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    Alors que Paris devient lieu de débauche pour l'Occupant et que la France est livrée au pillage généralisé des troupes allemandes, des chansons joyeuses percent malgré tout le paysage. Certaines sont innocentes comme "Ah ! le petit vin blanc", créée en 1943 par Lina Margy.

    D'autres relèvent de la propagande comme le fameux "Maréchal, nous voilà !" Mais d'autres encore versent dans l'insouciance ("ça sent si bon la France" de Chevalier, "La Tour Eiffel est toujours en place", de Mistinguett) ou frisent carrément la bêtise et l'obscénité :

    "ça va beaucoup mieux" après le franchissement par l'ennemi de la ligne de démarcation.

    Un irresponsable écrit même "alors, ça gaze ? 

     

    La courageuse Joséphine Baker s'engage dans la Résistance active dès 1940. Mais elle représente une exception ; la plupart des artistes sont plutôt dans l'attentisme ou l'insouciance. Rares sont cependant ceux qui fricotent réellement avec les Allemands. Les artistes veulent que le spectacle continue et que l'on continue de chanter.

    Tout comme les gens en général. Comme eux, ils sont plus attentistes que fanatiques. D'où les pressions importantes sur les artistes de la part des deux bords et les reproches, souvent malveillants venant de ces deux bords. Le rôle plus que trouble d'Arletty est cependant à souligner.

     

    Joséphine Baker, la Résistante

     

    oséphine Baker, la Résistante

    Dès le début de la Guerre, Joséphine Baker est agent du contre-espionnage. Profitant de ses relations dans la haute société parisienne, elle agit pour la Croix-Rouge. Puis, elle s'engage le 24 novembre 1940 dans les services secrets de la France libre : en France métropolitaine et ensuite en Afrique du Nord. Elle ne fait pas de la figuration ; elle joue un rôle important. C'est ainsi qu'elle code ses partitions musicales pour faire passer des messages. C'est comme engagée volontaire qu'elle débarquera à Marseille en octobre 1944. Elle fait partie des forces féminines de l'armée de l'air.

    À la Libération, elle chante pour les soldats et les résistants près de la ligne de front. Joséphine Baker sera décorée de la croix de guerre, de la Médaille de la résistance puis de la Légion d'honneur des mains du Général de Gaulle. L'ensemble de son action en tant que résistante au service de la France libre est détaillé dans un ouvrage intitulé Joséphine Baker contre Hitler.

    Arletty "pas très résistante"

    (ci contre : Hans Jürgen Soehring, l'officier allemand compagnon d'Arletty) A l'opposé de Joséphine Baker, l'actrice et chanteuse Arletty fera comme les "saucisses", ces femmes qui flirtent avec les soldats allemands, qui se livrent à une forme de "collaboration horizontale". Arletty s'afficha avec un officier allemand sans aucun complexe. Elle en tombera même enceinte et avortera. Et, quand on lui demandait "Alors, comment ça va ?", elle répondait : "Pas très résistante..." En effet !

    Quand Tristan Bernard (qui est juif) est arrêté, c'est quand même Arletty qui le fait libérer en utilisant ses relations avec l'Occupant. Guitry, qui jouera un rôle plus secondaire dans cette bonne action, s'en attribuera tout le mérite.

    A la Libération, Arletty ne subit pas le sort des "saucisses". Elle n'est pas tondue. Elle subira néanmoins des nuits d'interrogatoire et de cachot à la Conciergerie. Elle sera également internée à Drancy. Mais on ne l'y laissera croupir que quelques semaines. Elle est alors assignée à résidence, avec interdiction de tourner (elle n'avait pourtant fait aucun film avec la société allemande La Continentale). Elle s'en tire avec un "blâme".

    Finalement, Arletty résume en une phrase peu élégante sa conduite durant les années d'Occupation : "Mon coeur est français, mais mon cul est international !"

    André Dassary chante "Maréchal, nous voilà !"

    Il chantera successivement "Maréchal nous voilà !", "Le temps des cerises", et la chanson-titre du film "Le Jour le plus long". Son meilleur succès : Ramuntcho (1944), une chanson de Vincent Scotto pour la musique et Jean Rodor pour les paroles. "Les Allumettes", de Prévert et Kosma. Il commence véritablement sa carrière au sein des Collégiens de Ray Ventura. Captif en Allemagne au début de la Seconde Guerre mondiale, il est libéré et atteint véritablement la notoriété sous l'Occupation, notamment avec l'opérette "L'Auberge qui chante" (1941) et une chanson tout à la gloire de Pétain, "Maréchal, nous voilà !", devenue emblématique du régime de Vichy — et qui, après guerre, lui attire quelques critiques. Son succès n'aura toutefois pas à en souffrir. 

    L'humour résiste

    En 1942, Fernandel joue les simplets, comme on le voit sur cette vidéo de la délicieuse scène où il chante dans un arbre. Jusqu'ici, il ne s'était affublé que de prénoms ridicules comme "Ignace" (voir extrait chanté du film) ou "Barnabé", qui donnèrent lieu à deux films du même nom avant la guerre. A présent, c'est officiel, il se déclare simplet, donc innocent en ces temps de graves irresponsables perpètrent des crimes. Fernandel fait l'idiot mais faire l'idiot ne veut pas dire qu'il n'est pas conscient de ce qui se passe autour de lui.

     

    C'est en reprenant "Ignace" de Fernandel que Bourvil remporta un radio-crochet de Radio-Cité en 1938 et endossa à son tour le costume du chanteur idiot, stéréotype déjà lancé à la Belle Epoque, lancé par Dranem et Fortugé.

