

    Ce ne sont pas de pauvres hères, amaigris et vêtus de loques comme ils s’y attendaient, mais des soldats propres et bien rasés, manifestement bien portants, impeccablement habillés, qui défilent en bon ordre devant leurs yeux.

     

    Des femmes vont jusqu’à toucher les vareuses feldgrau pour s’en convaincre :

     

     “C’est de la vraie laine !” 

     

    Et de plus, ce ne sont pas des barbares :

     

    Ils sont polis. Ils demandent les choses et les paient en marks. Personne ne sait ce que vaut le mark ; aussi leur donne-t-on tout pour rien, mais ils sont polis !”.

     

    Le sentiment qui semble prédominer est une curiosité sans haine, mêlée d’appréhension. 

     

    “On voudrait bien leur parler, savoir d’où ils viennent, dans quel état se trouve l’armée française.

    1940's:

    On ose pas : on tourne autour des autos, on feint de s’intéresser au matériel” 

     

     

    Un journaliste américain note : 

     

    “Je remarque une certaine fraternisation entre les soldats allemands et la population…

    Les troupes allemandes se comportent en touristes naïfs, causant aux Parisiens une agréable surprise” 

     

     

    Rapidement, avec une efficacité que l’on pourra qualifier de toute germanique, l’administration d’occupation se met en place.

     

    Ses objectifs sont clairs : 

     

    “Le régime national-socialiste répondant le mieux aux besoins réels et aux aspirations intellectuelles de l’Européen moderne, il faut inculquer aux peuples vaincus la croyance de la supériorité de ce régime, tout en les détournant de leurs propres gouvernements, coupables de l’avoir combattu.

     

    Ce résultat doit être obtenu par tous les moyens : persuasion, coercition, corruption, etc.”explique Gérard Walter .

     

    La première préoccupation de l’administration allemande fut le rapatriement de ceux qui avaient fui Paris. Un rapide recensement est réalisé le 7 juillet, on compte 1 051 306 habitants (contre 2 879 746 en 1936) dont seulement 160 000 dans les quartiers dits “bourgeois”, 1er, 2e, 6e, 7e, 8e, 9e et 16e arrondissements.

     

     

     

    La psychose collective et l’exode furent principalement une affaire de gens aisés.????

     

    Si Belleville et Ménilmontant vivent comme avant, le 16e est un désert urbain.

     

     

     

    Tout revient vite à la normale, les quelques commerces qui avaient baissé le rideau ouvrent à nouveau, l’animation habituelle renaît dans les rues, des trains spéciaux commencent à ramener les habitants partis. Il est a noter qu’il n’y a eu aucune interruption des services publics (eau, gaz, électricité, métro) et que les grands magasins, comme les maisons de passe, demeurèrent ouverts, y compris le 14 juin.

    Le dimanche 23 juin, second dimanche d’occupation, est ensoleillé.

     

    Les terrasses des cafés sont combles, la foule arpente les grandes artères, comme à son habitude.

    La principale différence visible est le faible nombre de véhicules motorisés (sans compter les drapeaux à croix gammée qui ont remplacé les tricolores sur les édifices officiels, et les soldats allemands qui profitent aussi de la promenade dominicale).

     

     

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    La propagande

     

    C’est le lendemain que le PresseGruppe de la Propaganda-Staffel se met en fonction, il s’agit de “régénérer l’esprit public à Paris”.

     

    Des journaux sont créés par cet organisme pour diffuser la vérité allemande, pour convertir les âmes aux bienfaits du national-socialisme.

     

    Apparaissent ainsi le quotidien La France au Travail, l’hebdomadaire littéraire La Gerbe, et l’infâme Au Pilori, journal violemment antisémite voulu par Joseph Goebbels, sur le modèle du Stürmer.

     

     

    1940s girls.:  

    Par ailleurs, à l’instigation de l’attaché de presse de l’état-major de la Xe armée, deux titres pré-existants ont déjà redémarré, comme Le Matin, le 17 juin, et Paris-Soir, le 22 juin, dans les locaux abandonnés par sa rédaction (Pierre Lazareff).

     

     

     

    D’autres journaux seront créés à l’initiative d’entrepreneurs privés, avec l’aval du PresseGruppe, commeAujourd’hui, le Cri du peupleLes Nouveaux Temps.

     

    Malgré des demandes soumises à la Propaganda-Staffel, des titres sont interdits de reparution. Pour paraître, ou reparaître, outre sa volonté de collaboration active avec les autorités d’occupation, un journal doit faire ses preuves de “pureté raciale”, aucun juif ou capital d’origine juive ne peut y participer.

    Des journaux qui avaient fait le choix de l’exode (à vrai dire imposé le 10 juin par les autorités françaises) rentrent au bercail, L’Illustration en août, L’Œuvre en septembre, Le Petit Parisien en novembre.

     

     

    En juillet-août 1940, beaucoup de “fuyards” sont déjà revenus, les quartiers bourgeois retrouvent un semblant d’activité.

     

    La Propaganda-Staffel s’active à faire redémarrer les cinémas, cabarets, boîtes de nuit, music-halls et théâtres. Paris doit garder son statut de “Ville lumière ”, et pour le plaisir des troupes, femmes dénudées, plumes et strass, doivent retrouver illico les feux de la rampe.

     

    Le haut commandement allemand a en effet décidé que Paris serait le lieu de détente privilégié pour les soldats permissionnaires.

    Musique militaire, place de la République.

    Musique militaire, place de la République. Photographie André Zucca, c. 1943. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    Les services de la Wehrmacht sont même convoqués à participer à l’animation artistique de la capitale : des concerts de musique militaire et de classiques allemands (Beethoven, Wagner…) sont régulièrement donnés par des ensembles musicaux de l’armée, place de l’Opéra, au Jardin des Tuileries, sur le parvis de Notre-Dame, place de la République, etc. Ils attirent un public nombreux.

     

     

     

    S’il est possible de se divertir — le “Paris bei Nacht” ne désemplit pas (il faut préciser qu’il faut attendre la fin du couvre-feu pour pouvoir sortir du cabaret ou du “night-club”…) et les théâtres et cinémas affichent complet tous les soirs — les Parisiens découvrent chaque jour de nouveaux tracas de la vie quotidienne.

    Moulin rouge et brasserie Dupont-Cyrano, place Blanche.

    Moulin rouge et brasserie Dupont-Cyrano, place Blanche. Photographie André Zucca, 1942. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    Les tracas des Parisiens

     

     

    Le premier sujet d’embarras sera les transports.

     

    Le service d’autobus ayant été supprimé, voitures particulières et taxis ayant disparus en raison des rationnements de carburant, le métro est bondé.

     

     

    Et le couvre-feu étant à minuit, il ne faut pas rater le dernier métro qui part à 23 heures du terminus, au risque de devoir passer la nuit dans un commissariat ou… un cabaret. [La situation du métro s’agravera le 11 janvier 1943

    avec la fermeture de 30 stations, par économie.]

     

     

    Vélo taxi.

    Vélo taxi. Photographie André Zucca, c. 1942. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    Pour suppléer à ce problème, on verra apparaître tout au long de la guerre, une infinie variété de nouveaux moyens de transport.

     

    Pour remplacer les taxis, les fiacres à cheval du début du siècle sont remis en service. Ils sont sévèrement concurrencés par les vélos-taxis, bien moins chers, qui rencontrent un grand succès. Pour remplacer l’automobile, la bicyclette se fait reine, toute la ville pédale.

     

    Quelques bus équipés au gaz, camions et voitures équipés au gazogène, feront peu à peu leur apparition sur les pavés parisiens.

