• 12 000 REFUGIES AU BON SAUVEUR CAEN 1944

     

    Témoignage présenté dans ce livre

     

    Rapport officiel établi par la Communauté des Sœurs du Bon-Sauveur, remis aux auteurs par la Mère Supérieure :

    Le 6 juin :

    « Les malades étaient restées depuis le matin dans les caves mais quelques-unes d'entre elles s'y étant excitées, les sœurs avaient jugé bon de leur donner à toutes un moment de répit après le repas ; c'était, hélas ! pour recevoir dies bombes. »

    Pendant ce temps, voici ce qui se passe au Triage (Note de MLQ: le Grand Pavillon):

    « Les pauvres blessés, encore sous le coup d'une première et violente émotion, sont pris de panique, s'affolent et s'enfuient le pavillon est si près du lieu de chute des huit bombes, que le choc formidable en fait trembler tout le bâtiment, si solide pourtant.

     

    Cette fois ils croient leur dernière heure arrivée, on ne parvient pas à les retenir et c'est une ruée lamentable vers la cave. En même temps arrivent les femmes de la Maternité (service infantile au premier de Notre-Dame), ceci met une note encore plus triste au tableau les malheureuses paraissent encore plus affolées que les blessés, échevelées, en chemise et pieds nus, serrant leur enfant dans leurs bras ou se soutenant les unes les autres, poussent des cris terrifiants.

     

    On est prêt, devant ce triste spectacle, à fondre en larmes, mais ne faut-il pas plus que jamais conserver son énergie et son courage ? Et voilà que dans cette mêlée, au milieu des cris et des pleurs, s'élève une prière ardente et combien suppliante.

     

    C'est bien le cri d'angoisse vers Dieu, le seul qui puisse nous sauver. Enfin, au bout d'un moment qui a semblé interminable, le danger s'étant éloigné de nous, on parvient à apaiser un peu ces pauvres gens.

    Il s'agit maintenant de rétablir l'ordre. Les docteurs usant de leur autorité font remonter les blessés la Maternité reste définitivement à la cave nos pensionnaires accourues en sortant de sous les décombres, s'y installent, décidées d'y rester désormais tout le temps qu'il faudra d'autres personnes, en grand nombre, viennent également s'y réfugier si bien qu'elle est très vite envahie cette mémorable cave du pavillon, où nous verrons se passer tant de choses.

     

    Le soir on se demande où coucher :

    faut-il même se coucher ?

    Personne du moins n'envisage d'aller au lit.

     

    On se disperse un peu partout dans les lieux que l'on croit les plus surs. La Communauté s'installe au bas de l'escalier rouge, à proximité de la cave ; un groupe de jeunes professes et les 40 petits sourds-parlants adoptent une étable de Saint-Augustin ;

     

    les hommes aliénés vont tirer profit de la tranchée-abri faite par eux à Saint-Jean-Baptiste ; beaucoup de gens sont, depuis l'après-midi installés dans nos prairies, dans ce nombre on compte pas mal de malades tuberculeux, tandis que d'autres se sont réfugiés ou dans les caves ou sous les cyprès de la cour d'honneur, etc...

     

    Enfin, chacun choisit l'endroit qu'il juge le plus convenable pour lui servir d'abri. C'est déjà un semblant de sécurité.

    Les réfugiés sont si nombreux que nous ne savons plus où les loger. Et pourtant, il nous est difficile de refuser l'hospitalité aux amis de la maison qui se présentent.

     

    Nous acceptons toujours, ils se font tellement suppliants, demandant seulement un tout petit coin.

     

    En effet, tous les petits coins sont utilisés, on s'installe partout : ne trouve-t-on pas des matelas jusque sous les cloîtres intérieurs et extérieurs,

     

    puisque tous les bâtiments sont pris, même la construction inachevée de Saint-Joseph.