    Dans les années 1940, Jacques Pills (par ailleurs mari de la grande chanteuse Lucienne Boyer), qui n'était jamais en reste pour plaisanter, sans tomber cependant dans l'idiotie de Fernandel ou de Bourvil, devient peu à peu sérieux. Comme si son humour en avait pris un coup. Lui qui avait tourné dans toute l'Europe en duo avec son acolyte Georges Tabet, et qui avait repris notamment à Mireille et à Jean Nohain des chansons comme "Couchés dans le foin", voilà qu'il se met à évoquer la soltude de la femme du soldat avec "Seul dans la nuit" (1945), une reprise de la chanson de Léo Marjane. Ayant pris comme impresario Bruno Coquatrix, il continuera dans la voie sérieuse en collaborant plus tard avec Coquatrix pour la conception de spectacles à l'Olympia. Ses chansons de l'Occupation gardent quand même encore une bonne teinte d'humour : : "Avec son ukulélé", 1941, "Elle était swing , 1941, "Cheveux dans le vent", 1943

    Jacques Pills avait pris Gilbert Bécaud comme pianiste pour l'accompagner pour une tournée en Amérique. Suzy Solidor, elle, a pour pianiste le père (russe) de Michel Polnareff :il s'appelle Leib Polnareff mais son nom d'artiste, c'est Léo-Poll.

    1945, le temps des comptes

    Charles Trenet et son ex-complice duettiste Johnny Hess furent inquiétés à la Libération (voir "Chansons de la Douce France"). D'autres artistes le furent aussi.

    - Suzy Solidor chante chaque jour la version française de Lily Marlene dans son cabaret rempli d'Allemands. Elle participa à des galas politiques et elle eut une liaison avec un haut dignitaire nazi. A la Libération, on lui réclame des comptes.

    Piaf chante beaucoup de nouvelles chansons pendant l'Occupation. En 1940 : "y'en a un de trop", "L'accordéoniste", "on danse sur ma chanson". En 1941 : c'était un jour de fête", "j'ai dansé avec l'amour". En 1942 : "c'était une histoire d'amour". En 1943 : "de l'autre côté de la rue", "tu es partout". Etc. Certains ont prétendu que "tu es partout" était un acte de résistance par référence à "je suis partout" mais il n'en est rien. L'analyse du texte montre qu'il s'agit d'une simple chanson d'amour. Piaf a maille à partir avec la commission d'épuration. Elle s'en sort facilement et même avec les félicitations de ses juges. En effet, sa secrétaire était une résistante qui aida les clandestins et prisonniers avec l'aide passive de la chanteuse.

    Lys Gauty. À la Libération on lui reproche ses interventions sur Radio Paris et une tournée avec Fréhel et Raymond Souplex organisée par l'association Kraft durch Freude (la Force par la Joie) en Allemagne pendant laquelle elle chante devant les ouvriers du S.T.O et les prisonniers des Stalags en 1942. Elle ne reviendra jamais sur le devant de la scène. Son plus grand succès restera la valse "Le chaland qui passe" (1933), version française de la chanson italienne Parlami d'amore Mariu, chantée par Vittorio de Sica. 

    - Léo Marjane. Née en 1912, elle vient d'avoir 101 ans le 27 aout 2013. À la Libération, elle fut poursuivie par les Comités d’épuration pour avoir chanté dans des établissements fréquentés par des officiers allemands « Je ne pouvais pas empêcher les Allemands d’entrer..." Elle est arrêtée et jugée, puis finalement acquittée, mais pour elle le mal est fait et son image s'en ressentira durablement. Son premier grand succès "La Chapelle au clair de lune" - traduit de l'anglais - l'avait propulsée en 1937 au devant de la scène. En 1942, elle remporte un immense succès avec la chanson "Seule ce soir", dans laquelle se reconnaissent les centaines de milliers de femmes françaises dont le mari est prisonnier de guerre en Allemagne ("Je suis seule ce soir / Avec mes rêves / Je suis seule ce soir/ Sans ton amour"). Cette chanson la rend célèbre. Elle sera reprise par Chevalier ainsi que par Jacques Pills.

    - Danielle Darrieux est contrainte de se produire en Allemagne pour faire libérer son mari. Puis le couple s'efface par prudence.

    - Tino Rossi grossit. Tino Rossi gagne des cachets astronomiques. Ou plutôt gastronomiques devrait-on dire car il grossit alors que tout le monde vit de privations. Il profère des propos inquiétants mais qui semblent plus liés à un délire passager (grisé par son succès ou grisé tout court ?) que par une adhésion aux thèses de Vichy.

    D'autres chansons et interprètes inoubliables de ces années-là

    La chanson française n'a pas connu d'exode.

    Elle est restée. Apolitique, elle se fait pourtant l'écho des préoccupations du moment  : "Elle a un stock" (Georgius), "Les jours sans" (Fernandel), "la symphonie de semelles en bois" (Chevalier), "la marché rose" (Jacques Pills), par exemple, en témoignent. Les Allemands financent les spectacles de divertissement pour assurer le "gai Paris". Paris est devenue la principale vedette Paris et Francis Lemarque en fait son sujet de prédilection. Le public se presse pour aller aux spectacles, à la fois pour oublier les soucis mais aussi parce que les chanteurs de rue ont disparu (interdiction des attroupements sur la voie publique). C'est un Français, Pierre Laval, qui va censurer les ondes à partir de 1942.