     

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    Le second sujet de tracas, le chauffage, apparaîtra avec l’arrivée de l’hiver, et le premier de la guerre fut rigoureux. Le charbon est sévèrement rationné dès janvier 1941.

     

    Si les établissements publics sont livrés, les particuliers ont toutes les peines du monde à en obtenir en quantité suffisante. Trois types de cartes de rationnement existent : 

     

    “carte rouge : prioritaire, pour les foyers ne disposant pas de gaz ou électricité pour cuisiner ;

     

    violette : prioritaire, réservée aux foyers sans gaz ou électricité et ayant des enfants de moins de 6 ans ou des vieillards de plus de 70 ans ;

     

    jaune : attribuée à tous les foyers, mais ne pouvant servir que s’il restait un tonnage de charbon disponible après avoir servi les foyers titulaires de cartes rouges et violettes.” 

     

    Autant dire qu’il valait mieux ne pas avoir une carte jaune…

     

     

    Cabaret Le Lapin Agile, rue des saules.

    Cabaret Le Lapin Agile, rue des saules. Photographie André Zucca, février 1942. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    Enfin, le dernier casse-tête, et non le moindre, est la queue.

     

    Tout ou presque devient rationné et le pays, ponctionné par son “soutien obligé” à l’effort de guerre allemand, s’engage dans une économie de pénurie. Les années passant, chaque rationnement deviendra plus dur.

     

    Des produits sont tout simplement interdits, comme le café.

    Ce à quoi il faut ajouter la très méchante gestion du rationnement par les administrations françaises…

     

    Cette pitoyable gestion fait penser à certains que, par “acte de résistance”, les fonctionnaires français s’ingénient à pourrir la vie de leurs concitoyens afin d’entretenir un ressentiment à l’égard de l’occupant.

     

    D’autres n’y verront que l’exercice libéré d’une inclination naturelle du fonctionnaire à rendre tout compliqué, même la chose la plus simple.

     

    Ainsi, à titre d’exemple, un ouvrier mécanicien, faisant un métier salissant, avait le droit à 250 grammes de savon supplémentaires. Le journal Les Nouveaux Temps rapporte le 3 mai 1941 les avanies subies pour les obtenir :

    1. Se présenter à la mairie pour obtenir, après attente, la délivrance d’un imprimé spécial.

    2. Une fois muni de cet imprimé, se présenter à la Chambre des Métiers, quai de Jemmapes.

    3. À la Chambre des Métiers, s’entendre réclamer :
    a) la feuille d’immatriculation au registre des métiers ;
    b) les reçus du percepteur justifiant le paiement en 1939 et en 1940 de la taxe pour frais de ladite chambre ;
    c) un certificat d’inscription à titre personnel à une caisse de compensation.

    4. Se procurer les trois pièces ci-dessus mentionnées.

    5. Retourner à la mairie.

    Et, au bout de deux mois, tout est à recommencer, parce qu’il faut bien s’assurer que notre ouvrier mécanicien n’ait pas changé de métier…

     

     

    Le ressentiment des Parisiens se porte contre les petits commerçants, épiciers, bouchers et les fameux BOF (beurre, œufs, fromage), accusés, souvent à raison, de profiter de la situation, d’organiser des pénuries, de frauder sur la qualité des produits et d’alimenter le marché noir. “Qu’est que vous feriez après la guerre, quand la prospérité sera revenue ?

     

    — Moi, répondit-elle, je mettrai le feu chez mon épicier” 

     

    “Tous les soirs quand je rentre chez moi, je suis tenté d’aller casser la figure de mon épicier et de ma crémière. Je n’exagère pas.

     

    La muflerie, l’imbécillité du commerçant deviennent quelque chose de sensationnel.” ajoute un modeste employé 

    Il fut un temps où l’on disait que le Français avait peur de sa concierge.

     

    Maintenant, c’est sa marchande de pommes de terre qu’il craint.

     

    Si, des fois, elle vous coupait les vivres ! Alors, il se fait très petit, très aimable, humble presque. Il ne lui viendrait pas à l’idée de rouspéter parce qu’il lui a semblé qu’il n’avait pas son poids ou bien parce que ses carottes étaient abîmées. D’ailleurs, ce se serait vite fait :

     

    — Vous n’êtes pas content ? Bon, au suivant.

    La Princesse du Navet a le geste noble. Il faut la voir jongler avec ses légumes et d’un geste dictatorial flanquer la ration dans les bras du client.

    Et sans papier, encore.

    Il est préférable de ne pas trop se bousculer en faisant la queue.

    — Alors quoi ! Silence dans les rangs, ou j’arrête de servir.

    Silence immédiat. On ne contrarie pas une marchande de légumes, par le temps qui court. [8]

    Le ravitaillement deviendra l’obsession numéro un du Parisien. Une économie “souterraine” va très rapidement se mettre en place pour répondre aux fortes attentes, avec toute la force du génie français tel qu’on le connaît.

     

    Là, plus qu’ailleurs, le “système D” va faire ses preuves de créativité.

     

    Que vous ayez besoin de tabac ou d’un nouveau costume, inutile d’attendre du marché officiel.

    L’un des problèmes qui alimentent la pénurie est que les prix ont été bloqués par les autorités allemandes dès le 14 juin 1940.

     

    Beaucoup de commerçants, espérant un plus juste bénéfice, vont ainsi créer un marché parallèle, un marché de fond de boutique.

     

    Ce n’est pas que le produit manque, c’est qu’ils ne veulent pas le vendre proche de la perte. Mais, au-delà des commerçants soucieux de préserver leurs marges, c’est quasi toute la population qui va s’engager avec frénésie dans la fièvre du commerce, les petits trafics, les combines…

     

    Chacun s’improvise une activité secondaire, jusqu’à l’écolier qui fera contrebande de plumesSergent-Major. Le troc va également connaître un renouveau spectaculaire.

     

    Ainsi, les cours d’école se transforment en bourses d’échanges très actives, biscuit vitaminé contre chocolat, crayons contre savon, etc.

     

     

    Ce qu’on appelle le “marché noir” n’est pas l’affaire exclusive de quelques trafiquants mafieux, c’est toute la société qui y participe. Même si les “bas-fonds” ne sont pas sans s’intéresser au nouveau marché. Certains vont effectuer des reconversions “professionnelles”… pour un maquereau, le savon et le bas de soie rapportent bien plus que son “entreprise” faisant les cent pas sur le trottoir.

     

    Et, il n’est pas impossible de concilier les deux activités…

    Et ne parlons pas des fausses cartes de rationnement qui deviennent presque monnaie courante… Ainsi, la vie s’organise…

     

    Et les policiers, qui sont également dans le système, ont tendance à fermer les yeux. Allez-vous arrêter la jeune fille qui vous fournit en savonnettes sans ticket à 10 francs ?

     

    La loi vous l’imposerait, mais votre hygiène s’y refuse. Au pire, et si vous étiez un policier vraiment très malfaisant, vous l’obligeriez juste de vous nettoyer une certaine partie de votre anatomie avec les moyens que la nature offre.

    Kommandantur, place de l’Opéra.

    Kommandantur, place de l’Opéra. Photographie André Zucca. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    Révélateur d’une société, un triste phénomène va connaître son âge d’or : la délation, généralement anonyme. Un nombre appréciable de Parisiens va être pris de fièvre épistolaire, les journaux, administrations et autorités d’occupation en reçoivent des sacs entiers, où il est bien difficile de séparer le bon grain de l’ivraie (on y renonce souvent d’ailleurs). La presse de la collaboration va jusqu’à s’en plaindre, c’est dire…

     

    Et sans aller jusqu’à la dénonciation, une menace prisée par les plus vils éléments est 

     

    “J’irai le dire à la Kommandantur”.