    La cour d'honneur subit, elle aussi, une drôle de transformation : on couche sur les pelouses, on y mange, on y étend le linge, le bassin sert de cabinet de toilette, de lavoir; les pauvres poissons rouges sont sûrement au comble de l'étonnement. »

    Le 8, à la faveur d'une accalmie, les petits sourds sont évacués à Venoix où le Bon-Sauveur possède une propriété.

     

    Les réfugiés profitent, de ce répit pour aller reconnaître la ville.

    « Tous partent avec l'espoir plus ou moins vague de rapporter tant soi peu de leur bien.

     

    Quelquefois, ce sera un rien, mais ce rien, mais ce rien sera précieux parce qu'il est l'unique rescapé, le seul vestige de toute une vie de souvenirs.

     

    Beaucoup de sinistrés le sont, hélas ! totalement, les flammes ayan chez eux tout consumé ; pour ceux-là, le sacrifice est bien grand et ce n'est qu'après plusieurs visites à leurs ruines calcinées, qu'ils se résignent à dire :« Je n'ai plus rien ». Les privilégiés (si ce n'est pas trop dire), qui parviendront à récupérer une partie plus ou moins importante de leurs affaires, reviendront poussant ou tirant le moyen de transport qu'ils auront eu la bonne fortune de trouver : brouette, voiture d'enfant, poussette, remorque, etc...

    contenant leur précieuse trouvaille.

     

    Malgré le danger des jours précédents, le pillage a malheureusement sévi et combien de sinistrés eussent sans cela été moins dépourvus. Fallait-il que ce déplorable et odieux pillage vienne encore s'ajouter à tant de maux ?

    Que dire du travail imposé à nos cuisinières en raison d'une telle affluence de monde ?

    C'est bien le moment d'affirmer que la tâche est lourde et la besogne compliquée par suite de la déficience du ravitaillement, de la pénurie de charbon et du manque d'eau.

     

    Nous devons pourtant à la bonne volonté de quatre ouvriers d'avoir la quantité d'eau suffisante pour la cuisine et la buanderie ; quand on pense qu'il en faut pour ces emplois, pour le moins 50.000 litres par jour, on peut se représenter l'effort qu'ils ont à fournir ; aussi les voit-on pomper de 6 heures du matin à 10 heures du soir.

    Note de MLQ, grâce à ce livre  des informations sur le pompage de l'eau dans l'Odon " Mais à côté du bâtiment de la buanderie, coule la paisible rivière, l'Odon, dont on tire l'eau au moyen d'une grosse pompe à bras.

     

    Cette pompe est équipée d'un énorme piston actionné par le mouvement de haut en bas de deux barres de bois, à la force des biceps de deux équipes de quatre à six hommes, qui rivalisent d'ardeur, face à face. Comme la tâche est pénible, il faut s'arrêter de temps en temps pour souffler. "

    Plan du Bon Sauveur: la pompe, l'Odon. Source du plan.

    En parlant de la cuisine, il ne faut pas moins parler du service dans les salles à manger et les réfectoires ; toutes et tous sont mis à contribution et encore ne suffisent pas.

     

    Il a fallu transformer la lingerie de la Communauté en réfectoire, une partie de la grande cuisine également.

     

    Partout, les services se succèdent durant trois heures pour chaque repas ; c'est dire que les Sœurs et les employées qui s'y dévouent n'ont pas un moment de répit, surtout à la salle à manger des docteurs et leurs familles où l'on sert près de 100 personnes, alors qu'il y a habituellement place pour une dizaine.

    Le personnel de la buanderie est de son côté on ne peut plus occupé : alors que le linge à laver est en grande abondance les services des blessés l'exigeant, les commodités sont plus rares : peu d'eau, pas d'électricité, un personnel bénévole.

     

    De plus, la buanderie n'offrant aucune garantie de sécurité, il faut à nos Sœurs et à leurs aides beaucoup de courage et de renoncement pour y rester pendant les bombardements et il leur en faut également pour affronter le danger durant les allées et venues, la Communauté se trouvant éloignée de l'emploi.