    - Lucienne Delyle : "Mon amant de Saint-Jean" C'est une chanson qu tout le monde connaît, sans savoir pour autant que Lucienne Delyle en est la créatrice sur la scène. Et pendant qu'Arletty aurait pu chanter "mon amant allemand", Lucienne Delyle chante "mon amant de Saint-Jean". C'est tout de même mieux...Cette chanson sera le grand succès de 1942. "Mon amant de Saint-Jean", une chanson tellement symbolique de son époque que Truffaut en fera la bande-son du Dernier métro. Sa carrière décline à la fin des années 1950, en raison d'une leucémie qui finira par l'emporter.. A écouter aussi : "Nuages", 1942 sur la musique de Django.

    - Lina Margy : "Ah ! le petit vin blanc". Son nom est associé à la chanson qu’elle crée en 1943 : "Ah ! le petit vin blanc", paroles de Jean Dréjac et musique de Charles Borel-Clerc. On lui doit aussi d’avoir popularisé "Voulez-vous danser grand-mère ?" (reprise ensuite par Chantal Goya), paroles de Jean Lenoir sur une musique de Raymond Baltel et Alex Padou.

    - Mâchez danois avec Ulmer ! Sa chanson "J'ai changé ma voiture contre une jeep "devient la chanson fétiche de la 2ème DB de Leclerc. Il écrit aussi "Pigalle" qui devient un succès. "Un monsieur attendait" est typique de son humour. L'accent danois de George Ulmer passe bien en période d'américanophilie. Son ami Pierre Dudan perce également avec Clopin-clopant","Le café au lait au lit", "la tête à l'ombre et les pieds au grand soleil".

    - L’américanisme est mal toléré mais Yves Montand aime l'Amérique et il chante grimé en cow boy.En octobre 1944, Edith Piaf lui a donné sa chance et il passe justement en..."vedette américaine" ! 

    Raymond Legrand fait office de remplaçant de Ray Ventura parti s'aérer en Amérique du Sud en attendant que la guerre passe. Il fait de la musique brillante et joyeuse.

    - Un chant circule dans l'ombre : le Chant de la libération dont le titre sera très tôt changé en "Chant des partisans". Une chanson écrite par Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon sur une mélodie d'Anne Marly qui devait au départ servir d'indicatif à Radio Londres.Germaine Sablon (soeur aînée de Jean Sablon et résistante) la crée.

    Juliette Greco est plus litéraire. Elle a comme premier paroliers Queneau (Si tu t'imagines"), Sartre (Rue des blancs-manteaux), Mauriac...

    Georges Guétary

    Cet athlète égyptien venu en France étudier la comptabilité et la gestion, sera vite célèbre grâce au compositeur Francis Lopez qui lui écrira, entre autres, "Robin des bois", "Caballero", "Chic à Chiquito". Spécialisé dans l'opérette et le film musical comme "La Route fleurie", Guétary joue aux côtés de Gene Kelly dans "Un Américain à Paris" de Vicente Minelli. Il est aussi célèbre pour son tube "Le pt'it bal du samedi soir".

    Radio-Paris ment, Radio-Londres parodie La propagande joue à plein. Radio-Paris est la radio du Maréchal. Y viennent chanter Chevalier et Fernandel. A Radio-Londres, Pierre Dac parodient des chansons pour s'en prendre à des vedettes, ainsi "tout ça fait d'excellents Français" est détournée par ses soins.

    Marie-José connut un certain succès pendant et après la Seconde Guerre mondiale. "Le bar de l'escadrille" fut gravé en 1942.

    Plutôt que coller des liens partout, j'ai confectionné cette playliste de plus de 70 vidéos musicales sur YouTube :

    PLAYLISTE DES CHANSONS DES ANNEES 1940 - 1944


     

     

     

     

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    Témoignage présenté dans ce livre

     

    Rapport officiel établi par la Communauté des Sœurs du Bon-Sauveur, remis aux auteurs par la Mère Supérieure :

    Le 6 juin :

    « Les malades étaient restées depuis le matin dans les caves mais quelques-unes d'entre elles s'y étant excitées, les sœurs avaient jugé bon de leur donner à toutes un moment de répit après le repas ; c'était, hélas ! pour recevoir dies bombes. »

    Pendant ce temps, voici ce qui se passe au Triage (Note de MLQ: le Grand Pavillon):

    « Les pauvres blessés, encore sous le coup d'une première et violente émotion, sont pris de panique, s'affolent et s'enfuient le pavillon est si près du lieu de chute des huit bombes, que le choc formidable en fait trembler tout le bâtiment, si solide pourtant.

     

    Cette fois ils croient leur dernière heure arrivée, on ne parvient pas à les retenir et c'est une ruée lamentable vers la cave. En même temps arrivent les femmes de la Maternité (service infantile au premier de Notre-Dame), ceci met une note encore plus triste au tableau les malheureuses paraissent encore plus affolées que les blessés, échevelées, en chemise et pieds nus, serrant leur enfant dans leurs bras ou se soutenant les unes les autres, poussent des cris terrifiants.

     

    On est prêt, devant ce triste spectacle, à fondre en larmes, mais ne faut-il pas plus que jamais conserver son énergie et son courage ? Et voilà que dans cette mêlée, au milieu des cris et des pleurs, s'élève une prière ardente et combien suppliante.

     

    C'est bien le cri d'angoisse vers Dieu, le seul qui puisse nous sauver. Enfin, au bout d'un moment qui a semblé interminable, le danger s'étant éloigné de nous, on parvient à apaiser un peu ces pauvres gens.

    Il s'agit maintenant de rétablir l'ordre. Les docteurs usant de leur autorité font remonter les blessés la Maternité reste définitivement à la cave nos pensionnaires accourues en sortant de sous les décombres, s'y installent, décidées d'y rester désormais tout le temps qu'il faudra d'autres personnes, en grand nombre, viennent également s'y réfugier si bien qu'elle est très vite envahie cette mémorable cave du pavillon, où nous verrons se passer tant de choses.