     

    À la Kommandantur, ce genre de dénonciations abusives, pour des motifs souvent futiles, provoque plus le dégoût à l’égard du peuple français qu’autre chose.

    Activité, heureusement plus généralisée, est l’écoute de la radio anglaise.

     

    Car, chacun sait “Radio Paris ment, Radio Paris est allemand”.

     

    Cela n’a rien de secret, même le rédacteur en chef du journal La Gerbe, créé par laPropaganda-Staffel, en parle :

    — La radio anglaise !

    Tout le monde aussitôt se tait. Nous sommes dix à table, mais toutes les conversations s’arrêtent. Seul un jeune homme qui n’a pas entendu continue à parler, penché vers sa voisine. Le maître de la maison qui s’est levé pour tourner les boutons de son poste le rappelle fermement à l’ordre.

    — Voyons, mon cher, c’est l’heure de la radio anglaise.

    Le jeune homme rougit, baisse le nez dans son assiette. Plus un bruit. Le maître d’hôtel se tient au garde-à-vous. Tournés tous vers le cadran lumineux de l’appareil, nous attendons la voix de Londres.

    Je regarde les convives autour de moi. Tous, l’an passé, se sont enfuis. Concours de vitesse et concours d’égoïsmes…

     

    Mais aujourd’hui il n’y a pas plus braves que mes compagnons. Bien attablés, sirotant leur calvados, digérant un excellent gigot du marché noir, ils n’ont plus peur de rien : ils sont des héros, pensez donc, ils écoutent Londres ! 

     

    La “question juive”

     

    Comme bien ailleurs en Europe, l’un des épisodes les plus douloureux de l’Occupation à Paris fut la déportation des Juifs vers les camps de concentration et d’extermination, et ce, avec la participation des autorités françaises.

     

     

     

    16-17 juillet 1942, rafle du Vel'd'Hiv :

    13152 juifs dont 4115 enfants conduits à l'abattoir.

    Moins de 100 survécurent.

    16-17 juillet 1942, rafle du Vel'd'Hiv : 13152 juifs dont 4115 enfants conduits à l'abattoir. Moins de 100 survécurent.  

    Pour la Propaganda-Staffel, la première étape est de faire croire à la population que les mesures anti-juives ne sont pas l’initiative des Allemands, mais le résultat du souhait “légitime” des populations locales, mues par un profond ressentiment à l’égard des Juifs.

     

     

     

     

     

    Les premières opérations furent donc l’organisation de manifestations antisémites “spontanées”.

    Afin de pouvoir ensuite dire “peuple français, nous vous avons entendus et compris, vous ne voulez plus des Juifs sur votre territoire, nous allons vous y aider”…

     

    Buses used in Paris during the roundup of Vel'd'Hiv, 16 and 17 July 1942, stationed along the Velodrome d'Hiver. This is the only picture found in the press archive, and it was forbidden its publication in July 1942.:

    Le journal Au pilori (créé par le PresseGruppe), reçoit la mission de recruter des jeunes Français pour ces manifestations.

     

    C’est ainsi que naquirent deux formations d’action, sous le haut patronage

    du Parti Français National Collectiviste, le Jeune Front — sous la direction de Robert Hersant —

    pour les jeunes de 16 à 20 ans, et la Garde Française pour les 21 ans et plus.

     

    La première mission de ces jeunes Français collaborateurs fut de distribuer des tracts antisémites, notamment aux entrées de magasins tenus par des Juifs, dès juillet 1940.

     

    Le 3 août, une vitrine de boutique est brisée, le 7 août, des vendeurs du Pilori pénètrent dans des commerces et renversent des comptoirs.

     

    La première action d’envergure aura lieu le 20 août 1940.

    Pendant deux heures, en plein jour, un groupe de jeunes gens va briser très méthodiquement les vitrines de tous les magasins supposés juifs de l’avenue des Champs-Élysées, en y lançant des briques.

    Ils iront ensuite célébrer leur forfait au siège du Jeune Front, au n°36 de l’avenue.

     

    paris-occupation-05.jpg

     

     

    Siège du “Jeune Front”, 36 avenue des Champs-Élysées. © LAPI / Roger-Viollet, 1940.

    Thomas Kernan, citoyen américain, éditeur du Vogue français et représentant des éditions Condé-Nast en Europe, assiste à la scène  :

     

     

     

     

    J’étais debout par hasard au balcon de mon bureau sur les Champs-Élysées, causant avec un de mes collègues, lorsque nous entendîmes des cris du côté de l’Étoile.

     

    Un roadster  jaune descendait l’avenue presque déserte… un jeune homme revêtu d’une manière d’uniforme était debout dans le tonneau et hurlait :

     

    « À bas les Juifs ! »

     

    Il laissa comme un sillage de verre brisé derrière lui, car à mesure que l’auto passait devant chaque magasin de confection des Champs-Élysées, un jeune homme en uniforme posté à chaque endroit lançait une brique enveloppée de journaux dans la vitrine.

     

    Devant mes yeux étonnés, les grandes vitrines de Cedric, de Vanina, d’Annabel, de Brunswick, de Marie-Louise, de Toutmain, — il y avait là pour un million de francs de glaces, — tombèrent en éclats sur le trottoir. La plupart, sinon tous ces établissements appartenaient à des Juifs, et avaient été rouverts par leurs fidèles employées françaises, qui se tenaient dans les allées en tremblant et en pleurant.

     

    Leur mission terminée, les jeunes gens en uniforme déambulèrent sur l’avenue jusqu’au numéro 36, au quartier général du Jeune Front, et se penchèrent aux fenêtres en riant et en ricanant face à la foule indignée qui s’était attroupée.

     

     

    Je vis un officier allemand sortir de l’Hôtel Claridge [74, avenue des Champs-Élysées] qui venait d’être transformé en bureaux pour les siens, au moment où une brique fracassait la vitrine voisine.

     

    Cet officier mit la main au collet du vandale, mais celui-ci tira une carte de sa poche.

     

    J’ignore la nature de cette carte, mais je vis l’officier y jeter un coup d’œil, puis se hâter de relâcher son prisonnier.

     

     

     

     

    Après deux mois de propagande et d’agitation antisémite,

     

    ce fut le début d’une série d’ordonnances discriminatoires et spoliatrices.

     

    Les Juifs doivent se faire enregistrer auprès des services de police et les commerces doivent afficher l’inscription “entreprise juive” (ordonnance du 27 septembre). Les Juifs doivent avoir une carte d’identité tamponnée “Juif” (7 octobre).

     

    On recense les “entreprises juives” en vue de leur passage sous le contrôle d’administrateurs “aryens” (ordonnance du 18 octobre).

     

    Les biens juifs réputés abandonnés sont mis sous séquestre. Etc.

     

     

    L’internement de Juifs en camps de détention débuta à Paris en mai 1941.

     

    Grâce à l’enregistrement des Juifs de septembre-octobre 1940, on connaissait leur nombre et leur localisation pour au moins 90 % d’entre eux (149 734 personnes dans le département de la Seine,

    enregistrées dans le fichier “Tulard”

     

    La cible fut d’abord les Juifs n’ayant pas la nationalité française (64 070 recensés dans la Seine), plus tard viendront les nés en France de parents étrangers et les naturalisés.

     

     

    Le 14 mai 1941, environ 3 700 hommes (allemands, tchèques et polonais) se rendirent d’eux-mêmes dans plusieurs centres parisiens (gymnase Japy, caserne des Minimes, rue de la Grange-aux-Belles, rue Édouard Pailleron), suite à la réception par voie postale de convocations pour “examen de situation”.

     

    Il s’agissait d’un piège qui se transforma en arrestation immédiate par la police française. Ces hommes furent acheminés vers les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, dans le Loiret, où ils resteront plusieurs mois, jusqu’aux premières déportations de 1942.