    Les Sœurs se dévouant aux blessés ont, elles aussi, une lourde tâche, bien que le personnel infirmier soit nombreux.

     

    Ces pauvres souffrants demandent tant de soins, la plupart étant très atteints. On ne peut passer dans.les grandes salles, comme celles du Sacré-Cœur et de Sainte-Camille, sans être saisis de tristesse à la vue de certaines blessures affreuses. Pauvres gens ! Et combien, après cela, verrons-nous de mutilés dans noire région ?

     

    Non seulement, comme après les autres guerres, des adultes hommes, mais encore des femmes et des enfants. C'est navrant. »

    Le 26 juin 

    « L'incendie se propage vite, bien que les secours aient été immédiats, on va jusqu'à craindre une explosion ; en conséquence, les blessés sont descendus soit dans la cave, soit sous le hall du pavillon.

    On envisage, si le danger se fait plus menaçant, de les transporter ailleurs.

     

    Ce n'est pas à souhaiter car on ne suffira pas à la tâche : la descente des étages a déjà été laborieuse, compte tenu de la panique régnant chez ces pauvres souffrants, du nombre considérable à brancarder et de l'aide qu'il faut apporter à la chaîne, ce qui prend nécessairement sur le nombre des brancardiers.

     

    La chaîne se fait dans les meilleures conditions : il y a beaucoup de bonnes volontés (n'y voit-on pas jusqu'à des religieuses), tous les seaux, brocs, pots, bains de pied, etc..., de la maison sont utilisés, toutes les pompes-fontaines en mouvement.

     

    Cela donne espoir, on prie d'ailleurs, à la cave du pavillon surtout, pour que le Bon Dieu vienne encore à notre secours.

    On fait de son mieux pour rassurer les blessés, plus particulièrement les pauvres impuissants, étendus sur les brancards ; ceux-là sont si malheureux de penser qu'ils ne pourront pas faire le moindre effort pour se sauver ; ils sont d'autant plus difficiles à apaiser.

    Sous le hall du pavillon, c'est une lamentable cohue.

     

    Une partie de la chaîne se fait là, alors que c'est archicomble de blessés

     

    Le 9 juillet 

    « Les Canadiens se font ouvrir les portes des maisons pour s'assurer que des Allemands ne s'y cachent pas.

     

    La nôtre ne s'ouvrant pas assez vite à leur gré, ils usent de leur fusil mitrailleur et tirent en plein dans la cour d'entrée : les éclats viennent jusqu'à la chapelle Saint-Michel et blessent

    légèrement deux hommes de la D. P.

     

    La porte leur est alors aussitôt ouverte ; ils s'étonnent de voir des Sœurs et, se reconnaissant dans un couvent, s'excusent de leur regrettable geste ; c'est qu'ils croyaient disent-ils, qu'on cachait des Allemands. »

     

    SOURCES

    http://sgmcaen.free.fr/temoignage-communaute-bs.htm

     

     

     

    Le 19 août, le Maire (Note de MLQ: Joseph Poirier adresse à la Mère Supérieure une lettre dont nous détachons ce passage :

    « Dans les jours cruels que la Ville de Caen vient de vivre, sa population a trouvé près de vous un large accueil et des secours pour lesquels il conviendra que la gratitude publique vous soit manifestée.

    D'ores et déjà, je tiens à vous exprimer toute la gratitude de la Municipalité qui a été de très près témoin de l’œuvre accomplie par votre Communauté, tant au service des blessés qu'au service des sinistrés et des réfugiés...,

    bien que la catastrophe ait dépassé toutes les prévisions que nous avions pu établir, c'est en grande partie grâce à votre hospitalité généreuse et à l'organisation modèle du Bon-Sauveur, qu'il a pu être fait face aux besoins exceptionnels de la population.

    Je suis heureux de vous en féliciter et de vous en remercier personnellement comme au nom de mes collègues demeurés à leur poste.... »

     

     

     

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