     

    Le soir on se demande où coucher :

    faut-il même se coucher ?

    Personne du moins n'envisage d'aller au lit.

     

    On se disperse un peu partout dans les lieux que l'on croit les plus surs. La Communauté s'installe au bas de l'escalier rouge, à proximité de la cave ; un groupe de jeunes professes et les 40 petits sourds-parlants adoptent une étable de Saint-Augustin ;

     

    les hommes aliénés vont tirer profit de la tranchée-abri faite par eux à Saint-Jean-Baptiste ; beaucoup de gens sont, depuis l'après-midi installés dans nos prairies, dans ce nombre on compte pas mal de malades tuberculeux, tandis que d'autres se sont réfugiés ou dans les caves ou sous les cyprès de la cour d'honneur, etc...

     

    Enfin, chacun choisit l'endroit qu'il juge le plus convenable pour lui servir d'abri. C'est déjà un semblant de sécurité.

    Les réfugiés sont si nombreux que nous ne savons plus où les loger. Et pourtant, il nous est difficile de refuser l'hospitalité aux amis de la maison qui se présentent.

     

    Nous acceptons toujours, ils se font tellement suppliants, demandant seulement un tout petit coin.

     

    En effet, tous les petits coins sont utilisés, on s'installe partout : ne trouve-t-on pas des matelas jusque sous les cloîtres intérieurs et extérieurs,

     

    puisque tous les bâtiments sont pris, même la construction inachevée de Saint-Joseph.

    La cour d'honneur subit, elle aussi, une drôle de transformation : on couche sur les pelouses, on y mange, on y étend le linge, le bassin sert de cabinet de toilette, de lavoir; les pauvres poissons rouges sont sûrement au comble de l'étonnement. »

    Le 8, à la faveur d'une accalmie, les petits sourds sont évacués à Venoix où le Bon-Sauveur possède une propriété.

     

    Les réfugiés profitent, de ce répit pour aller reconnaître la ville.

    « Tous partent avec l'espoir plus ou moins vague de rapporter tant soi peu de leur bien.

     

    Quelquefois, ce sera un rien, mais ce rien, mais ce rien sera précieux parce qu'il est l'unique rescapé, le seul vestige de toute une vie de souvenirs.

     

    Beaucoup de sinistrés le sont, hélas ! totalement, les flammes ayan chez eux tout consumé ; pour ceux-là, le sacrifice est bien grand et ce n'est qu'après plusieurs visites à leurs ruines calcinées, qu'ils se résignent à dire :« Je n'ai plus rien ». Les privilégiés (si ce n'est pas trop dire), qui parviendront à récupérer une partie plus ou moins importante de leurs affaires, reviendront poussant ou tirant le moyen de transport qu'ils auront eu la bonne fortune de trouver : brouette, voiture d'enfant, poussette, remorque, etc...

    contenant leur précieuse trouvaille.

     

    Malgré le danger des jours précédents, le pillage a malheureusement sévi et combien de sinistrés eussent sans cela été moins dépourvus. Fallait-il que ce déplorable et odieux pillage vienne encore s'ajouter à tant de maux ?

    Que dire du travail imposé à nos cuisinières en raison d'une telle affluence de monde ?

    C'est bien le moment d'affirmer que la tâche est lourde et la besogne compliquée par suite de la déficience du ravitaillement, de la pénurie de charbon et du manque d'eau.

     

    Nous devons pourtant à la bonne volonté de quatre ouvriers d'avoir la quantité d'eau suffisante pour la cuisine et la buanderie ; quand on pense qu'il en faut pour ces emplois, pour le moins 50.000 litres par jour, on peut se représenter l'effort qu'ils ont à fournir ; aussi les voit-on pomper de 6 heures du matin à 10 heures du soir.

    Note de MLQ, grâce à ce livre  des informations sur le pompage de l'eau dans l'Odon " Mais à côté du bâtiment de la buanderie, coule la paisible rivière, l'Odon, dont on tire l'eau au moyen d'une grosse pompe à bras.

     

    Cette pompe est équipée d'un énorme piston actionné par le mouvement de haut en bas de deux barres de bois, à la force des biceps de deux équipes de quatre à six hommes, qui rivalisent d'ardeur, face à face. Comme la tâche est pénible, il faut s'arrêter de temps en temps pour souffler. "

    Plan du Bon Sauveur: la pompe, l'Odon. Source du plan.

    En parlant de la cuisine, il ne faut pas moins parler du service dans les salles à manger et les réfectoires ; toutes et tous sont mis à contribution et encore ne suffisent pas.

     

    Il a fallu transformer la lingerie de la Communauté en réfectoire, une partie de la grande cuisine également.

     

    Partout, les services se succèdent durant trois heures pour chaque repas ; c'est dire que les Sœurs et les employées qui s'y dévouent n'ont pas un moment de répit, surtout à la salle à manger des docteurs et leurs familles où l'on sert près de 100 personnes, alors qu'il y a habituellement place pour une dizaine.

    Le personnel de la buanderie est de son côté on ne peut plus occupé : alors que le linge à laver est en grande abondance les services des blessés l'exigeant, les commodités sont plus rares : peu d'eau, pas d'électricité, un personnel bénévole.

     

    De plus, la buanderie n'offrant aucune garantie de sécurité, il faut à nos Sœurs et à leurs aides beaucoup de courage et de renoncement pour y rester pendant les bombardements et il leur en faut également pour affronter le danger durant les allées et venues, la Communauté se trouvant éloignée de l'emploi.