     

     

    La presse parisienne se félicite de cette action (tout en exagérant le nombre) : 

     

    “Cinq mille Juifs sont partis, cinq mille Juifs étrangers ont couché leur première nuit dans un camp de concentration. Cinq mille parasites de moins dans le grand Paris qui en avait contracté une maladie mortelle.

     

    La première ponction est faite, d’autres suivront”

     

    . Dans le grand public, cette opération passe relativement inaperçue et ne suscite aucun émoi particulier, ce sont des étrangers, souvent des réfugiés de fraîche date…

    Paris 1941 ~ Pierre Laval ~ (28 June 1883 – 15 October 1945) was a French politician. Following France's surrender & Armistice with Germany in 1940, he served twice in the Vichy Regime as head of government. He signed orders permitting the deportation of foreign Jews from French soil to the Nazi death camps.  After Liberation (1945), he was arrested by the French government under General de Gaulle, found guilty of high treason, & executed by firing squad.:  

     

    Paris 1941 ~ Pierre Laval ~ (28 June 1883

    – 15 October 1945) was a French politician. Following France's surrender & Armistice with Germany in 1940, he served twice in the Vichy Regime as head of government. He signed orders permitting the deportation of foreign Jews from French soil to the Nazi death camps. After Liberation (1945), he was arrested by the French government under General de Gaulle, found guilty of high treason, & executed by firing squad.


     

    Une première rafle aura lieu les 20 et 21 août 1941, le prétexte est une 

    “opération menée en représailles à l’agitation communiste”.

     

    4 232 hommes de nationalité étrangère, sont arrêtés par la police française

    (encadrée cette fois-ci par des Allemands), principalement dans 11e arrondissement.

    Ils sont envoyés dans le tout nouveau camp d’internement de Drancy.

     

     

    Le 6 septembre 1941, l’infâme exposition antisémite “Le Juif et la France” est inaugurée au Palais Berlitz, boulevard des Italiens.

     

     

     Le Rafle (The Round Up) Early in the morning of July 16, 1942, the French police arrested over 13,000 Jews including 4,000 children and detained them at the Vélodrome. Kept under horrendous, unsanitary conditions for days, they were then shipped to the transit camp at Drancy and on to Auschwitz. Almost all of them died.... About 76,000 Jews were deported from France between 1940 and 1944. Only 2,500 are believed to have survived the death and concentration camps.:

    C’est une “création” française…

     

     

    Une seconde rafle, plus modeste mais plus “visible”,

    vise 743 hommes le 12 décembre 1941, dans le milieu des notables et des intellectuels, et pour la première fois, essentiellement de nationalité française.

    Celle-ci est organisée directement par les Allemands en 

     

    “représailles à une série d’attentats anti-allemands”, avec l’assistance de la police française.

     

     

    Les prisonniers partiront au camp de Compiègne.

     

    Quelques-uns, chefs d’entreprises, commerçants, ingénieurs, médecins, avocats ou universitaires, sont libérés dans les semaines qui suivent, mais la plupart restent emprisonnés pour attendre le 27 mars 1942, le premier convoi de déportation.

     

     

    Rue de Rivoli, 1942.

    Rue de Rivoli. Photographie André Zucca, 1942. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

     

     

    Le 29 mai 1942, une ordonnance allemande obligeant les Juifs de plus de 6 ans à porter

    l’étoile jaune en zone occupée est publiée.

     

    Elle est applicable à partir du dimanche 7 juin 1942.

     

    Le 5 juin, la Propaganda-Staffel est inquiète, des rapports concordants font état de désordres organisés pour le 7 juin par les gaullistes et les communistes.

     

    Elle transmet un rapport à la Sûreté allemande :

    Suivant des rapports qui nous parviennent d’heure en heure, les milieux gaullistes et communistes font une propagande massive pour provoquer des troubles dimanche prochain. Les directives données sont les suivantes : sur les grands boulevards, tous les Juifs pourvus de l’étoile jaune devront être salués par des manifestations de sympathie… Il est projeté que les non-Juifs gaullistes et communistes circulent dans les rues portant l’étoile jaune, munie à la place de l’inscription “Juif” du nom d’une province française.

    Un mot d’ordre circule également parmi les Juifs d’aller se promener ce même jour sur les grands boulevards. Dépitée, la Propaganda-Staffel notera le lendemain : “Ce mot d’ordre a été suivi : il était frappant de voir en quelle quantité la juiverie parisienne était présente sur le parcours indiqué”. Et la propagande allemande a un autre motif de dépit, c’est que la population semble manifester de plus en plus de solidarité avec les Juifs.

    Des Parisiens suivirent le projet “gaullo-communiste”, on a pu ainsi voir dans les rues des étoiles jaunes marquées “breton”, “basque”, “auvergnat”, “goï”, “zoulou”, “zazou”, “papou”, “swing”… Certains seront arrêtés et invités à “réfléchir à la portée de leur geste” pendant 3 mois au camp de Drancy. Les plus prudents se contenteront d’une pochette jaune, ou autre accessoire de même couleur. La presse de propagande est en rage :

    Malgré la répugnance qu’a maintenant l’ensemble des Français pour les Juifs, il se trouve encore des jeunes gens très « swing » [13] qui, complètement enjuivés par leurs fréquentations, témoignent de la sympathie à l’égard des Israélites et portent également une étoile jaune. Le gouvernement se doit de retrancher de la communauté française ces éléments indésirables et de satisfaire à leur désir d’appartenir à la communauté juive en les pourvoyant d’un authentique état d’Israélite et en les recensant comme tels. Ils pourront ainsi bénéficier sans exception de toutes les mesures que nous serons amenés à appliquer aux Juifs. [14]

    Étoiles juives saisies par les autorités françaises.

    Fausses étoiles juives saisies par les autorités françaises.

    Ces manifestations ne sont pas le seul fait de jeunes “zazous”, mais aussi d’ouvriers, de fonctionnaires, etc. de tous âges. Par exemple, Mme Lemeunier, 58 ans, sans profession. Elle sera emprisonnée à Drancy pour avoir porté une étoile jaune brodée d’une croix (l’étoile en question figure en bas à gauche sur la photo ci-dessus).

    La persécution des Juifs, français comme étrangers, s’intensifie encore le 8 juillet 1942 avec une ordonnance particulièrement sévère. Celle-ci leur interdit l’accès aux restaurants, cafés, bars, théâtres, cinémas, concerts, cabines de téléphone public, marchés, piscines, musées, bibliothèques, monuments historiques, manifestations sportives, champs de courses, parcs, etc.

    “Les Juifs ont voulu la guerre. La malfaisance de leur race a jeté le monde entier dans cet affreux conflit.

     

    Au regard de ce crime, les dernières mesures édictées sont bénignes.” peut-on lire dans Le Petit Parisien du 15 juillet.

    #199 ❘ La rafle du Vel’ d’Hiv’ ❘ 17 juillet 1942:

    Effectivement, ces mesures pourraient paraître presque “bénignes” au regard de celles qui allaient immédiatement suivre, les 16 et 17 juillet,

    avec la grande rafle du Vélodrome d’Hiver.

     

     

    Cette énorme opération vise principalement les Juifs allemands, autrichiens, polonais, tchécoslovaques et russes.

     

    Elle aboutira à l’arrestation de 12 884 Juifs à Paris et en banlieue.

     

     

    En moins de quarante-huit heures (de quatre heures du matin, le 16 juillet, jusqu’au lendemain, le 17 juillet à treize heures), la police a arrêté 12 884 Juifs à Paris et en banlieue.

     

    C’est une première même si, en raison des « fuites », le nombre des arrestations est inférieur aux prévisions.