    Les Sœurs se dévouant aux blessés ont, elles aussi, une lourde tâche, bien que le personnel infirmier soit nombreux.

     

    Ces pauvres souffrants demandent tant de soins, la plupart étant très atteints. On ne peut passer dans.les grandes salles, comme celles du Sacré-Cœur et de Sainte-Camille, sans être saisis de tristesse à la vue de certaines blessures affreuses. Pauvres gens ! Et combien, après cela, verrons-nous de mutilés dans noire région ?

     

    Non seulement, comme après les autres guerres, des adultes hommes, mais encore des femmes et des enfants. C'est navrant. »

    Le 26 juin 

    « L'incendie se propage vite, bien que les secours aient été immédiats, on va jusqu'à craindre une explosion ; en conséquence, les blessés sont descendus soit dans la cave, soit sous le hall du pavillon.

    On envisage, si le danger se fait plus menaçant, de les transporter ailleurs.

     

    Ce n'est pas à souhaiter car on ne suffira pas à la tâche : la descente des étages a déjà été laborieuse, compte tenu de la panique régnant chez ces pauvres souffrants, du nombre considérable à brancarder et de l'aide qu'il faut apporter à la chaîne, ce qui prend nécessairement sur le nombre des brancardiers.

     

    La chaîne se fait dans les meilleures conditions : il y a beaucoup de bonnes volontés (n'y voit-on pas jusqu'à des religieuses), tous les seaux, brocs, pots, bains de pied, etc..., de la maison sont utilisés, toutes les pompes-fontaines en mouvement.

     

    Cela donne espoir, on prie d'ailleurs, à la cave du pavillon surtout, pour que le Bon Dieu vienne encore à notre secours.

    On fait de son mieux pour rassurer les blessés, plus particulièrement les pauvres impuissants, étendus sur les brancards ; ceux-là sont si malheureux de penser qu'ils ne pourront pas faire le moindre effort pour se sauver ; ils sont d'autant plus difficiles à apaiser.

    Sous le hall du pavillon, c'est une lamentable cohue.

     

    Une partie de la chaîne se fait là, alors que c'est archicomble de blessés

     

    Le 9 juillet 

    « Les Canadiens se font ouvrir les portes des maisons pour s'assurer que des Allemands ne s'y cachent pas.

     

    La nôtre ne s'ouvrant pas assez vite à leur gré, ils usent de leur fusil mitrailleur et tirent en plein dans la cour d'entrée : les éclats viennent jusqu'à la chapelle Saint-Michel et blessent

    légèrement deux hommes de la D. P.

     

    La porte leur est alors aussitôt ouverte ; ils s'étonnent de voir des Sœurs et, se reconnaissant dans un couvent, s'excusent de leur regrettable geste ; c'est qu'ils croyaient disent-ils, qu'on cachait des Allemands. »

     

    SOURCES

    http://sgmcaen.free.fr/temoignage-communaute-bs.htm

     

     

     

    Le 19 août, le Maire (Note de MLQ: Joseph Poirier adresse à la Mère Supérieure une lettre dont nous détachons ce passage :

    « Dans les jours cruels que la Ville de Caen vient de vivre, sa population a trouvé près de vous un large accueil et des secours pour lesquels il conviendra que la gratitude publique vous soit manifestée.

    D'ores et déjà, je tiens à vous exprimer toute la gratitude de la Municipalité qui a été de très près témoin de l’œuvre accomplie par votre Communauté, tant au service des blessés qu'au service des sinistrés et des réfugiés...,

    bien que la catastrophe ait dépassé toutes les prévisions que nous avions pu établir, c'est en grande partie grâce à votre hospitalité généreuse et à l'organisation modèle du Bon-Sauveur, qu'il a pu être fait face aux besoins exceptionnels de la population.

    Je suis heureux de vous en féliciter et de vous en remercier personnellement comme au nom de mes collègues demeurés à leur poste.... »

     

     

     

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  • Le Système Octogon

     


    Le Système OCTOGON (1/2). Où est passé l'Or du... par Agent__001

    Le documentaire ultrasensible censuré par Arte sur ce qu'est devenu l'or du IIIe Reich. Une enquête sur la disparition de ce trésor et sa réapparition dans les caisses du parti de la CDU, dans des financements occultes divers, entre les mains de l'Etat américain et du secteur bancaire israélien.  

    Comment, après la Seconde Guerre mondiale, le parti du chancelier Adenauer fut financé par un vaste réseau occulte réunissant agents de la CIA et anciens nazis.

    En 1944, prévoyant la défaite de l’Allemagne, deux marchants d’armes et affairistes nazis cachent de fortes sommes d’argent en Suisse pour le compte des services secrets de la SS.

     

    Après la guerre, les deux aventuriers rapatrient le trésor caché

    pour financer la toute jeune CDU. 

    Anciens nazis et agents américains créent alors un réseau de corruption et de financement politique occulte, Octogon, qui exploite les ventes d’armes à l’armée allemande pour détourner de fortes commissions vers les caisses noires de la CDU et financer les campagnes de Konrad Adenauer.

     

     


    Le Système OCTOGON (2/2). Où est passé l'Or du... par Agent__001 

    L’affaire devient publique en 1956, et provoque la constitution d’une commission d’enquête parlementaire.

     

    Mais ce n’est pas l’heure de la vérité.

     

    Après plusieurs suicides et disparitions suspectes de témoins, l’enquête se termine dans la confusion. Les affaires peuvent donc continuer…

    ................Jusqu’à la démission d’Helmut Kohl.