     

    Pendant la rafle du Vél d’Hiv, les autorités policières n’ont pas arrêté uniquement des hommes dans la force de l’âge.

     

    Elles ont également appréhendé cette fois-là des hommes de plus de 60 ans, des malades, des femmes (5 802) et même des enfants de moins de 16 ans (4 051).

     

     

    La fiction d’un « transfert de population à l’Est pour du travail » vole donc en éclats.

    Une opération d’une telle ampleur a été nécessairement longuement et soigneusement préparée.

     

    Certains chiffres sont d’ailleurs éloquents. Il faut souligner en particulier que 9 000 fonctionnaires français (et parmi eux 4 000 policiers) ont été mobilisés pour cette rafle baptisée non sans ironie « opération vent printanier ».

     

    À cette occasion, on a retiré rien moins que 27 000 fiches de Juifs (recensés en application des lois de Vichy) d’un fichier de la préfecture de police (le fichier « Tulard »), de manière à pouvoir les distribuer, sur le terrain, aux équipes policières chargées des arrestations.

     

     

    L’opération, sans précédent dans les annales policières françaises, a été conçue à l’initiative des occupants.

     

    Elle est menée toutefois, de bout en bout, sous les ordres de Pétain, Laval, Bousquet, Leguay et de la hiérarchie administrative et policière de l’État français.

     

    Au-delà du nombre de fonctionnaires français impliqués dans cette rafle, il faut rappeler aussi la mobilisation d’une soixantaine de cars de la police et de la TCRP (l’ancêtre de la RATP) pour l’acheminement des Juifs arrêtés vers Drancy et le Vélodrome d’Hiver (situé dans le XVe arrondissement).

     

     

    Il faut souligner d’autre part que ce complexe parisien, destiné avant tout aux grandes manifestations sportives, n’était pas approprié pour l’accueil d’une population hétérogène parmi laquelle, nous l’avons souligné, figuraient un grand nombre de jeunes enfants.

     

    De plus, pratiquement rien n’avait été prévu pour un enfermement durable d’une telle population.

     

    Les 8 000 personnes parquées dans l’enceinte du complexe sportif entre le 16 et le 22 juillet ont donc dû faire face au manque d’eau, à des conditions d’hygiène lamentables et à un bruit continuel.

     

    Dans cette confusion, on enregistre d’ailleurs de graves problèmes sanitaires et une multiplication de suicides et de tentatives de suicides.

     

    La situation ne se normalise que lentement, lorsque le Vél d’Hiv se vide progressivement, à la suite du transfert des internés vers Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande.

     

    Dans ces camps, le chaos et l’improvisation étaient certes moins poussés.

     

    Le répit n’a été qu’une illusion de courte durée pour les internés du Vél d’Hiv car la plupart d’entre eux ont été ensuite déportés. Leurs noms figurent dans les 38 convois à destination d’Auschwitz qui quittent la France entre le 17 juillet et le 11 novembre 1942.

    [Claude Singer, historien à l’université de Paris I. Revue “Les Chemins de la Mémoire” n° 119 - Juillet-août 2002. Source.]

     

     

    En France (selon le Mémorial de la Shoah et le décompte de Serge Klarsfeld), 51 000 Juifs étrangers ou apatrides et 24 700 Juifs de nationalité française (13 % des Juifs de nationalité française, dont environ 1 tiers de Français “de souche”,

     

    1 tiers de nés en France de parents étrangers ou apatrides, et 1 tiers de naturalisés) ont été déportés. Bien peu reviendront des camps allemands.

     

     

    La Résistance

     

     

    Dès juillet 1940 et pendant toute la guerre, la désapprobation des Parisiens se manifeste par de petits gestes… Il y a la “guerre des graffitis” : 

     

    “Vive de Gaulle”“Mort à l’envahisseur”, partout et en tous lieux, qui réapparaissent sitôt après avoir été effacés. Il y a l’ouvrier typographe qui fait une “malheureuse” coquille :“Le président du Conseil municipal de Paris remettra auojurd’hui (sic) au Maréchal PÜTAIN (sic) une médaille en argent.” (Le Cri du Peuple, 24 avril 1942).

    La première étape importante est la guerre de l’information, principalement menée par les communistes. Il s’agit d’imprimer clandestinement des tracts et de les diffuser. Du 1er juillet au 7 décembre 1940, 1 141 personnes sont arrêtées pour ces faits. Pour le citoyen ordinaire,

     

     

    il n’est pas rare d’entrer dans une rame de métro au sol jonché de tracts ou de croiser un cycliste qui en jette à tous vents.

     

     

    (L’un de ces diffuseurs de tracts communistes s’appelle Guy Môquet, il est arrêté le 13 octobre 1940 à l’âge de 16 ans, au métro Gare de l’Est.)

    Le 11 novembre 1940, une manifestation d’étudiants place de l’Étoile est sévèrement réprimée, occasionnant quelques blessés par balles et de nombreuses arrestations. Le 23 décembre, Jacques Bonsergent, 27 ans, est le premier civil fusillé, pour avoir participé à une bousculade avec des soldats allemands aux abords de la gare Saint-Lazare, le 10 novembre.

     

     

    Sortie de la messe, église de la Madeleine.

    Sortie de la messe, église de la Madeleine. Photographie André Zucca. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    Le premier acte “terroriste” à Paris est en date du 13 août 1941, avec l’assassinat d’un officier allemand près de la porte d’Orléans. Le 21 août, un autre officier est abattu sur un quai du métro Barbès. Ce sont les premiers d’une longue série. Ils correspondent à l’organisation des premiers groupes communistes de combat dans la capitale, courant juillet.

    L’autre cible de ces groupes est l’élimination des “traîtres et renégats”, ces communistes ayant versé dans la collaboration active. Ce programme débute le 5 septembre 1941 avec la mort, rue des Lilas, de Marcel Gitton, ex-communiste, dirigeant du Parti ouvrier et paysan français. Le second visé est Fernand Soupé, ancien maire communiste de Montreuil, membre du Parti populaire français, qui fut grièvement blessé le 22 décembre 1941, mais s’en tira. Début juin 1942, c’est le tour d’Albert Clément, ex-communiste, membre du Parti populaire français et rédacteur en chef du Cri du Peuple, qui est abattu rue Vivienne.

    Le 8 janvier 1942, un agent de police est abattu boulevard Magenta.

    Le premier “procès” contre des “terroristes” débuta le 4 mars 1942 à la Chambre des Députés, c’est celui du groupe de Gilbert Brustlein (Bataillons de la Jeunesse).

     

    Les sept jeunes résistants sont condamnés à mort. Ils sont exécutés le 9 mars au Mont Valérien.

    Le second eut lieu le 14 avril 1942, 27 accusés communistes.

     

    Exécutés le 17 avril au Mont Valérien.

    Ce procédé “médiatique” des procès est alors délaissé, jugé moins “payant” par les autorités d’occupation que les exécutions d’otages. Ces exécutions par représailles permettent en outre de se débarrasser de gens qui n’ont rien à voir avec la résistance communiste.

     

     

    Le 31 mai 1942, c’est la “révolte des femmes”. Un groupe de femmes communistes manifeste rue de Buci, devant un entrepôt de marchandises destinées à l’Allemagne, ameute les ménagères et les incite à se servir en boîtes de conserve, sucre, etc. La police charge. Les Francs-Tireurs et Partisans chargés de la protection ripostent. Arrêtés et déférés devant une cour spéciale, ils sont condamnés à mort pour cinq d’entre eux.

    Café Le Pam-Pam, angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Monsieur Le Prince.

    Café “Le Pam-Pam”, angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Monsieur Le Prince. Photographie André Zucca. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    Le 27 mai 1943, le Conseil National de la Résistance se réunit, 48 rue du Four.