     

    (Documentaire controversé diffusé sur Arte le 1er juin 2011

    – Réalisation Jean-Michel Meurice d’après

    une enquête de Frank Garbely et Fabrizio Calvi)

     

    http://fortune.fdesouche.com/tag/or-nazi

     

     

     

     

     

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    La plupart des maquisards agissent depuis les régions montagneuses de Bretagne,
    du Massif central, des Alpes et du Sud de la France.
    Ils font naturellement partie de la Résistance, encadrés, organisés au sein des Forces françaises de l'intérieur
    (FFI, liées au Gouvernement provisoire de la République française d'Alger) ou des Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF,communistes), armés par des parachutages alliés.
    Le premier maquis en France est installé dans le massif du Vercors en décembre 1942.
    Par sa proximité avec plusieurs grands massifs montagneux, la ville de Grenoble devient sur les ondes de la BBC la capitale des maquis.
    Dès 1943, les Britanniques envoient des hommes et des munitions dans les maquis par l'intermédiaire du Special Operations Executive (SOE) créé en 1940 par Winston Churchill.
    Les Américains, grâce à l'Office of Strategic Services (OSS), enverront eux aussi leurs agents en France, en collaboration avec le SOE.
    À l'approche du débarquement de Normandie le 6 juin 1944, et surtout après celui de Provence le 15 août, les maquis, dont les effectifs augmentent grandement pour l'occasion, lancent des opérations de guérilla pour ralentir les mouvements de l'armée allemande.
    Durant le Débarquement de Normandie, le maquis et d'autres groupes de résistants jouent un rôle non négligeable, en retardant l'arrivée des renforts allemands.
    Au fur et à mesure de la progression alliée, les groupes de maquisards combattent très violemment les troupes allemandes.
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    Par exemple, le groupe de 7 000 maquisards de Nancy Wake affronte 22 000 Allemands le 20 juin 1944.
    Certaines cellules ne font pas de prisonniers, et bien souvent les Allemands préfèrent être capturés par les Alliés que par le maquis.
    De l'autre côté, les maquisards capturés sont fusillés ou torturés et déportés en camps de concentration, dont très peu reviendront.
    Organisation :
    Les cellules maquisardes prennent le nom de l'endroit depuis lequel elles opèrent (par exemple le Maquis du Vercors), d’un évènement historique (par exemple Valmy ou Bir-Hakeim, avec différentes orthographes) ou d’un personnage historique
    (Saint-Just ou Charles Martel).
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    La taille de ces cellules peut aller d'une dizaine d'hommes et de femmes à plusieurs milliers.
    Certaines cellules dans le Sud-ouest de la France sont composés exclusivement de républicains espagnols,
     
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    CARTE PHOTO GROUPE MAQUIS MAQUISARD FTP RESISTANCE FFI CORREZE 1943

    La Lozère accueille même un maquis allemand, dirigé par le communiste

    Otto Kühne.

    vétérans de la Guerre d'Espagne.
    Les maquisards se distinguent par le port du béret basque, suffisamment répandu pour ne pas éveiller les soupçons mais assez explicite.
     
     
    Les combats des maquis ne sont qu'une des formes de la Résistance.
    Les maquis sont dissous par De Gaulle à la Libération :
    les FFI sont alors amalgamés à l’armée française.
    Quelques maquis
    WIKIPEDIA
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  • Joséphine Baker, la résistante

    Dès le début de la guerre, Joséphine Baker se montre une ardente patriote.

     

    Devenue française par son mariage, en 1937, avec Jean Lion (de son vrai nom Levy), un industriel juif, elle décide d'entrer en résistance contre les nazis et refuse de chanter à Paris tant que les Allemands y seront.

    Elle a plus de 4000 filleuls de guerre.

    Chaque soir, elle assure la gestion à ses frais d'un centre d'accueil de réfugiés à la Gare du Nord.

    A l'aube elle regagne au Vésinet sa maison lointaine. 
    Avant de se coucher elle s'astreint encore à une longue prière. Elle dort quelques heures et dès qu'elle a pris son bain, elle s'assoit à une table dans sa chambre ; elle écrit à ses soldats. Puis elle s'occupe de la préparation des colis qu'elle leur destine et finance elle-même. [1]

    Elle effectue dès 1939 plusieurs tournées le long de la frontière nord-est pour motiver les troupes.
    En septembre 1939, Daniel Marouani, frère de l'agent de Joséphine Baker, la présente à Jacques Abtey, officier du 2ème Bureau, le service de renseignement de l'Armée. Abtey, qui était chef du contre-espionnage militaire à Paris au moment de la déclaration de guerre, est alors chargé de recruter des « Honorables Correspondants » des personnalités bénévoles et dignes de confiance susceptibles de se rendre partout sans éveiller les soupçons afin de recueillir des renseignements sur l'activité des agents allemands. Jacques Abtey relate ainsi leur rencontre, à la villa Beau Chêne du Vésinet  :

    Grande fut ma surprise lorsque je l'aperçus… nous avancions par l'allée du parc, lorsque nous entendîmes un joyeux « Hello ! » Puis ce fut l'apparition, au-dessus des buissons, d'un feutre ratatiné…

    Souriant de toutes ses dents, elle était là, une main dans la poche d'un vieux pantalon, l'autre tenant une vieille boite de conserve rouillée remplie d'escargots … Je fus, dès le commencement de notre conversation, saisi par l'étrange rayonnement de mon interlocutrice…

     

    Parlant sans rechercher d'effet, d'une voix douce, égale… je dus faire un effort afin de ne pas laisser paraître mon émotion quand elle me parlait de la France, son pays d'adoption :

     

    « C'est la France qui m'a fait ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle. La France est douce, il fait bon y vivre pour nous autres gens de couleur, parce qu'il n'y existe pas de préjugés racistes. Ne suis-je pas devenue l'enfant chérie des Parisiens. Ils m'ont tout donné, en particulier leur cœur. Je leur ai donné le mien. Je suis prête, capitaine, à leur donner aujourd'hui ma vie. Vous pouvez disposer de moi comme vous l'entendez. »

    Jacques Abtey

    Les Français Libres

    Il est alors convenu que Joséphine Baker se servira de ses relations pour se faire inviter aussi souvent que possible dans les cocktails donnés dans les ambassades afin d'y recueillir des informations sur les troupes ennemies.