    L’un des attentats les plus spectaculaires fut celui organisé le 28 juillet 1943 par le petit groupe de Francs-tireurs et partisans - Main-d’Œuvre Immigrée de Marcel Rayman (Polonais juif âgé de 17 ans), qui réussit à jeter une bombe dans la voiture du général-commandant du Grand Paris, Von Schaumburg, à l’angle de la rue Nicolo et de l’avenue Paul Doumer.

    L’assassinat annoncé de ce très haut dignitaire, signataire des affiches placardées dans Paris annonçant l’exécution des otages et résistants, était d’une grande portée symbolique. (“Il fut avéré bien des années plus tard que le général avait été remplacé par une doublure et qu’il était depuis longtemps sur le front de l’Est. Mais l’effet fut le même puisque nous avions visé la fonction autant que l’homme et surtout nous avions démontré qu’il était possible de le faire.” explique Henry Karayan [15].

    Avec la prolifération des attentats à partir de 1942-43, les représailles, arrestations, procès expéditifs, exécutions vont se multiplier jusqu’à l’insurrection et la libération en août 1944, provoquant à la fois dégoût et mobilisation parmi la population.

    Le 17 février 1944, c’est le procès de “l’affiche rouge”. Les 22 jeunes hommes sont fusillés le 21 février au Mont Valérien. La seule femme, Olga Bancic, sera décapitée en Allemagne le 10 mai.

    Ultime geste d’une armée en cours d’évacuation, 42 jeunes gens sont fusillés à la Cascade du Bois de Boulogne, le 16 août 1944. Le 19 août, l’insurrection commence, le 25 août, les chars du général Leclerc entrent dans la capitale. À 14 h 45, le Paris allemand capitule définitivement.

    Libération de Paris, avenue des Champs-Élysées.

    Libération de Paris, avenue des Champs-Élysées. Photographie André Zucca, août 1944. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

    • [#1] Gérard Walter. “La vie à Paris sous l’occupation, 1940-1944”. Armand Colin, Collection Kiosque dirigée par Jean Pinet, 1960.
    • [#2] Georges Groussard, né en 1891 et décédé en 1980, connu sous le nom de colonel Groussard, fut un résistant français. En juin 1940, il était chef d’état-major de la région de Paris.
    • [#3] La Révolution Nationale. 9 novembre 1941.
    • [#4] La Gerbe. 11 juillet 1940.
    • [#5] La France au travail. 7 juillet 1940.
    • [#6] La Gerbe. 4 décembre 1941.
    • [#7] La Gerbe. 13 novembre 1941.
    • [#8] France-Europe. 26 novembre 1943.
    • [#9] La Gerbe. 21 août 1941.
    • [#10] Thomas Kernan (1903-1975), “France on Berlin Time”. J. B. Lippincott & Co., New York, 1941. Publié en français à Montréal sous le titre “Horloge de Paris, heure de Berlin” en 1942 (Éditions de l’Arbre).
    • [#11] Roadster (WP-eng). Automobile légère à deux places, sans toît et sans fenêtres latérales.
    • [#12] Paris-Midi. 15 mai 1941.
    • [#13] Swing. Mot de ralliement des jeunes “zazous”.
    • [#14] Le National Populaire. 20 juin 1942.
    • [#15] Discours de M. Henry Karayan, membre du Groupe Manouchian, le 29 août 2004, lors de l’inauguration d’une place “Groupe Manouchian” à Issy-les-Moulineaux. Source

     

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    Emmanuel Astier De La Vigerie (D')

     

    Compagnon de la Libération

     
     
    Emmanuel d'Astier de la Vigerie est né le 6 janvier 1900 à Paris.
     
    Ses frères aînés Henri et François sont tous deux également
    Compagnon de la Libération.

    Après des études au lycée Condorcet, puis à l'école Sainte-Geneviève à Versailles, il entre à l'École navale en 1919.

    Il démissionne de la Marine en 1931 pour entamer une carrière journalistique.

    Mobilisé en août 1939 au centre de renseignements maritimes de Lorient, il rejoint, en juin 1940, le 5e Bureau replié à Port-Vendrès avant d'être démobilisé le mois suivant.

    Dès septembre 1940, refusant l'armistice, il fonde à Cannes le mouvement
     
    La Dernière Colonne, qui se destine au sabotage.

    Après l'arrestation du co-fondateur, Edouard Corniglion-Molinier, en décembre 1940, il gagne Clermont-Ferrand où règne une atmosphère favorable à la Résistance, notamment au sein de l'équipe de rédaction de La Montagne.

    En janvier 1941, La Dernière Colonne étant décimée par les arrestations, il entre dans la clandestinité sous le pseudonyme de Bernard.

    Il crée en juin 1941, avec Jean Cavaillès, le mouvement Libération qui, avec Combat et Franc-Tireur, deviendra l'un des trois plus importants mouvements de résistance de la zone sud.
     
     
    Libération recrutant le plus souvent ses membres dans les milieux syndicaux (CGT) et socialistes.
     
     
    A la tête de du mouvement il fait paraître affiches, tracts et le journal du même nom dont le premier numéro paraît en juillet 1941.

    En janvier 1942, une liaison est établie avec Londres par Yvon Morandat, représentant du général Charles de Gaulle,
    puis par Jean Moulin qu'Emmanuel d'Astier rencontre pour la première fois.
     
     
    En mars a lieu la première réunion, à Avignon des responsables de Libération, Combat et Franc-Tireur sous la présidence de Jean Moulin.

    Emmanuel d'Astier effectue lui-même, par sous-marin, une mission à Londres en mai 1942 au cours de laquelle
     
    il rencontre le général de Gaulle.
     
    Envoyé en mission à Washington, en juin 1942, il est chargé de négocier auprès de Roosevelt la reconnaissance de la France libre.

    Il repart pour la France à bord d'un chalutier en juillet 1942, avec le titre de chargé de mission de 1ère classe, équivalant au grade de lieutenant-colonel.

    En novembre 1942, après un deuxième voyage à Londres, il regagne la France avec Henri Frenay et est désigné pour siéger au Comité de coordination des Mouvements de Résistance qui devient, en janvier 1943, le Directoire des Mouvements unis de Résistance (MUR) dont il est le commissaire aux affaires politiques.

    Emmanuel d'Astier repart pour Londres en avril 1943, et, retourne en métropole en juillet 1943, à la suite de l'arrestation de Jean Moulin.

    De retour à Londres en octobre 1943, il prend les fonctions de commissaire à l'Intérieur du Comité français de la Libération nationale (CFLN) à Alger à partir de novembre 1943.
     
    Emmanuel d'Astier est membre du COMIDAC, Comité d'action en France, institué en septembre 1943 à Alger et chargé de définir la stratégie et les crédits affectés à l'action de la résistance métropolitaine.
     
     
    Afficher l'image d'origine 
     
    Dans ce cadre, il rencontre Churchill à Marrakech en janvier 1944 pour lui demander des armes pour la Résistance.

    A partir de la création du Gouvernement provisoire de la République française en juin 1944, Emmanuel d'Astier devient ministre de l'Intérieur.
     
    Il débarque en France en juillet 1944.

    Il quitte ses fonctions en septembre 1944 après avoir refusé la proposition de servir comme ambassadeur à Washington.

    Elu député communiste de l'Ille-et-Vilaine de 1946 à 1958.
    Prix Lénine de la Paix 1957.

    Il fonde le quotidien Libération puis en 1966, le mensuel l'Événement.

    Membre titulaire des programmes de radiodiffusion.

    Emmanuel d'Astier de la Vigerie est décédé le 12 juin 1969 à Paris, il est inhumé au cimetière d'Arronville (Val d'Oise).