     

    Elle réussit ainsi à obtenir, lors de réceptions données dans les ambassades d'Italie et du Portugal, de précieux renseignements sur les mouvements des troupes allemandes et les intentions de Mussolini au début de la guerre.

     

     


    Joséphine Baker lors d'un cocktail de l'armée de l'air (coll. S.H.A.A.)

    Titulaire d'un brevet de pilote, elle rejoint, pour masquer son engagement dans le contre-espionnage, les Infirmières Pilotes Secouristes de l'Air (IPSA) et accueille des réfugiés de la Croix Rouge.
    Début 1940, sur l'avis de Jacques Abtey, Joséphine Baker quitte Le Vésinet pour le château des Milandes en Dordogne où se formera autour d'elle un noyau de résistants.
    Lorsque le général de Gaulle lance son appel du 18 juin 1940, elle accepte avec enthousiasme de servir de couverture à Jacques Abtey, qui a reçu pour mission de transmettre aux services de renseignement de la France Libre, les renseignements recueillis en zone occupée sur les positions allemandes.
    Jacques Abtey voyagera sous la fausse identité de Jacques Hebert comme « artiste » qui « accompagne Madame Joséphine Baker » selon la mention portée sur son visa. Les renseignements sont transcrits en langage chiffré et à l'encre sympathique sur les partitions musicales.


    Le passeport au nom de Jacques Hebert avec lequel le commandant Abtey s'est rendu en Espagne, au Portugal et en Afrique du Nord.

    Soupçonnée par les Allemands de cacher des armes, Joséphine fait preuve d'un grand sang-froid lorsque ceux-ci demandent à perquisitionner sa propriété des Milandes, alors qu'elle y héberge des résistants : « Je pense que Monsieur l'officier ne peut être sérieux. Il est vrai que j'ai des grands-parents Peaux-Rouges mais il y a bien longtemps qu'ils ont enterré la hache de guerre, et s'il y a une danse que je n'ai jamais dansé, c'est bien la danse de guerre. »

    En 1941, Joséphine Baker et Jacques Abtey sont tous deux envoyés en Afrique du Nord en mission pour la France Libre. 
    Alors que Jacques Hébert ne parvient pas à obtenir de visa, Joséphine Baker part seule en Espagne donner des représentations et revient avec des notes d'informations qu'elle épingle dans son soutien-gorge. Elle évoque cette anecdote avec malice :

    « C'est très pratique d'être Joséphine Baker. Dès que je suis annoncée dans une ville, les invitations pleuvent à l'hôtel. A Séville, à Madrid, à Barcelone, le scénario est le même. J'affectionne les ambassades et les consulats qui fourmillent de gens intéressants. Je note soigneusement en rentrant… Ces papiers seraient sans doute compromettants si on les trouvait. Mais qui oserait fouiller Joséphine Baker jusqu'à la peau ? Ils sont bien mis à l'abri, attachés par une épingle de nourrice. D'ailleurs mes passages de douane s'effectuent toujours dans la décontraction… Les douaniers me font de grands sourires et me réclament effectivement des papiers… mais ce sont des autographes ! » [3]

    En juin 1941, Joséphine Baker tombe gravement malade. Son hospitalisation qui durera 19 mois ne met pas un terme à son activité de renseignement, bien au contraire puisque sa chambre devient un centre d'échanges d'informations secrètes. Elle s'emploie également à convaincre tous les officiels américains qu'elle rencontre de soutenir le général de Gaulle et la France Libre. 
    Lors du débarquement des Américains en Afrique du Nord, le 11 novembre 1942, elle quitte sa chambre d'hôpital pour vivre l'événement tant attendu.
    A peine rétablie, Joséphine Baker part soutenir le moral des troupes et organise des spectacles en remettant à l'armée française l'intégralité de ses cachets. Entre 1943 et 1944, elle mettra à la disposition des œuvres sociales de l'armée de l'air plus de 10 millions de francs. [4]
    Voyant l'effet que produisent les concerts de Joséphine sur le moral des troupes, un officier américain lui propose de signer un contrat pour la durée de la guerre, ce qu'elle refuse en soulignant qu'elle est un soldat de la France Libre et qu'elle chante bénévolement pour l'armée française [5]. Elle se met à la disposition du Haut Commandement des troupes pour donner des spectacles partout où on lui demande d'aller, finançant elle-même ses tournées. Elle n'a bientôt plus un sou mais ne se plaint jamais, convaincue de se battre pour une cause juste.
    Elle parcourt des dizaines de milliers de kilomètres en jeep à travers les déserts pour donner des spectacles dans les camps isolés de l'armée et dans les villes d'Alger, Agadir, Fez, Tunis, Benghazi, Alexandrie, Le Caire, Jérusalem, Haïfa, Damas et Beyrouth, partageant le quotidien des soldats avec ses risques et ses contraintes, au prix de sa santé.
    Lors de son passage à Alger en 1943, le général de Gaulle, reconnaissant, lui offre une petite Croix de Lorraine en or qu'elle vend par la suite aux enchères pour la somme de 350.000 francs au profit exclusif de la Résistance.
    Après avoir combattu l'occupation allemande en travaillant pour la Résistance, Joséphine Baker est, le 23 mai 1944, officiellement engagée pour la durée de la guerre à Alger, dans l'armée de l'air, et devient sous-lieutenant, rédactrice première classe, échelon officier de propagande. Elle débarque à Marseille en octobre 1944.