    • Chevalier de la Légion d'Honneur
    • Compagnon de la Libération - décret du 24 mars 1943
    • Croix de Guerre 1939-45

    21/07/2011
    Lien : Ordre de la Libération

     

    PRINCIPALES PUBLICATIONS :

    • La Douleur sur les tréteaux, Paris, Au sans pareil1925

    (sous le pseudonyme d'Emmanuel Rancey)
    • Passage d'une Américaine
    , Argenteuil, impr. R. Coulouma 1927

    • Sept jours en été, Alger, Éd. de la Revue Fontaine 1944
    • Avant que le rideau ne tombe, Paris Sagittaire 1945 
    • Sept jours en exil, Paris J. Haumont 1946
    • Sept fois sept jours, Paris, les Éditions de minuit 1947
    • Les Dieux et les Hommes 1943-1944, Paris Julliard 1952
    • L'Eté n'en finit pas, Paris Julliard 1954
    • Le miel et l'absinthe, Paris Julliard 1957
    • Les Grands, Paris Gallimard 1961
    • Sur Saint-Simon, Paris, Gallimard 1962
    • Sur Staline,Paris : Union générale d'éditions, 1963
    • De la chute à la libération de Paris : 25 août 1944, Paris Gallimard 1965
    • Portraits, Paris Gallimard, 1969

     

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  •  

    Denise Vernay Soeur de Simone WEIL
    © coll.particulière

     

    La place des femmes dans le résistance a été reconnue tardivement dans l'historiographie de la Seconde Guerre mondiale. !!!!

    En effet, c'est a partir du moment où la communauté scientifique s’est penchée sur la résistance quotidienne, loin des luttes armées, que l'importance du rôle des femmes a réellement émergé.

    Cacher, héberger, nourrir, approvisionner : telles étaient les missions que la majorité d'entre elles exerceraient dans la clandestinité.

    Au sein des réseaux, elle assuraient les travaux de secrétariat, étaient agents de liaison ou officiaient dans les services sociaux.

    Les femmes dans la Résistance intérieure française ont joué un rôle important dans le contexte de l'occupation du pays pendant la Seconde Guerre mondiale. 

     

     

    Afficher l'image d'origine 

     

    Marie Madeleine FOURCADE

    Chef du Réseau ALLIANCE 

     

     

    Elles se faisaient aussi trublions dans les manifestations publiques.

     

     

    D’autres avaient rejoint les unités de la France Libre, comme médecins, infirmières, aviatrices.

     

     

    Leur engagement a été peu valorisé à la Libération, ce que traduisent les chiffres :

     

    on ne compte que 6 femmes parmi les 1059 Compagnons de la Libération; de même, seulement 10% des Médaillés de la Résistance sont des femmes.

     

     

     

    "NICOLE"  son nom de RESISTANTE

    Simone Segouin, une résistante, près de Chartres, en août 1944.

     

     

     

    Mais l’année 1975 marque une tournant: dans la foulée de la vague féministe, un colloque organisé par l’Union des femmes françaises leur est consacré, premier du genre à mettre en avant leur rôle important dans la Résistance.

     

     

     

    Sœur Hélène Studler en 1944

     


    Les publications et les travaux universitaires sur le sujet vont peu à peu se multiplier.

     

     


     
    Marie Claude Vaillant-Couturier
    © Ministère de la Défense - DMP - 
     

     

     

     

     

    Décrypter les spécificités de la Résistance féminine revient à remettre en cause un schéma convenu de « La Résistance», de ses rouages,

     

    ce qui peut expliquer la "frilosité" des historiens à s’être penchés plus tôt sur ce volet « opaque », mais pourtant authentique, de l’histoire de la Résistance.

     

     

    Véra Obolensky
    © Ministère de la défense - DMPA

     

    Les résistantes ont pu contribuer de leur côté à cette désaffection, en martelant une image « attendue » de la féminité, teintée de modestie et de discrétion.

     

     

     

     

     

    L’histoire de cette période ne saurait pourtant s’écrire sans elles, héroïques au même titre que leurs homologues masculins.
     

     

     

     

     

    Madeleine RIFFAUD

     

     

    Les jeunes générations ne s’y trompent pas,

    qui se passionnent pour le sujet.

     

     

    http://www.chrd.lyon.fr/chrd/sections/fr/pages_fantomes/fiches_thematiques/?aIndex=2

     

     

     

     

     

     

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  • Philippe Bertin- Histoires extraordinaires du Jour le plus long – Editions Ouest-France

     

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    Les témoins du 6 juin 1944 – civils ou soldats, enfants ou adultes – racontent des morceaux de leur vie, ce jour-là, sous les bombes.

    En Normandie, ces temps-là, ces jours-là racontent les histoires de leur vie, qui, soudain, bascule. Sainte-Mère-Eglise :

    Juliette et Georges sont les mariés du 6 juin 1944, les premiers mariés de la France libre. Bayeux :

    Marcel, jeune résistant, déporté, s'évade des camps de la mort.

    Le jour de ses 20 ans, il entre dans Berlin libéré. Caen, Saint-Lô, Avranches : à vélo, Fernand traverse les villes meurtries, à la recherche de ses parents disparus. Utah Beach : Jacques, le jeune pilote de chasse français engagé dans la Royal Air Force, vit le " jour le plus court " de toute l'histoire de la bataille de Normandie :

    le matin du 6 juin, il disparaît en mer.

    Depuis, une Anglaise va, chaque année, fleurir sa tombe sous-marine quelque part au large du Cotentin. Sourdeval :

    le souterrain du vieux château Labiche protège des bombardements la colonie de vacances des enfants de Cherbourg.

     

    Ils ont entre 2 et 14 ans. Mortain dans les galeries de l'ancienne mine de fer, huit cents civils vivent le cauchemar de la destruction ; parmi les réfugiés, deux enfants et leur grand-mère. Nous avons retrouvé tous ces témoins et beaucoup d'autres : ils se souviennent et racontent. Morceaux de leur vie, sous les bombes de 1944, ce jour-là en Normandie

     

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    Philippe Bertin- Histoires extraordinaires du Jour le plus long – Editions Ouest-France

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    Philippe Bertin a recueilli les témoignages de divers témoins qui ont vécu la guerre en Normandie, l’approche du Débarquement, et ses suites. Il les transmet avec  » les mots du coeur « ‘ et tous émeuvent profondément.

    Tout d’abord, Marie-Louise :  » Un soir, tout près d’Utah Beach, calée dans son fauteuil d’où elle regardait fixement la mer et les vagues, Marie-Louise nous a raconté qu’en écoutant le vent, parfois trop violent du large, elle croyait soudain revivre ces terribles  moments lorsqu’ elle assistait, terrorisée et impuissante, à la destruction de sa ville natale, Saint-Lô. Marie-Louise  n’a rien oublié de ces temps-là : le soir, elle ne supporte  plus les images de violence qu’elle entr’aperçoit dans la lucarne de son téléviseur, au journal de vingt heures. Ces morts, ces enfants  meurtris par les bombes qu’on étale, sans pudeur, à la une des journaux lui rappellent trop de drames et de déchirures.

    Le 6 juin 1944, à vingt heures quand, au-dessus de Saint-Lô,  apparurent les premières forteresses volantes,  Marie-Louise venait de fêter ses dix-sept ans : elle a vécu ce moment-là dans les ruines fumantes  d’une ville qui allait, d’un seul coup, devenir martyre.  La peur, la  fuite sur les routes de campagne, l’exode de ferme en ferme : Marie-Louise, pour conjurer le sort et la peur, a tout écrit, sur un petit cahier d’écolier aux feuilles quadrillées « .