    Le commandant Alla Dumesnil-Gillet et le sous-lieutenant Joséphine Baker à Alger, 1944


    ... au débarquement allié, octobre 1944

    De nouveau hospitalisée en 1946, elle reçoit alitée, en présence de Mme de Boissieu, fille du Général de Gaulle, la médaille de la Résistance des mains du Colonel de Boissoudy.
    Les autorités militaires manifesteront cependant beaucoup de réticence à reconnaître son action, rejetant à deux reprises, en 1947 et en 1949 la proposition de sa nomination comme chevalier de la Légion d'Honneur. Il faudra l'intervention du général Billotte, chef d'état-major particulier du Général de Gaulle, du général Bouscat, chef d'état major général de l'armée de l'air et d'Alla Dumesnil-Gillet, supérieure hiérarchique de Joséphine Baker en Afrique du Nord, qui rédigent des rapports sur ses états de service pendant la guerre, pour que Joséphine Baker obtienne enfin la reconnaissance officielle qu'elle mérite pour son engagement patriotique. 
    Par décret du 9 décembre 1957 [JO du 14/12/1957], elle est faite chevalier de la Légion d'Honneur et reçoit la Croix de guerre avec palme. Le texte du décret est édifiant :

    " Dès 1939, se met en rapport avec les services du contre espionnage, fournissant de précieux renseignements, notamment sur l'éventualité de l'entrée en guerre de l'Italie, sur la politique du Japon et sur certains agents allemands à Paris. En octobre 1940, se met en rapport avec un officier du 2e Bureau. D'un courage et d'un sang-froid remarquables, transporte des messages secrets et continue à fournir des renseignements très utiles aux services alliés de l'intelligence service. Mobilisée pour la Croix Rouge, se dépense sans compter.
    Quitte Paris pour la Dordogne, soupçonnée par les allemands de cacher des armes, une perquisition est opérée dans sa propriété, fait preuve d'un courage et d'un sang-froid remarquables. Afin de faciliter le départ d'agents de renseignements pour l'Angleterre, monte une troupe artistique composée uniquement de gens désireux de rallier les F.F.L. ; passe en Espagne, soi-disant à destination du Brésil. A Lisbonne, reçoit un télégramme de Londres lui demandant d'organiser en France un nouveau service de renseignements. Rejoignant Marseille, mise en rapport avec un agent de renseignements est obligée de reprendre son activité artistique. Voulant quitter le sol de France part au Maroc en 1941, collabore avec les mouvements de résistance Française.
    Invitée dans les Ambassades et les Consulats lors d'une tournée en Espagne, recueille de précieux renseignements. Dès le débarquement allié en Afrique du Nord, à peine remise d'une longue maladie, s'engage dans les Formations Féminines des F.A.F.L. - Envoyée au Moyen-Orient, met son talent, son énergie au service des Combattants Français et alliés. Suit le corps Expéditionnaire Français en Italie. Belle figure de la femme française au service de la Résistance"
    . [6]

    Les médailles lui sont remises solennellement le 19 août 1961 dans le parc de son château des Milandes, par le général Martial Valin (1898–1980) commandant en chef des Forces aériennes françaises libres de juillet 1941 à juin 1944, puis chef d'état-major général de l'armée de l'air française d'octobre 1944 à février 1946 et enfin inspecteur général de l’armée de l’air jusqu'en 1957.


    Joséphine Baker reçoit la Croix de la Légion d'Honneur des mains du général Valin.

    Elle sera la première femme d'origine américaine à recevoir les honneurs militaires à ses funérailles en 1975.

    Et si Joséphine Baker entrait au Panthéon ? L'idée a été émise par l'écrivain Régis Debray dans une tribune du Monde en date du 16 décembre 2013. Cette « panthéonisation » de Joséphine Baker aurait le mérite d'éclairer un pan méconnu de son histoire, de rappeler au public qu'elle n'a pas été seulement une danseuse de music-hall devenue célèbre grâce à ses danses endiablées et ses pitreries. Son passé de résistante, sur lequel elle a toujours été discrète, ainsi que son combat contre le racisme méritent de rester dans nos mémoires.

    ****

    SOURCES: 

    http://histoire-vesinet.org/jbaker-resistante.htm

     

    Notes et sources :

    [1] Alain-Marie Foy et Jean-Marie Dumont, Hommage à Joséphine Baker, Bulletin Municipal du Vésinet n°31, juin 1975.

    [2] Jacques Abtey, La guerre secrète de Joséphine Baker, Editions Siboney, 1948, p 18 à 21.

    [3] Joséphine Baker et Jo Bouillon, Editions Robert Laffont 1976, p 177.

    [4] Charles Onana, Joséphine Baker contre Hitler, Editions Duboiris, 2006, p 98.

    [5] Ibid. p 89.

    [6] Colonel Rougier, Des Folies Bergère au ruban rouge, Lieutenant Joséphine Baker (1906-1975) chevalier de la Légion d'Honneur. La Cohorte n°159, 2000, p 31-32.

     

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