    Il y eut un mot, parmi tant d’autres, pour décrire ce qu’était devenue Saint-Lô : 

     » rôtie « .

    Marcel Fauvel, maintenant médecin de campagne retraité à Caen, tient à parler de son engagement  dès ses quinze ans dans la Résistance à Caen.

    Il a souffert quand  son père,  combattant de 1914-1918, est mort trop tôt des gaz  et d’ épuisement, il s’est révolté quand il a vu les Allemands entrer dans sa ville, l’un d’eux occuper sa maison, et oser demander à sa mère un service qu’il aurait pu accomplir lui-même:  »

    Entre 1941 et 1943 , Marcel Fauvel et Claude Lemarchand, tous deux lycéens, vont agir dans l’ombre à la recherche de renseignements qu’ils communiquent aux membres du réseau Libé-Nord. »

    Claude Lemarchand est arrêté le premier. alors qu’il transporte en plein Caen un chariot rempli d’armes. Il est torturé, jugé en Allemagne, et meurt en prison, atteint de tuberculose. Une plaque apposée sur un mur du lycée Malherbe de Caen, devenu Hôtel de Ville, rappelle le souvenir du jeune résistant de la première heure.

    Marcel Fauve se savait traqué, mais n’eut  jamais peur. Lui aussi fut arrêté par la Gestapo, le 17 février 1943, au cours d’une grande rafle organisée par les occupants. Il fut longuement torturé par un   » Monsieur Hervé  » puis transféré en Allemagne avec beaucoup d’autres dans des wagons fermés, sans eau ni nourriture, sous la chaleur torride. Beaucoup trouvèrent la mort. Au bout du voyage, c’était Büchenwald, puis le camp de Langeinstein, où les survivants creusaient à la main des tunnels. Il craint que, les  échos du Débarquement se précisant, les SS ne les transforment en fosse commune, et il réussit  à s’échapper avec deux compagnons. Ils parviennent à gagner le front russe. Le jour de ses vingt ans, le 24 avril 1945, il entre victorieux dans Berlin, avec « l’impression de vivre l’histoire, d’y participer  pleinement « .

    Ce qu’il garde de ces années : deux documents, le plan du camp de Langelstein, où  l’architecte avait prévu un emplacement  pour une potence, et une photographie prise quelques semaines plus tard devant le Lutétia à Paris,quand il  échange une poignée de main avec le Général de Gaulle.

    Connaissez-vous Mortain ? C’est une des  plus belles régions de la Manche, qui en compte tant. Mortain – la poche de Mortain- subit aussi de terribles bombardements. Deux soeurs, Suzanne et Yvonne, onze et quatorze ans, avaient quitté Sotteville près de Rouen  pour rejoindre leur grand mère dans le Sud de la Manche, où, supposent leurs parents, elles seraient davantage en sécurité. Etant donné l’ampleur des combats, le sous-préfet, M. Panzani, décide la réquisition de la mine de Cambremont, près de Neufborg,  et son directeur  organise son aménagement.  A près de vingt mètres sous terre, une terre humide, friable, environ huit cents personnes y trouvèrent un abri. Cela dura plus de deux mois. Quand elles en sortent, elles voient des ruines et des cadavres… elles trouvent des lettres adressées depuis l’Ohio à un soldat, Tommy, et elles les recueillent. Les lettres à Tommy sont  publiées en fin de volume.

    De ces histoires terribles, Philippe Bertin fait surgir une épopée presque romantique. (Elles m’émeuvent personnellement profondément, car je suis attachée à la terre manchoise, où j’ai vécu quelque temps, certes en « horsain  » !  et entendu des souvenirs  » d’après le Débarquement « , le soir à la veillée).

    Au revers du livre, la quatrième de couverture, on peut découvrir d’autres noms, d’autres récits intenses.

     

    Présentation de l'éditeur

     

    En Normandie, ces temps-là, ces jours-là racontent les histoires de leur vie, qui, soudain, bascule. Sainte-Mère-Eglise : Juliette et Georges sont les mariés du 6 juin 1944, les premiers mariés de la France libre.
    Bayeux : Marcel, jeune résistant, déporté, s'évade des camps de la mort. Le jour de ses 20 ans, il entre dans Berlin libéré. Caen, Saint-Lô, Avranches : à vélo, Fernand traverse les villes meurtries, à la recherche de ses parents disparus. Utah Beach : Jacques, le jeune pilote de chasse français engagé dans la Royal Air Force, vit le "jour le plus court" de toute l'histoire de la bataille de Normandie : le matin du 6 juin, il disparaît en mer.
    Depuis, une Anglaise va, chaque année, fleurir sa tombe sous-marine quelque part au large du Cotentin. Sourdeval : le souterrain du vieux château Labiche protège des bombardements la colonie de vacances des enfants de Cherbourg.
    Ils ont entre 2 et 14 ans. Mortain : dans les galeries de l'ancienne mine de fer, huit cents civils vivent le cauchemar de la destruction ; parmi les réfugiés, deux enfants et leur grand-mère. Nous avons retrouvé tous ces témoins et beaucoup d'autres : ils se souviennent et racontent. Morceaux de leur vie, sous les bombes de 1944, ce jour-là en Normandie.
     

    Biographie de l'auteur

     

    Journaliste, Grand Prix de la Presse et de la communication, Philippe Bertin est l'auteur de nombreux ouvrages consacrés à la Normandie, sa terre d'adoption : Le Sentier des douaniers en Normandie, Au pays des sorciers et des guérisseurs, La Normandie.
     

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    jours poignantes qui racontent ce que fut le D. Day, autant de portraits et de récits qui dessinent au fil des pages l'histoire extraordinaire de la bataille de Normandie vue par celles et ceux qui l'ont vécue parce qu'ils en ont été les témoins ou/et les acteurs.

     

    Philippe Bertin  collection > Poche Histoire Parution mai 2014 • broché • 10,8 x 17,8 • 6,90 euros

     


    Philippe Bertin collection > Poche Histoire Parution mai 2014 • broché • 

     

     

    - Sainte-Mère-Église :

    Marcel, 15 ans, est enrôlé par l'Armée américaine pour enterrer, dans le champ d'à côté, les premiers GI'S tombés au combat aux premières heures de la Bataille de Normandie.

    - Marais du Cotentin :

    alors qu'au dehors, les combats font rage, Roger soigne GI's américains et soldats allemands sans distinction à l'abri d'une minuscule église transformée en endroit de paix le temps des combats.

    Philippe Bertin, ancien journaliste, puis directeur de la Communication du Département de la Manche, est le Directeur de l'institution régionale « Caen Expo Congrès ».

    Il a publié de nombreux ouvrages aux Editions Ouest-France dont Histoires extraordinaires du jour le plus long, 14-18, 1a Grande Guerre : armes, uniformes, matériels et D-Day Normandie : armes, uniformes, matériels.

    LE SAVIEZ-VOUS

    Né dans un champ et sous les bombes !

    C'est le destin incroyable du jeune Harry Decaen dont la naissance eut lieu au tout début du mois 1944 à Vernix, tout près de Mortain, le sud du département de la Manche.

    Les forces américaines y avaient installé le plus imposant hôpital militaire de toute la bataille de Normandie, trois mille lits pour y accueillir sous les toiles kaki des milliers et de milliers de soldats victimes des combats en plein bombardement de la région de Mortain Le 91th Evacuation Hospital fonctionna sur place du 4 au 28 août.

    La marraine du jeune Harry fut la directrice elle même de l'hôpital provisoire,

    Marie Couderc. Harry Decaen a vécu toute sa vie près du champ où il est né.

    Ouistreham 1939-1945

     

    Ouistreham 1939-1945 

    Couverture réalisée par nos soins

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